Chapitre 21
Les moldus ignorent ce que renferme véritablement la Bibliothèque Nationale du Royaume-Uni. Quand ils voyaient une porte barrée de la mention "Accès condamné" dans un recoin de la British Library, ils n'allaient pas imaginer que des milliers de livres détenant le savoir magique se trouvaient derrière. Pour tout bibliophile, c'était le paradis.
Après l'attaque du Ministère, j'avais décidé que mes capacités de combat comme de défense n'étaient pas suffisamment développées. Il me fallait plus de matière. Presque tous les jours des vacances, je me rendais là-bas, ce qui n'était pas sans me rappeler mon quotidien à Poudlard.
– Tu devrais te mettre un peu plus à la pratique.
Je faisais un bond sur ma chaise, et décelais un sourire en coin moqueur sur les lèvres de Sirius. Profondément plongée dans un grimoire dans un recoin de la British Library, je n'avais pas remarqué sa présence.
– Lily m'a dit que tu étais ici, me faisait-il savoir en tirant la chaise en face de moi.
– Ça me surprend de te voir. Toi qui mettais un point d'honneur à snober la bibliothèque à Poudlard, tu as osé t'aventurer là où il y a encore plus de livres et de personnes ennuyeuses. Je suis impressionnée, persiflais-je.
Il haussait les épaules en continuant de sourire en coin.
– Comment va ta jambe ?
Moi qui espérais qu'il avait oublié cet épisode où il m'avait épargné de finir les fesses dans la cuvette des Potter...
– À merveille. J'ai recommencé à galoper dans tous les sens comme j'aime tant le faire...
– Dans ce cas, je te suggère vraiment de te mettre à la pratique. Tous ces bouquins... ils ne valent pas une bonne mise en application.
– J'en déduis que tu te proposes comme cobaye ? rétorquais-je en souriant à mon tour.
– Pourquoi pas. Qui sait, tu pourrais peut-être même m'apprendre un truc ou deux.
Je secouais la tête, amusée. C'était une occasion bien trop belle pour mettre une raclée à Sirius Black.
– Demain, dans le champ des Potter ?
– Vendu.
Il se levait pour prendre congé.
– N'oublie pas que j'ai envoyé Lestrange au tapis ! lui lançais-je alors qu'il s'éloignait.
Il se retournait en levant les mains, l'air de dire « Sérieusement ? Tu me compares vraiment à cette andouille ? ». Je riais et reprenais ma lecture, mes lèvres encore étirées dans un sourire.
– D'accord, d'accord, je te l'accorde, potasser peut présenter quelques avantages ! capitulait Sirius.
Depuis plus d'une heure, nous nous harcelions de sorts. Je préférais ne pas imaginer le nombre d'ecchymoses qui coloreraient à nouveau mon corps, et particulièrement mon arrière-train, dans quelques heures. Mais le fait qu'il en récolterait autant que moi suffisait amplement à me réconforter. Nous n'avions pas cherché à ménager l'autre et j'avais eu le plaisir de lui faire goûter plusieurs sortilèges appris lors de mes recherches. Les vêtements aussi sales que si nous nous étions roulés dans l'herbe -ce qui était plus ou moins le cas-, nous reprenions le chemin de la maison des Potter.
– Mais la prochaine fois, on s'attardera un peu plus sur la défense.
– Marre de finir les fesses par terre ? ricanais-je. Par la barbe de Merlin ! Qu'est-ce que..?!
Près de la porte arrière de la maison se trouvait un étrange et imposant engin à la carrure de métal, monté sur deux roues. Je m'en méfiais instantanément.
– Qu'est-ce que c'est que cette... chose ?
– Cette "chose", ça s'appelle une moto. Ne l'insulte pas, s'il te plait.
– C'est à toi ?
– C'est une Triumph Thruxton 900, répondait-il avec une fierté flagrante. Je t'emmènerais faire un tour.
– Compte là-dessus ! raillais-je.
Sans doute allait-il me vanter ses nombreuses qualités, mais l'intervention de Fleamont me sauvait.
– Sirius ! Ayden ! Qu'est-ce que vous faites encore là ?
Les sourcils froncés, nous échangions un regard sans comprendre.
– Réunion de l'Ordre, expliquait le père Potter.
