Chapitre 23
La fraîcheur de cette nuit d'avril s'infiltrait sous ma cape. J'essayais de contenir mes frissonnements tandis que je fixais l'entrée de l'Allée des Embrumes. J'avais déjà rabattu ma capuche sur mes boucles d'or, trop facilement repérables dans la pénombre, mais elle ne parvenait pas à retenir un semblant de chaleur. Frictionnant mes mains l'une contre l'autre dans le silence, j'inspectais les alentours. Tout était parfaitement immobile. Pourtant, je m'évertuais à scruter ces ombres à m'en abîmer les yeux.
Je reportais mon attention sur le trou béant marquant le début de cette artère mal famée qui juxtaposait le Chemin de Traverse. J'étais là depuis déjà quelques heures et rien n'avait changé, sinon mes muscles qui s'ankylosaient un à un. J'allais pour m'étirer quand je sentais une main se poser dans mon dos. Le sursaut que provoquait cette sensation réveillait tout mon corps. Mes doigts refermaient leur emprise sur ma baguette magique tandis que je faisais volte-face.
– C'est moi, murmurait la voix de Sirius.
Je lâchais un soupir en posant ma main sur ma poitrine, où mon cœur battait avec affolement.
– Désolé, s'excusait-il en voyant mon expression sous les rayons de la lune.
Discernant un léger sourire en coin sur ses lèvres, visiblement amusé par ma fébrilité, je lui administrais un coup de coude dans les côtes.
– Crétin arrogant... marmonnais-je.
Il ricanait tandis que mon palpitant retrouvait son rythme habituel.
– Toujours rien ?
Il portait ses mains à ses lèvres, soufflant dessus dans le mince espoir de les réchauffer.
– Toujours rien, confirmais-je.
À son tour, il soupirait. Nous étions chargés de surveiller l'Allée cette nuit. J'étais à nouveau loin de Poudlard pour les vacances de Pâques. L'Ordre gardait toujours un œil sur cette rue, mais une rumeur courait au Ministère depuis quelques jours sur une prétendue activité anormale. Parmi les membres de l'Ordre, personne n'était dupe : il y avait toujours des activités anormales dans cet endroit lugubre, mais nous ne pouvions nous permettre de rater quoi que ce soit.
– Ah je comprends pas comment on peut continuer à accorder du crédit à ce qui sort de la bouche de ce Dawlish !
J'esquissais un sourire devant son impatience. Je comprenais toutefois parfaitement ce qu'il voulait dire. Ce sorcier n'avait pas l'air d'être le plus futé du bureau des aurors.
Nous étions tout de même restés poster à proximité de l'Allée jusqu'à ce que le ciel commence à s'éclaircir. Le Chemin de Traverse s'était lentement éveillé sans qu'il ne se soit rien passé d'inhabituel. Avant qu'on ne remarque notre présence, nous avions quitté les lieux et traversé le Chaudron Baveur désert pour regagner la rue côté moldu.
– Bièraubeurre ? proposait Sirius.
Trop embrumée par le froid et la fatigue, je me contentais d'approuver d'un hochement de tête avant de le suivre dans les rues de Londres. Il habitait non loin de la célèbre rue commerçante des sorciers. J'avais appris, non sans surprise, qu'il préparait ce nectar lui-même et qu'il était délicieux.
Les boulevards moldus de la capitale se tiraient également de leur torpeur nocturne. Alors que nous marchions, nous ne tardions pas à entendre de la musique. J'échangeais un regard interloqué avec Sirius, n'ayant jamais entendu pareil refrain. Arrivés dans la rue où se trouvait le nouvel appartement du Maraudeur, nous découvrions d'où provenait ce son coloré et entraînant. Il s'échappait d'un night-club encore bien animé malgré l'heure matinale.
" All the love in the world can't be gone
All the need to be loved can't be wrong
All the records are playing and my heart keeps saying
Boogie wonderland, wonderland "
Sans nous en rendre compte, nous nous étions arrêtés pour assister à ce déversement de joie. Des moldus sortaient de l'établissement, bras dessus, bras dessous, visiblement bien alcoolisés et chantant à tue-tête. Mais c'étaient surtout leurs vêtements qui me déconcertaient. Les sorciers avaient tendance à faire peu de folies vestimentairement parlant. Durant un instant, je restais coite devant ce spectacle. Puis, sans prévenir, un gloussement m'échappait. Sirius, les yeux encore ronds devant cette avalanche de couleurs et de paillettes, tournait la tête pour me regarder. Prise d'un fou rire incontrôlable, exacerbé par mon manque de sommeil, je commençais à avoir les larmes aux yeux. Le temps de quelques secondes, il me fixait, une lueur de surprise animant ses pupilles, puis son rire se joignait au mien. J'ignorais combien de temps nous étions restés planter là, hilares, avant de reprendre notre chemin.
Une demi-heure plus tard, j'étais pelotonnée dans le canapé de Sirius. Les genoux remontés contre ma poitrine, une chope de bièraubeurre chaude entre les mains, je flirtais dangereusement avec Morphée. La fatigue d'une nuit passée à veiller me retombait brutalement dessus. Je vérifiais l'horloge.
