Bracelet de l'amour ou de l'amitié ?
— Eh toi ! Vient par-là, faut qu'on parle un peu de tes lubies capillaires du moment.
Je suis Guillaume qui me tire par le bras et esquisse un sourire, l'étirement de mes lèvres trahissant les battements affolés de mon cœur. J'ai peur qu'il ne pose cette question trop lourde qui me fait trembler, celle qui me réveille en sueur au milieu de la nuit et hante mes mauvais rêves : Y-a-t-il un risque que je ne ressorte pas vivante de cette épreuve ?
Ses yeux suivent mes mouvements nerveux et il s'arrête dans un coin à l'écart de la foule.
— Ne t'en fais pas, je suis pas venu te proposer une perruque rose, il rit de sa propre blague et reprends. Non mais plus sérieusement, je te dis que je suis pas sûr d'être hétéro et toi la meilleure chose que tu trouves à faire c'est ramener le gars le plus beau gosse de la Terre sous mes yeux ?
Déroutée, je lâche un petit rire et l'interroge :
— Il te plait ? J'étais sûre que t'étais pas hétéro !
— Ouais, ouais. Y a que les morts qui changent pas d'avis, dit-il avec un rictus désinvolte. Si tous les fantômes du monde devaient dire la vérité, leurs épitaphes seraient désintégrées sous les mensonges inscrits.
— T'es en train de me dire... que tu veux aller vandaliser un cimetière pour réaliser tes rêves de super-barman ?
— Comment tu sais que je voulais être barman ? demande-t-il, surpris.
— Tu ne nies pas pour le cimetière ?
— Bien sûr que je nie ! Enfin... pour l'instant. Peut-être que je serai un zombie dans une autre vie qui sait ?
J'éclate d'un rire franc. Cet idiot pourrait faire rire un pigeon.
— D'ailleurs, si tu ne veux pas qu'on découvre ton rêve de super shakeur évite de mettre des T-shirts comme « Le tueur de Mojitos » ou « Le prêtre des alcoolos ». Sachant que tu ne bois que du coca zéro c'est pas difficile de deviner tes réelles motivations. Aussi flagrant que ton humour de girafe.
Il se renfrogne et me fixe en s'empêchant de cligner des yeux.
— T'es pas une bibliothécaire toi, t'es le FBI et la CIA dans la même bouteille.
Il fait semblant d'agiter un shakeur et me tend un verre invisible :
— Voici votre supplément « vie d'espionne » madame.
Et il s'éclipse dans un clin d'œil pour rejoindre Hugo et Julie. Dans un dernier regard, il me lance :
— Au fait, c'est vrai que j'ai un humour de girafe ?
— C'est vrai que ta bouche est aussi grande que son cou mais t'es pas aussi mignon qu'elle, ça c'est sûr.
Il tire la langue en réponse (rose et pas bleue) et s'en retourne remplir son estomac pour de bon. Je reste figée face à la porte. Un humour de girafe ? Dites-moi que je rêve, mon humour à moi est aussi inutile qu'une bergamote dans un congélateur. Je m'adosse au mur et observe la lumière filtrant à travers la porte en face, juste avant qu'elle ne s'ouvre et ne laisse entrer un individu que je connais bien.
L'homme du hall jette un regard circulaire sur la salle emplie de monde et je m'empresse d'aller l'accueillir. C'est sans compter sur Monique, qui se révèle être d'une vitesse bluffante quand il s'agit d'aller colporter de mauvais mots sur Hugo :
— Olivier ! s'exclame-t-elle. Vous saviez qu'en plus d'être de mauvaise foi et très susceptible, Hugo est un baratineur de première ? Regardez-moi ça ! Il a l'air d'un meurtrier avec ce couteau à la main.
Je ne saisis pas trop le rapport mais le nouvel arrivant sourit à la dévoreuse de cookies avant de se tourner vers moi.
— Bonjour Léna, je crains que mon nom ne vous soit inconnu, dit-il dans un sourire révélant de légères rides. Je me nomme Olivier. Comme l'arbre... même si ma réalité est bien moins ange-olivée.
Je souris à ce jeu de mot et mon cœur tressaute devant un souvenir « Olivier Dhervillers ». Non, impossible. Je chasse cette idée farfelue de mon esprit ; après tout, mon père et mon patron se nomment tous deux Jean-Paul. Rien d'extraordinaire dans le hasard. Et puis, un homme assez riche pour être propriétaire d'un immeuble ne viendrait pas ici habillé d'un pantalon délavé et rapiécé, rehaussé d'un T-shirt plus au moins dans le même état.
