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Aurianne, je ne veux pas te mettre la pression mais les secondes coulent dangereusement dans le sablier de ma tête, je pourrais presque compter les grains de sable qui tombent sur le plancher de mon crâne. Elles font tellement mal ces petites poussières qui ricochent sur mes os, écho douloureux résonnant jusqu'à mes entrailles. Et tu sais que j'ai toujours détesté avoir mal.
Quand on étaient petites c'était une de tes grandes moqueries, j'avais peur de tomber, peur des piqûres, peur des plats trop chaud qui me brûlaient la bouche et des plats trop froids qui me glaçaient les dents, créant des grincements montant jusqu'à mon cerveau. Oui, tu as toujours aimé le rappeler à l'occasion des réunions familiales, ou des fêtes entre amis. Les petites anecdotes qui ne me faisaient pas du tout rire. Qu'est ce que j'aimerais en entendre une de tes petites histoires dont j'ai particulièrement honte. J'adorerais entendre ton rire grave qui faisait se tourner toutes les têtes vers toi. Il sonne à mes oreilles et un léger sourire se forme sur mes lèvres. Oui il me manque terriblement, je regarde les vidéos pour l'écouter, je tente même de le reproduire pour ne pas l'oublier, j'y pense autant que j'en rêve.
Les parents et les soignants doivent me prendre pour une folle avec toutes les expressions qui passent sur mon visage, toutes ces sensations qui me traversent de part en part. On l'a toujours su, toi et moi, qu'on était folles. Je me souviendrais toujours de ce que tu m'as dit un jour que je pleurais car un des mes camarades m'avait traitée de fille totalement bizarre et infréquentable: "Tout le monde n'a pas la chance d'avoir plusieurs personnes dans sa têtes, moi je t'ai toi et toi tu m'as moi, c'est pour ça qu'on se comprend si bien." Sur le moment je ne t'ai pas cru, toi tu as toujours réussi à être appréciée de tout le monde; comment aurais-tu pu me comprendre ? Et puis il y a eu ce jour où il pleuvait tellement qu'on aurait pu nager dans le jardin, tu fixais le ciel mais je les ai vu, les larmes qui se mélangeaient aux gouttes de pluie. Tu te souviens de la longue discussion qu'on a eu ce jour là ? Moi je m'en rappelle au mot près.
Aujourd'hui aussi il pleut. L'atmosphère est si pesante qu'on se sent écrasé, totalement aplati. Mes poumons aussi sont écrasés, l'air me manque et le monde autour de moi tangue dangereusement. Si violemment que mes genoux heurtent le sol, claquant contre le vinyle de la pièce. L'infirmière pousse un petit cri et se précipite pour m'aider, desserrant le foulard autour de mon cou. Je suffoque dans cette petite pièce, les murs semblent se rapprocher de moi, m'enfermer encore plus dans cette prison mentale qui opprime mon âme.
Trente secondes.
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