– Réveille-moi si je m'endors. Lily va me tuer si j'arrive en retard...
Avachi de l'autre côté du canapé, mon ami opinait vaguement de la tête en émettant un grognement. Je n'aurais sûrement pas dû le charger de cette mission, mais je ne remarquais qu'à peine qu'il somnolait autant que moi.
Sans pour autant ouvrir les yeux, je m'extirpais légèrement de l'inconscience. J'avais l'impression d'être enveloppée dans du coton, une bulle de chaleur que je n'avais aucune envie de quitter. Je me blottissais un peu plus dans l'espoir de me rendormir. Mais cinq minutes plus tard, je me souvenais de ma meilleure amie. Avec un faible gémissement, je passais ma main sur mes paupières engourdies. Je parvenais à rassembler suffisamment de force pour regarder autour de moi. J'avais sombré avec une facilité déconcertante et dans mon sommeil, j'avais changé de position. Les jambes étendues, mes pieds reposaient à présent sur les cuisses du Maraudeur, toujours assoupi, la tête contre le dossier du sofa. Une de ses mains était posée sur ma cheville.
Je tournais la tête et découvrais que l'horloge affichait plus de quatorze heures. Je jurais tout bas. Le plus doucement possible pour ne pas le réveiller, je repliais mes jambes et quittais le canapé. Rapidement, j'allais me passer de l'eau sur le visage pour faire disparaître les dernières traces de ma sieste. Je gribouillais un mot à l'intention de Sirius et avant de partir, le recouvrais délicatement d'une couverture.
La capitale avait retrouvé son agitation habituelle. Je me pressais parmi la foule de passants. J'avais déjà un bon quart d'heure de retard quand j'arrivais devant la devanture du magasin de robes de mariée. Mrs Evans était assise plus loin dans la boutique, dans un des confortables fauteuils destinés aux accompagnatrices.
– Ayden ! s'exclamait-elle avec un sourire quand elle me voyait approcher.
– Bonjour, Mrs Evans. Désolée pour le retard... disais-je tandis qu'elle me serrait brièvement dans ses bras.
– Ayden ?
Lily passait la tête de derrière le lourd rideau qui fermait la cabine d'essayage.
– Tu es en retard, notait-elle, un accent de reproche dans la voix, les sourcils froncés.
– Désolée, désolée. Je me suis endormie chez Sirius...
– Chez Sir...? Oh, pardon.
La vendeuse avait dû la rappeler à l'ordre car elle disparaissait à nouveau derrière la tenture. Je m'asseyais auprès de sa mère. Cette dernière ouvrait la bouche pour entamer la conversation, mais Lily ne lui en laissait pas l'occasion.
– Qu'est-ce que tu faisais chez Sirius ? l'entendais-je claironner.
– J'étais dans le coin.
Peut-être dû-t-elle se rappeler que nous étions de patrouille cette nuit, car elle ne s'appesantissait pas plus sur le sujet, ni ne cherchait à comprendre pourquoi j'avais dormi chez lui. Je me tournais à nouveau vers sa mère et lui demandais des nouvelles de Mr Evans.
Malgré l'obstination d'Euphemia, Lily avait insisté pour trouver sa robe de mariée côté moldu. Après tout, pendant une bonne partie de son enfance, elle n'avait rêvé que d'un mariage traditionnel moldu. Elle était bien loin d'imaginer le faste que pouvait revêtir les célébrations chez les sorciers, tel que des bouteilles de champagne se déversant d'elles-mêmes dans les coupes ou d'une nuée de fées s'échappant de son bouquet. Pour sa mère également, qu'elle ne voulait pas délaisser d'une quelconque manière. Peut-être même avait-elle espéré que sa sœur aînée, Pétunia, passerait outre leurs différences et serait présente pour les essayages.
Le rideau s'écartait pour dévoiler une Lily Evans plus radieuse que jamais. Elle était vêtue d'une somptueuse robe au décolleté en cœur. Le bustier était drapé et piqué ci et là de broderies toute en élégance. Le mouvement fluide et léger du tissu autour de ses jambes mettait en valeur sa démarche. Ma meilleure amie n'avait pas besoin d'extravagances ni de fioritures pour rayonner. Elle était tout simplement magnifique.
Mrs Evans se levait, les doigts sur ses lèvres en contemplant sa fille. Des larmes de fierté et d'amour roulaient sur ses joues. Moi-même j'avais du mal à contenir mon émotion, et pourtant, ma meilleure amie en avait essayé des robes. Mais celle-ci était parfaite, on l'aurait dit faite pour elle. J'échangeais un regard avec cette personne si chère à mes yeux, par-dessus l'épaule de sa mère qui l'étreignait contre sa poitrine. Nous nous souriions mutuellement.
J'étais persuadée que Lily Evans et James Potter étaient fait l'un pour l'autre, et que leur mariage ne pouvait que durer. Éternellement.
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