— Bonjour Olivier ! Heureuse de vous voir ici, que nous vaux le plaisir de votre présence ?
— Eh bien... J'ai vu l'affiche sur la porte et n'ai pas pu refréner ma curiosité. Ce que vous faites pour cet immeuble est admirable ! s'exclame-t-il, un peu trop fort à mon goût.
Je rougis et esquive son compliment en lui présentant les environs. Monique insiste pour lui offrir un morceau de gâteau cerise-citron, le meilleur selon elle, mais dont je doute du réel bon goût de l'objet ; le mélange me paraissant un peu farfelu. Je les laisse donc à se remplir la panse et revient vers le stand de livres et de bracelets où Emma s'est installée, gérant les transactions comme une cheffe.
— Eh bien Emma ! Quel talent pour la vente ! Il ne reste presque plus rien.
Elle lève ses yeux vers moi et me sourit de toutes ses dents, comme une enfant à qui on viendrait d'annoncer un séjour à Disneyland.
— Je n'ai peut-être pas un visage très vendeur mais je sais compter et j'ai le business dans le sang ! Mes parents avaient des boulots nécessitants souvent d'avoir des mots marchands, j'ai tout appris auprès d'eux.
C'est la première fois qu'elle évoque ses parents face à moi. Ne souhaitant pas insister et préférant la laisser s'ouvrir d'elle-même sur son passé, je m'installe à ses côtés pour terminer les ventes.
Je jette un coup d'œil à mon téléphone et déchiffre l'horloge numérique. Il reste un peu moins d'une heure pour finir de vendre un maximum de choses, la vente se finissant à dix-neuf heures. Je me tourne vers Julie, qui a sûrement déjà tenu compte de l'heure puisqu'il ne reste que quelques parts de gâteaux par-ci par-là ; la plupart sans doute dévorées goulûment par Monique. C'est fou la quantité de nourriture que cette femme peut avaler.
Je l'aperçois d'ailleurs non loin de là, en pleine discussion avec Olivier qui se contente de lui offrir son sourire habituel, la tête probablement un peu ailleurs. Hugo et Guillaume sont en plein combat de pouce. Je n'avais pas vu ça depuis dix ans... Quels gamins ces deux-là.
Je souris tout de même, heureuse qu'ils aient su s'apprécier si rapidement, et renoue des bracelets au poignet d'Axelle. Elle ne sait lequel choisir.
— Tu sais que le vert représente l'espoir ? J'aime beaucoup cette couleur ! Et le rouge aussi... même si ça me correspond moins bien.
— Pourquoi ça ? lui demandé-je, surprise.
— Le rouge c'est la couleur de l'amour... Et on ne peut pas dire qu'il fasse partie de ma vie.
Je le souris tendrement et affirme avec conviction :
— Ta mère et tes frères et sœurs t'aiment. Le plus important n'est pas l'amour que les autres peuvent te porter mais d'abord l'amour que tu te portes à toi-même. Tu dois être la reine de ton royaume intérieur avant de souhaiter devenir la princesse de celui d'un autre.
Je lui désigne le bracelet qu'elle tient entre les mains :
— Vert pour l'espoir, jaune pour le bonheur et rouge pour l'amour. C'est tout ce dont ton cœur a besoin pour te permettre de vivre pleinement et d'être celle que tu veux. Ne cherche pas à assortir les plus belles couleurs, mais à nouer les plus réelles.
Convaincue, elle hoche la tête et me rend ses autres essayages, retournant à la contemplation des pages d'encre qu'elle avait quittées. Sa mère et moi terminons de vendre notre stock et il est sept heures moins le quart lorsque les derniers visiteurs repartent.
J'aperçois des cernes qui se creusent sur les visages de mes amis et le mien ne doit pas être mieux. La chimio commence à aspirer mes forces tel un vampire en blouse blanche. Néanmoins, nous nous armons de patience pour ranger et nettoyer l'espace auparavant remplit de monde. C'est lorsque je termine de passer le balais qu'un cri retentit, portant la voix de Lilou jusqu'à mes oreilles, et que je me rends compte que cette journée est loin d'être finie :
— Maman ! Axelle se métamorphose en tomate !
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Bonjour chers lecteurs !
Comment allez-vous aujourd'hui ? 🌟
J'espère que le chapitre du jour vous aura plu ^^
À votre avis, quel est le sens caché de la phrase de Lilou ?👀
Vous avez déjà goûté le gâteau cerise-citron ? Moi non mais Monique a l'air d'adorer 😂
Bonne journée ❤️
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