Chapitre 30

Brève interruption pour vous avertir que les paroles de San Diego Serenade de Tom Waits sont utilisées ici. Je ne peux que vous conseiller de l'écouter pendant ce chapitre !

Bonne lecture. ♥

__________________________________________________________


Je frappais dans mes mains au rythme de la musique, riant à moitié. Si on m'avait dit que Bathilda enflammerait un jour la piste de danse de cette façon, je n'y aurais certainement jamais cru. Mais apparemment, derrière ses airs de grande historienne respectée, elle n'était pas la dernière pour faire la fête. Avec Fleamont, elle s'était lancée dans une chorégraphie compliquée qui faisait passer les autres danseurs pour de vulgaires amateurs.

Le jour avait lentement décliné, et en réponse, les lys ensorcelés avaient gagné en luminosité sur les tables. Le dîner s'était terminé une heure et demie plus tôt. Les mariés avaient ouvert le bal et le charme avait immédiatement opéré. Sirius et moi avions suivi le mouvement selon leurs instructions. Bien loin de s'être ridiculisé, il s'était avéré être un excellent partenaire et m'avait fait valser avec assurance. James et Remus m'avaient également fait virevolter, mais à présent, les danses de couple avaient laissé place à l'effervescence. Mes pieds, habitués à un certain confort dans des chaussures avant tout choisies pour leur praticité, étaient tout endoloris avec ces talons. J'avais, au bout d'un moment, estimé bien mériter une pause et me délectais en observant de ma chaise les autres invités. Lorsque les dernières notes résonnaient, j'applaudissais à tout rompre mon arrière-grand-tante avant de boire une gorgée de mon verre.

    – Elle m'impressionne !

Je tournais la tête vers Sirius qui revenait s'asseoir près de moi.

    – Je crois qu'elle n'a pas fini de me surprendre ! approuvais-je.

Souriant, il terminait également sa coupe avant de me désigner du menton un autre couple.

    – Franchement, est-ce que tu les aurais imaginé comme ça quand on était à Poudlard ?

J'examinais Dumbledore et le professeur McGonagall tout à leur ballet. Ils faisaient preuve, bien que mesurée et convenable, d'une frivolité qui nous était alors inimaginable lorsque nous étions de simples élèves.

    – Certainement pas !

Il attrapait une bouteille qui lévitait non loin pour resservir nos verres. Nous trinquions pour la millième fois depuis notre arrivée dans la clairière.

    – J'ai beaucoup aimé ce que tu as dit tout à l'heure.

Plus tôt, quand nous avions pris place à table, Sirius s'était levé, sa coupe en main, pour porter un toast aux mariés. D'une voix calme et posée, il avait captivé tout son auditoire, dosant habilement son discours entre émotion et plaisanterie. Cette facilité à parler, je l'avais autrefois vu la manier avec suffisance et sarcasme. Cette confiance en lui qu'il affichait n'avait plus rien de l'arrogance que je lui trouvais auparavant. Oh il ne pouvait s'empêcher de temps à autre de retrouver cet aspect insolent et séducteur, mais depuis, bien des choses avaient évolués.

    – J'ai été inspiré.

Je penchais légèrement la tête sur le côté, ma curiosité piquée.

    – À vrai dire, notre escapade à Oxford m'a beaucoup aidé.

Surprise, je haussais les sourcils. Mais il ne put m'en dire plus, car la pièce montée venait de faire son apparition.



La nuit avait totalement repris ses droits sur la forêt. La plupart des invités avaient pris le chemin de leur lit. Beaucoup ne voulaient pas tenter le sort en veillant plus longtemps. Nous avions déjà pris beaucoup de risques en célébrant ce mariage. Pour autant, les Maraudeurs, Lily et moi-même ne souhaitions pas mettre un terme à cette soirée. La clairière était plus féérique que jamais sous le couvert des étoiles. Le volume de la musique avait baissé de lui-même et nous berçait de doux slows. S'adaptant à cette ambiance feutrée, la lueur qui émanait des fleurs avait elle aussi diminué en intensité. Il faisait encore bon en cette soirée d'été et l'atmosphère était paisible.

J'accompagnais ma grand-tante jusqu'à la lisière des arbres. Bien que pleine d'énergie pour son âge, elle commençait à fatiguer. Franck et Alice, qui s'en allaient également, m'avaient discrètement assuré qu'ils la raccompagnaient à Godric's Hollow. Nous échangions quelques mots et elle posait sa main sur ma joue dans un geste maternel que je lui connaissais bien. Je la regardais s'enfoncer sous le couvert des arbres, en compagnie du couple Londubat. Un sourire flottait toujours sur mes lèvres tandis que je me dirigeais vers le buffet pour me servir un dernier verre. James et Lily continuait de tournoyer lentement dans leur coin. Peter, Remus et Sirius étaient assis non loin de la piste de danse. Je ne remarquais pas que ce dernier, les coudes appuyés sur ses genoux, les mains jointes dans le vide, me suivait des yeux, ni que les traits de son visage avaient revêtus une certaine solennité.

Les premières notes d'une nouvelle musique s'égrenaient, sans que je ne les reconnaisse immédiatement.


" I never saw the mornin' 'til I stayed up all night "

Lorsque j'identifiais la Sérénade de Tom Waits, cet artiste moldu que nous avions entendu à Oxford, je relevais la tête pour chercher Sirius des yeux. Et le voyait qui s'approchait déjà de moi. Il s'était délesté depuis longtemps de son veston et les manches de sa chemise était remontées sur ses avant-bras. Je le trouvais plus beau que jamais et mon cœur loupait un battement sous la puissance de son regard.

