Acte I, Scène 3
Scène 3
LES INVITÉS,EURYDICE,ORPHÉE,LE MAÎTRE DE MAISON
Des bruits de rivière et de zéphyr envahissent progressivement la scène de manière fantomatique. La fenêtre est ouverte. Rêverie de Claude Debussy commence à jouer sur un vieux gramophone. La musique résonne au fond de la pièce. Après quelques instants, les lampes et la lumière du jour illuminent peu à peu la pièce pendant que des bruits d'agitation émergent du jardin: ce sont des invités qui rient et discutent en bas de la fenêtre. On devine peu à peu une fête champêtre.
LES INVITÉS
Où sont les mariés ? On attends toujours le chant du poète !
Un poète ! Si seulement ce n'était qu'un poète ! C'est un musicien, une chorale, un orchestre, une symphonie !
Orphée sait se laisser désirer. Il sait nous séduire: il ne nous laisse jamais trop nécessiteux de rimes, ni dans la luxure de l'alexandrin.
Ou bien peut être qu'il s'agite à conclure autre chose...
Ah vous ! Vous n'êtes jamais dans l'allégresse, vous n'avez rien d'un platonicien ! Allez vagabondez ailleurs !
Enfin messieurs, laissez les un instant et allez vous soûler au buffet plutôt que de vous assoiffer de quelques vers enivrants.
Une protestation générale mais l'agitation de la fête reprends. Puis le bruit de l'extérieur s'amoindrit au fur et à mesure que l'on entends monter les escaliers avec précipitation les deux amants, en riant. Orphée et Eurydice entrent dans la chambre en habits de mariage. Orphée invite sa belle à danser. Ils dansent et se regardent de plus en plus profondément.
EURYDICE
Viens, Orphée, plus près encore, tiens toi contre moi.
ORPHÉE
C'est moi, je suis là, je sens maintenant ta peau flirter avec la mienne...
(Eurydice veut poser sa tête contre son épaule mais Orphée prends son visage pour qu'elle le regarde.)
ORPHÉE
N'est ce pas délicieux ? Ton regard enivrant qui brûle mon corps tout entier, l'été qui rends nos paumes ardentes et remplis nos veines pleines de sève, cette rêverie qui nous enlace...
EURYDICE
Oui, c'est merveilleux...mais enlace moi encore plus fort. Tiens moi comme si au prochain cliquetis de l'horloge, la mort me prenais. Ne la laisse pas me voler à toi.
(Elle le serre dans ses bras.)
ORPHÉE
Je suis là, rien ne pourra nous séparer, ni sur cette terre, ni aux Enfers.
(La musique saute avant la dernière note. Le maître de maison toque et entre dans la chambre. Il est habillé tout en noir, ténébreux et cerné.)
LE MAÎTRE DE MAISON
Monsieur, ils vous attendent.
ORPHÉE, froid
Ils peuvent attendre.
EURYDICE
Dites leur que nous sommes occupés, que nous arriverons bientôt.
LE MAÎTRE DE MAISON
Le roi de Thrace est arrivé, monsieur.
EURYDICE
Et bien, lui aussi il peut attendre.
(Elle se tourne vers Orphée.)
C'est ton père, Orphée, il peut attendre lui aussi, c'est un aussi un invité.
LE MAÎTRE DE MAISON, désolé et froid en même temps
Monsieur, votre père est le roi. On ne fait pas attendre le roi. Surtout au mariage de son fils. Vous êtes prince. Il attends beaucoup de vous. Vous devez la présenter à lui et vous devez célébrer cette union. Allons, il faut un chant digne du mariage d'Orphée et d'Eurydice !
(Orphée baisse la tête. Le maître de maison penche sa tête pour attraper son regard.)
Si vous venez maintenant. Il sera beaucoup plus enclin à vous laisser vivre avec Madame plutôt qu'à vous prendre à ses côtés.
EURYDICE
Orphée mon amour, dit lui que nous avons besoin de ce moment de grâce. J'ai tant besoin de toi.
(Elle prends les mains d'Orphée et les posent contre ses hanches.)
Aujourd'hui j'ai plus le cœur aux jeux de mains qu'aux jeux sociaux. Laisse tes cordes ailleurs et fais chanter mon être tout entier, le temps d'une ballade.
ORPHÉE
Je ne sais pas. Je suis son héritier.
Il me veut auprès de lui pour la politique et la guerre. Il veut bâtir et détruire des empires avec des chevaux de Troie en vers.
Il me voit, étendre les tentacules de son royaume, moi le cœur et lui la tête des Perses dans la main, les doigts serrés.
EURYDICE
Qu'est ce qui t'empêche d'échapper à ce sombre dessein ?
ORPHÉE
C'est le roi. Mais je peux le convaincre de rester si nous descendons maintenant, si je lui fait honneur de sa présence et du chemin qu'il entreprit jusqu'ici, maintenant.
(Le visage d'Eurydice se referme, elle s'efface du centre de la pièce.)
LE MAÎTRE DE MAISON
Allez y, je m'occupe d'arranger votre chambre.
ORPHÉE
Merci infiniment.
(A Eurydice)
Tu verras, il est un peu intimidant, mais c'est un homme comme un autre.
EURYDICE
C'est bien cela qui m'effraie.
Ils sortent.
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