Chapitre 28
L'atmosphère s'assombrissait une semaine après notre escapade, soit trois semaines avant le mariage de Lily et James. Gillian Gainsborough, membre depuis peu de l'Ordre, avait été retrouvé dans un bain de sang. Son corps présentait de nombreuses et profondes entailles, comme s'il avait été lacéré à maintes reprises par une épée. L'annonce portait un coup particulièrement dur à Lily, car ce sortilège, Sectumsempra, qui avait tué la sorcière, était une invention de Severus Rogue. Je ne comprenais que trop bien ce qu'elle pouvait ressentir.
– Tu crois qu'on devrait maintenir le mariage ?
Je relevais les yeux du rapport qu'avait rédigé Alastor de sa dernière mission. Nous étions seules au quartier général de l'Ordre. Je découvrais Lily, la tête baissée sur un parchemin qu'elle tentait de lire aussi. Elle avait noué dans un chignon rapide sa chevelure de feu. Son visage paraissait s'être amaigri, creusé par la désolation et je remarquais également ses ongles rongés jusqu'à la peau.
– Oui. Maintenant plus que jamais.
Elle ne me regardait pas. Ma meilleure amie, ce soleil, qui m'avait toujours paru si sûre d'elle, je la trouvais soudainement l'air vulnérable. Elle doutait, se questionnait.
– Ce serait leur faciliter la tâche, reprenais-je d'une voix douce. L'amour, l'amitié... Plus ils essayeront de nous les arracher, plus nous devrons nous y accrocher. Ils feront tout pour détruire ça... c'est ce pour quoi on se bat. Pour continuer à aimer, à rire, à être libre. Si on les laisse faire, que nous restera-t-il ?
Je me levais de la chaise sur laquelle j'étais assise et m'approchais d'elle. Attrapant une de ses mains dans la mienne, je m'accroupissais près d'elle.
– Lily... il faut que vous vous mariiez. Tous les deux... vous êtes fou amoureux. Ne les laissez pas entamer ça, murmurais-je.
Elle se décidait enfin à croiser mon regard. Ses grands yeux verts, plus foncés que les miens, brillaient. Je la prenais dans mes bras et la laissais pleurer tout son soûl contre mon épaule.
Je faisais tournoyer ma baguette dans un mouvement précis et délicat. Les lèvres serrées, je me concentrais pour tresser ensemble plusieurs fils or et blanc. L'ambiance était toujours maussade et le couple avait essuyé plusieurs disputes. Néanmoins, nous n'avions pas abandonné l'idée du mariage et avec les Maraudeurs et les parents de James, nous poursuivions les préparatifs. Dans le champ qui bordait la maison des Potter, je m'employais à composer les décorations de la table des mariés. Non loin de moi, Remus s'était attelé à ensorceler des centaines de lys blancs pour les faire s'illuminer.
– Ça parait un peu fou, non ?
Queudver apportait une autre brassée de ces fleurs lorsqu'il prenait la parole.
– Des gens se font tuer, et nous, on s'amuse avec des plantes.
Je contractais la mâchoire mais ne lâchais pas des yeux ma création.
– Rien ne t'oblige à participer, répliquais-je sèchement.
Pettigrow ne demandait pas son reste et filait chercher les dernières. Lunard m'observait par-dessus sa baguette.
– Tu es de son avis ? lui demandais-je.
Il prenait une profonde inspiration, comme s'il pesait le pour et le contre. Quelques secondes s'écoulaient avant qu'il ne me réponde de sa voix apaisante.
– Je comprends son point de vue. C'est vrai que de l'extérieur, ça peut paraître futile, tempérait-il, fidèle à ses habitudes.
Je soupirais, et terminais mon œuvre. Je ne pouvais nier y avoir également songé. Bien sûr que je me sentais coupable de préparer un mariage, mais je n'en étais pas moins convaincue de son bien-fondé. Annuler un tel évènement reviendrait à capituler devant ce régime de terreur. Et il en était hors de question.
– Je sais... avouais-je, toute trace de dureté dans ma voix disparue. Chacun d'entre nous pourrait très bien mourir demain. Mais quitte à être condamné, autant célébrer la vie autant que possible, non ? Je ne veux pas qu'on meurt en ayant des regrets. L'amour, le bonheur...
À son tour, il achevait son enchantement et pivotait vers moi.
– ...on n'a pas le droit de laisser filer la moindre occasion.
Remus et moi détournions le regard en entendant des bruissements. Non loin, à portée de voix, Sirius enroulait plusieurs mètres de tissus de chemin de table. En le regardant, je repensais à notre fugue à Oxford. Nous nous étions finalement tous deux endormis sur le lit de notre chambre d'hôtel.
– Tu as raison. Il ne faut pas laisser passer sa chance.
Le jeune Lupin avait reporté son attention sur moi pendant que j'observais Sirius. Il haussait légèrement un sourcil, comme essayant de me faire passer un message. Me raclant la gorge, je m'empressais de reprendre ma tâche, non sans avoir coulé un dernier coup d'œil en direction de Patmol.
