Chapitre 36

Bathilda avait déjà vu Sirius à de maintes reprises. La première fois, c'était lorsqu'il m'avait raccompagné après l'attaque du Ministère de la Magie. Nous étions à ce moment-là couverts de sang et de poussière, épuisés et partiellement blessés. Ensuite à diverses occasions, chez Euphemia et Fleamont ou au mariage de James et Lily. Mais cette fois-ci, lorsque Sirius frappait à la porte de notre maison à Godric's Hollow, c'était pour annoncer officiellement à ma grand-tante que nous étions ensemble. Une chaleur maintenant familière s'étendait dans ma poitrine à son seul sourire lorsque j'allais lui ouvrir. Je me hissais sur la pointe des pieds pour atteindre ses lèvres.

    – Un peu de tenue, jeune fille, me murmurait-il, espiègle, lorsque je m'écartais doucement.

Je souriais et entrelaçais nos doigts avant de l'entraîner jusqu'au living-room.

    – Bonjour, Mrs Tourdesac.

L'honorable vieille dame se relevait de son fauteuil au son de la voix de mon compagnon.

    – Ah Sirius ! Cela me fait plaisir de te revoir.

Elle s'apercevait alors de notre proximité et son regard se posait sur nos mains unies. L'émotion se peignait sur son visage ridé et chaleureux. Elle écarquillait légèrement les yeux et portait ses mains noueuses à sa bouche.

    – Oh mes enfants ! s'exclamait-elle en s'approchant pour nous serrer dans ses bras. Ce n'est pas trop tôt !

Je haussais les sourcils en entendant ces derniers mots relevés d'une pointe de reproche. J'étudiais son visage, où je lisais une joie intense, mais aucune trace de surprise. Sirius éclatait de rire.

    – Jeune homme, je savais que ma petite Ayden ne pourrait pas te résister, depuis la première fois où tu me l'as ramené ! ajoutait-elle encore avec des airs de conspiratrice.

Tandis que j'étais partagée entre l'ahurissement et l'hilarité, Sirius s'esclaffait un peu plus. Elle lui tapotait affectueusement la joue.

    – Bathilda ! m'offusquais-je faussement.

Mais elle poursuivait déjà en brandissant maintenant vers lui un doigt qui se voulait menaçant.

    – Maintenant, tu n'as plus aucune raison de m'appeler de cette horrible manière ! Mrs Tourdesac, et puis quoi encore... "Bathilda" ira très bien !

    – Entendu, promettait-il, enjoué.

    – Allons, ne restons pas là ! Je dois avoir de l'hydromel vieilli en fût quelque part.

Comme elle me l'avait démontré de nombreuses fois, notamment lors du mariage de nos meilleurs amis, ma grand-tante faisait preuve d'une énergie débordante. Elle se dirigeait déjà vers la cuisine à la recherche de trois coupes et de la fameuse bouteille.

    – Vous vous entendez comme boursoufs en foire, tous les deux, notais-je avec amusement.


Un peu plus d'une heure plus tard, nous avions écumé plusieurs albums de photographie. Au grand plaisir de Sirius, nous avions retracé mon enfance à travers d'innombrables images. Et il n'avait pas manqué de rire à gorge déployé devant certaines d'entre elles, ce à quoi je lui avais répondu en lui pinçant le bras. Mon arrière-grand-tante nous couvait du regard.

Nous prenions congé pour rallier la maison des Potter où nous allions fêter l'entrée en 1980. Bathilda avait décliné l'invitation, en arguant qu'une "vieille dame comme elle" n'avait rien à faire dans une soirée de nouvel an remplie de jeunes.

    – Je savais que tu trouverais le bonheur.

Elle m'avait dit ces mots avant que nous partions, une main posée sur ma joue. Ses yeux étaient chargés d'amour et les miens s'étaient humidifiés. Elle m'avait pincé tendrement la pommette et je n'avais pas pu m'empêcher de penser à la famille de Sirius. Jamais il n'avait été soutenu, aimé, comme je l'étais avec Bathilda. L'annonce de notre couple les aurait complètement laissés de marbre, si ce n'était que Walburga Black y aurait sûrement trouvé le moyen de le dénigrer encore plus. Le plus ironique, c'était que si nous n'avions pas tous deux rejeter notre héritage et notre prétendue pureté de sang, j'aurai pu être considéré par les Black comme un excellent parti, moi la fille unique de Gellert Grindelwald.