Sans un mot, il me tendait la main en faisant un léger signe de tête en direction de la piste. Une fraction de seconde, je ne faisais que soutenir son regard, puis après avoir reposé mon verre, je glissais mes doigts dans les siens.

" I never saw the sunshine 'til you turned out the light
I never saw my hometown until I stayed away too long
I never heard the melody until I needed the song
"

Nous avions rejoint la piste de danse. Ajustant sa main à la mienne, il posait l'autre dans le creux de mes reins tandis que je faisais de même sur son épaule.

" I never saw the white line 'til I was leavin' you behind
I never knew I needed you until I was caught up in a bind
"

Lentement, nous commencions à danser. Des mouvements tranquilles, suivant le rythme calme et caressant de la chanson. Mon regard était perdu, plongé, noyé dans le sien. Je ne voulais pas m'en détourner.

" I never spoke "I love you" 'til I cursed you in vain
I never felt my heart strings until I nearly went insane
"

Une bulle paraissait nous séparer du reste du monde. Ma réalité, c'était ses doigts sur moi. J'avais une conscience aiguë de notre proximité, de notre intimité. J'étais sereine malgré le désordre de mon rythme cardiaque. M'arrachant à la chaleur de ses pupilles, je me rapprochais un peu plus de lui, mon visage près de son épaule.

" I never saw the east coast until I moved to the west
I never saw the moonlight until it shone off of your breast
"

Je fermais les yeux, apaisée par la voix rauque du chanteur. Je le sentais effleurer du bout des doigts une des mèches dorées qui s'étaient échappées de ma coiffure.

" I never saw your heart until someone tried to steal it, tried to steal it away
I never saw your tears until they rolled down your face
"

Je ne voyais pas les sourires en coin de Lily, James ou Remus lorsqu'ils s'apercevaient que nous étions enlacés. Je ne pensais à rien. Tout ce qui comptait, c'était savourer ces instants. Son souffle chaud sur le haut de mon crâne, son parfum qui enivrait mes narines.

" I never saw the mornin' 'til I stayed up all night
I never saw the sunshine 'til you turned out your love light babe
"

Mes sentiments à l'égard de Sirius avaient évolué dans l'ombre, à mon propre insu. Comprenais-je l'ampleur qu'avait pris mon attachement ? Sans doute pas.

" I never saw my hometown until I stayed away too long
I never heard the melody until I needed the song
"

Tom Waits cessait de chanter. La mélodie s'évanouissait petit à petit. Je m'écartais délicatement, craignant de ne briser la magie. Lorsque je levais les yeux pour le regarder, j'avais la respiration presque coupée, soudainement subjuguée. Dans ses iris, j'entrevoyais cette étincelle que j'avais déjà perçu à plusieurs reprises récemment, lorsqu'il m'observait. Cette étincelle que je n'étais jamais parvenue à identifier. Je voulais ouvrir la bouche pour dire quelque chose, sans pour autant trouver les mots. Nous avions cessé de bouger. Ma gorge se nouait.

Peter éclatait brusquement de rire. J'avais un faible tressaillement. Un semblant de sourire tentait de se glisser sur mes lèvres, mais je m'écartais un peu plus. Le charme s'était rompu, me ramenant brutalement sur terre. Sirius ne détachait pas son regard de moi.

Mais soudainement ébranlée, je me défilais.


Sirius et moi étions à nouveau seuls. James et Lily étaient partis passer leur première nuit dans la maison qu'ils avaient acheté à Godric's Hollow. Remus et Peter nous avaient devancés pour rejoindre celle des parents Potter. Nous laissant en tête à tête.

Je tenais un pan de ma robe d'une main et mes chaussures de l'autre. Nous marchions silencieusement, côte à côte. Notre danse me hantait. J'aurais aimé savoir à quoi il pensait de son côté, tout en le redoutant.

Je lui soufflais un remerciement lorsqu'il me laissait passer en me tenant la porte. Dans la pénombre du living-room, je me mordillais nerveusement la lèvre.

    – Lumos, murmurais-je.

Un faisceau de lumière s'échappait de ma baguette. J'abandonnais mes talons dans l'entrée avant d'éclairer les escaliers, m'arrangeant pour ne pas avoir à croiser son regard. Il m'emboîtait le pas. Cependant, une fois arrivés sur le palier, je n'avais plus d'autre choix que de me tourner vers lui. Pendant quelques secondes qui me parurent être une éternité, nous ne faisions que nous dévisager. A présent, je connaissais chacun des traits de son visage. Je connaissais cette fine cicatrice, presque invisible, qu'il portait à l'arcade. Je connaissais le galbe de ses lèvres. Je connaissais les nuances de ses iris argentées. Je connaissais la courbure de sa mâchoire.

Je surprenais ses yeux couler vers mes lèvres.

" Tu as raison. Il ne faut pas laisser passer sa chance. "

L'écho de la voix de Remus résonnait dans mon esprit. À présent, mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. L'air crépitait entre nous. Il esquissait un mouvement presque imperceptible, qui agissait sur moi comme un maléfice cuisant. Paniquée, je déposais un baiser sur sa joue avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit.

    – Bonne nuit, Sirius...

Et je me sauvais. Une fois de plus.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top