La veille du mariage, la maison des Potter était surchargée. Les semaines précédentes avaient été accablés d'une lourde émotion. Mais Lily avait fini par reprendre du poil de la bête. Le couple était à présent plus lié et décidé que jamais à se dire oui devant l'autel. Ils avaient cependant revu à la baisse l'ampleur de l'évènement. Le nombre d'invités avait été restreint alors que les sorts de protection se voyaient multipliés. Nous avions fait en sorte de sécuriser au maximum le périmètre qui entourait la propriété des parents de Cornedrue, usant de tous les sorts et charmes à notre disposition. Plusieurs membres de l'Ordre étaient chargés d'assurer des tours de garde. Une fois toutes ces choses faites, nous nous étions laissé aller à l'excitation du moment. Lily dormait chez ses parents mais les Maraudeurs et moi-même avions élu domicile chez Euphemia et Fleamont. En ma qualité de témoin de la mariée, je tenais à peaufiner les derniers détails moi-même. Bathilda nous rejoindrait pour la cérémonie.
J'étais encore dehors, sous le couvert de la petite forêt qui ourlait le domaine, alors que la nuit tombait progressivement. Dans la clairière qu'elle renfermait s'étalait à présent la piste de danse et s'articulant autour, les tables qui accueilleraient les convives. J'entreprenais de disposer sur celles-ci les lys enchantés par Remus. Elles étaient destinées à éclairer le décor d'une lumière douce, aussi ensorcelante et intimiste que la flamme d'une bougie. Des guirlandes de sphères de différentes tailles, remplies de lucioles, étaient également accrochés d'arbres en arbres, formant un dais au-dessus de la piste de danse. Toute la décoration était faite d'or et de blanc, introduisant des touches végétales ci et là. Quand j'eus fini, je m'attardais pour embrasser l'ensemble du regard. Je posais mes mains sur mes hanches, satisfaite.
C'était tout simplement féérique.
– Heureusement que ce n'est pas une forêt de sapins !
J'esquissais un sourire et faisais face à Sirius. Depuis notre virée tous les deux, le lien qui nous unissait s'était encore renforcé. Il se postait près de moi pour contempler également le résultat.
– Un jour, il faudra que tu m'expliques pourquoi tu les évites comme la dragoncelle, ajoutait-il sur le ton de confidence, en se penchant légèrement vers moi.
Mon sourire s'élargissait. Je ne savais même pas qu'il avait remarqué la peur panique que m'inspirait ces maudits arbres.
– Un jour, peut-être... répondais-je, énigmatique.
Ses lèvres dessinaient un nouveau sourire mais il ne cherchait pas à en savoir plus.
– Ce mariage va être magnifique.
– Vu comme tu nous as fait cravacher ces derniers jours, il y a plutôt intérêt.
Je lui administrais un coup de poing dans l'épaule. Il pouffait puis nous reprenions le chemin de la maison.
– J'espère que tes pas de danse sont au point ! l'apostrophais-je alors que nous émergions d'entre les arbres.
– Si tu savais !
Je riais, me souvenant parfaitement de sa réaction lorsque James et Lily nous avait informés qu'ils souhaitaient que les témoins dansent également une fois qu'ils auraient ouvert le bal. Il avait tour à tour ronchonné, marmonné, argumenté, s'était plaint de ne pas vouloir se ridiculiser devant tout le monde. Rien à faire, ils n'avaient pas démordu de leur décision et il avait fini par se résigner, non sans râler régulièrement. Nous n'avions eu de cesse de le charrier à ce sujet depuis.
– Je ne laisserai pas filer cette occasion.
Nous nous apprêtions à rentrer dans la maison lorsqu'il avait prononcé cette phrase. Je me figeais pendant une fraction de seconde, ses mots faisant étrangement écho à ceux que j'avais dit à Remus il y avait peu. Dans la pénombre, je sentais son regard sur moi. Mon cœur loupait un battement et je mettais plus de temps que prévu à répondre.
– Ne t'avise pas de me laisser tomber, répondais-je dans une lamentable tentative de plaisanterie.
J'ouvrais maladroitement la porte pour me réfugier à l'intérieur. Les voix d'Euphemia et Lunard me parvenaient depuis la cuisine.
– Jamais.
Il m'avait suivi et continuait de me dévisager intensément. Sa voix avait des accents de gravité qui tiraient une sonnette d'alarme dans mon esprit. Il ne me laissait pas désamorcer la tournure des choses. Je regrettais l'obscurité du jardin, là où il ne pouvait pas discerner mon expression. Je ne savais pas quoi faire de mes bras ni de mes jambes. Pour finir, je me râclais la gorge et la partie la plus lâche de moi me poussait à me défiler.
– Bon eh bien... Bonne nuit, à demain.
– Bonne nuit, Ayden.
Je disparaissais prestement dans les escaliers et me réfugiais dans la chambre que j'occupais, loin de son regard.
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