Et Regulus, comment réagirait-il ? Je me souvenais du jour de notre rentrée en septième année, quand je l'avais contraint à dévoiler sa Marque des Ténèbres. Il avait mentionné son frère aîné sur un ton accusateur et sur son expression, j'avais lu qu'il s'était senti trahi à l'idée que je donne raison au Gryffondor. Que dirait-il s'il savait que j'étais à présent folle amoureuse de lui ? Le trou béant que mon meilleur ami avait laissé dans ma vie se rappelait furtivement à moi. Regulus, où es-tu ?

    – Tu ne peux pas me résister... chantonnait Sirius à mes oreilles alors que nous étions sur le pas de la porte de nos amis, reprenant ce qu'avait dit ma grand-tante un peu plus tôt.

Le sourire malicieux et triomphant qui étirait ses lippes me tirait de la mélancolie. Je riais doucement avant de lui donner un petit coup de coude dans le ventre. Il m'attrapait par la taille en pouffant.

James venait nous ouvrir. Il me saluait d'une bise avant de se tourner vers Sirius.

    – Tu me caches des choses, mon salaud ! entendais-je alors que je les laissais à leur accolade.

Nous ne les avions pas revus depuis l'épisode du manoir Malefoy et Lily me réservait à peu près le même accueil.

    – Quand est-ce que tu comptais me dire que tu avais réussi à dompter Sirius ? me glissait-elle avec un clin d'œil.

À l'instar de Bathilda, aucun de nos amis n'avait vraiment l'air étonné. Peut-être aurions-nous dû nous sentir offusqué d'être aussi transparent. Le seul que cela rendait indifférent, c'était Peter. À chaque fois que je le voyais, je le trouvais toujours plus nerveux. Il semblait agité, ses petits yeux humides, semblables au rat dont il prenait l'apparence, ne cessaient de sauter d'un objet à un autre, incapable de soutenir le regard d'une personne plus d'une demie seconde. Malgré tout ce temps passé en compagnie des Maraudeurs, je ne parvenais toujours pas à éprouver de la sympathie pour lui.


Nous passions la soirée plongé dans une joyeuse atmosphère, ayant été établi depuis longtemps de ne pas évoquer l'Ordre du Phénix, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ou tout autre sujet délicat dans ces moments paisibles ensemble. Ma meilleure amie avait fini par m'attirer dans la cuisine en prétextant avoir besoin de mon aide, ce à quoi les garçons avaient ricané : ce n'était un secret pour personne que je me transformais en danger public au moindre orteil posé derrière les fourneaux. Et elle m'avait sans surprise tiré les vers du nez. Nous avions gloussé comme des adolescentes qui vivaient leurs premiers émois amoureux tandis que je lui racontais le mois écoulé dans les bras de Sirius.

Tout le long du dîner, James et Lily échangeaient régulièrement des regards, un sourire énigmatique aux lèvres. Le premier remplissait allègrement nos verres à peine étaient-ils vides, sans que la seconde ne boive une seule goutte d'alcool. Il était près de minuit lorsqu'après un énième regard complice, James se raclait la gorge.

    – Nous aussi on a une nouvelle à vous annoncer.

Le silence se faisait autour de la table. Nous les scrutions, notre curiosité éveillée. Lily posait sa main sur le bas de son ventre. Ce geste me rappelait quelque chose...

    – Je suis enceinte, annonçait-elle à l'instant où le puzzle se reconstituait dans mon esprit.

Il y avait un léger battement, tout abasourdi que nous étions, puis notre euphorie explosait en même temps que nous entrions dans la nouvelle année.



Nous étions rentrés tard à l'appartement de Sirius. Nous avions passé une bonne partie de la nuit à fêter la naissance à venir. C'était précisément pour ce genre de moment que notre combat valait toutes les peines. C'était pour sauvegarder de tels instants que nous nous nous exposions au danger. C'était pour la petite vie qui grandissait en Lily que nous défions les forces du mal. Nous étions grisés par ce déferlement de félicité qui venait éclaircir cette période si sombre.

    – Tu te rends compte ? James et Lily, bientôt parents...

Nous étions encore allongés dans le lit alors que la matinée était déjà bien entamée. Ma tête reposait dans le creux de son épaule, mon bras en travers de son torse nu. Je faisais courir le bout de mes doigts sur son pectoral, tandis qu'il jouait distraitement avec mes cheveux. J'avais mal aux zygomatiques à force de sourire. Je me redressais sur un coude pour pouvoir le dévisager.

    – Tu réalises que James est finalement devenu responsable ? plaisantais-je.

    – J'ai pourtant tout fait pour éviter que ça arrive... soupirait-il d'un ton défaitiste.

Je riais. Il continuait d'entortiller mes boucles autour de ses doigts. Je le laissais faire, appréciant les sensations que cela me procurait et me rappelait Bathilda brossant mes cheveux.

    – Tu m'as l'air bien pensif... faisais-je remarquer à mi-voix au bout de quelques minutes.

    – Je repense à ce que ta grand-tante a dit... Qu'elle savait depuis le début.

    – Quoi, toi aussi tu me savais incapable de résister à ton charme dévastateur ? persiflais-je.

Je le taquinais tout en m'asseyant à califourchon sur son bassin. Il souriait tout en caressant mes cuisses, dessinant le contour de ma cicatrice. Il se redressait en position assise, ses mains se baladant sur mes hanches, et secouait doucement la tête.

    – Je t'avais remarqué.

Je penchais légèrement la tête sur le côté, pendant qu'il cherchait ses mots.

    – Je n'imaginais rien entre nous au début, à Poudlard. Mais... je t'avais vu. Je ne sais pas comment t'expliquer... Avec le recul, je m'aperçois que tu as toujours représenté quelque chose pour moi, alors même que je n'avais pas encore de sentiments. Peut-être que c'était seulement parce que tu étais là pour mon petit frère. Ça n'a aucun sens ce que je dis... Toujours est-il que quand j'ai commencé à tomber amoureux de toi, ça ne m'a pas surpris. En fait... c'est moi qui suis incapable de te résister.

Il n'avait pas détaché son regard du mien, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Il gardait le silence un instant, comme s'il hésitait à poursuivre.

    – Pendant un temps... je me suis demandé si cet enfoiré de Lestrange et ma mère avaient raison, lâchait-il enfin.

" Alors ? Qu'est-ce que ça te fait de passer après ton petit frère, Black ? "

" Vous vous êtes finalement rabattu sur mon fils aîné ? "

Je me raidissais en songeant à ces paroles qu'avaient crachés Rabastan et Walburga, ces paroles qui insinuaient que Sirius n'était qu'une pâle copie de Regulus, rien de plus qu'un remplaçant...

    – ...c'est Lunard qui m'a remis les idées en place, ajoutait-il rapidement en me voyant me crisper.

Comme je l'avais redouté à l'époque, ces mots l'avaient blessé. Mais pouvait-il en être autrement ? Ils avaient de quoi remuer n'importe qui. Surtout que ma lâcheté après le mariage des Potter avait dû en rajouter une couche. Je prenais une profonde inspiration, la culpabilité grignotant mon estomac.

    – Je sais de quoi ça peut avoir l'air. Regulus a toujours été mon meilleur ami, il a toujours été important pour moi. On était fusionnel.

Je posais mes mains de part et d'autre de son visage. Je voulais capter son entière attention.

    – Mais je n'ai jamais été amoureuse de lui, ça ne m'a jamais ne serait-ce qu'effleurer l'esprit. Et jamais je ne t'ai utilisé pour combler son absence, articulais-je. Si j'ai mis tant de temps à accepter mes sentiments pour toi, c'est seulement par peur de souffrir. J'étais terrifiée à l'idée de me laisser aller à t'aimer et de la possibilité de te perdre... c'est Euphemia et Fleamont qui m'ont ouvert les yeux. Ils m'ont fait comprendre que tous les risques valent la peine d'être pris quand on aime. Et je suis tellement, tellement désolée... D'avoir gâché tout ce temps, et surtout de ne pas t'avoir enlevé moi-même ces saloperies de la tête.

Sirius resserrait son étreinte autour de moi. Son émotion était palpable.

    – Il n'y a que toi.

Je passais mes doigts le long de sa tempe puis de sa mâchoire. Son souffle s'accélérait, ses mains appuyaient plus fort sur ma peau tandis que je faisais durer mes caresses, jusqu'à poser mes lèvres sur les siennes. Je l'embrassais sans me presser, persuadée que nous avions tout notre temps pour nous aimer.

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