– Ce n'est que partie remise, lançait Sirius avec un clin d'œil et un signe de tête en direction de la moto.
Je me jurais de ne jamais monter là-dessus.
La réunion avait commencé depuis une bonne demi-heure lorsque nous arrivions chez Sturgis Podmore. Le ton était immédiatement donné. Sturgis venait nous ouvrir et son visage se déformait en une expression gênée en nous reconnaissant. Il s'essayait à sourire, mais il avait l'air encore plus mal à l'aise. Nous le suivions dans le couloir, d'où nous parvenait déjà quelques éclats de voix. Notre hôte me précédait, l'aîné Black à ma suite, quand nous entrions dans la salle de séjour. La discussion s'étouffait immédiatement. La plupart des membres de l'Ordre était présent, manquait Dumbledore, Maugrey, Benjy Fenwick et Emmeline Vance. Je repérais rapidement Lily, debout, les joues rouges et les poings serrés ; Remus, les traits fermés et sérieux ; et James, qui se passait une main lasse sur le visage.
– Je ne prononcerais pas un mot de plus en sa présence.
Mon regard tombait sur Gideon Prewett. Fabian et lui étaient également debout. Ils paraissaient défier ma meilleure amie. Les deux frères me toisaient avec une antipathie non dissimulée. J'avais rejoint l'Ordre depuis quelques mois. Il était surprenant qu'ils aient mis autant de temps à m'accuser. Mais à présent, je n'avais plus l'intention de m'effacer devant qui que ce soit sans me défendre.
– Non, je t'écoute.
Le visage du jeune homme se tordait dans un rictus.
– Je ne te fais pas confiance.
– Voilà qui change de mes habitudes.
C'est presque si je pouvais voir la colère refluer dans ses veines.
– Ne t'amuse pas à ça avec moi ! Je ne te fais pas confiance et j'ai de bonnes raisons, Grindelwald ! Ce n'est un secret pour personne que tu aimes fricoter avec des mangemorts !
Il crachait mon nom comme on crache une insulte. Je ne détournais pas le regard, refusant de perdre mon sang-froid. Sirius, encore à mes côtés, n'avait cependant pas la même retenue.
– Oh je t'en prie Gideon, arrête le drama ! Regulus est mon frère, la quasi-totalité de ma famille est pourrie jusqu'à la moelle, et tu ne m'as jamais fait de scène !
– Toi, c'est différent. Tu n'as jamais cessé de rejeter ta famille ! lançait Fabian.
Au mot "rejeter", je voyais la mâchoire de Sirius se crisper, mais il enchaînait pourtant calmement.
– Parce que tu as déjà vu Ayden faire de la pub à son père ?
– Severus Rogue était mon meilleur ami, intervenait Lily, et vous ne me l'avez jamais reproché non plus.
Les frères Prewett fulminaient, se retenaient de dégainer leurs baguettes. Je décidais de reprendre les choses en main. Posant brièvement mes doigts sur le bras de Sirius, je m'avançais d'un pas pour leur faire face.
– Vous ne me faites pas confiance, soit. Je suis la fille d'un mage noir, ce que je peux comprendre. Mais je ne l'ai pas choisi, et encore moins cherché à m'en vanter ou à le revendiquer. En ce qui concerne Regulus, il était, sera toujours, quelque part au fond de moi, mon meilleur ami. Mais il a choisi son camp et j'ai choisi le mien. J'en ai assez de devoir me justifier auprès de tout le monde.
En ce qui me concernait, le débat était clos. Il était clair que je n'aurais de cesse d'être condamné pour mon affiliation, mais j'estimais n'avoir plus rien à prouver. J'avais la confiance des personnes les plus importantes. Je me retournais vers Sirius pour échanger un regard avec lui. Il hochait la tête dans un signe d'approbation et j'allais m'asseoir près de Lily, bien que je pressentais que les Prewett ne baisseraient pas facilement les armes.
Je massais mon biceps endolori quand Sirius prenait la parole. Nous venions de mettre un terme à un ultime entraînement avant que je ne reparte pour Poudlard. Assis à la lisière du champ des Potter, le dos appuyé contre le tronc d'un arbre, nous nous efforcions de reprendre notre souffle et d'étirer nos muscles mis à rude épreuve.
– Tu sais, dans le Poudlard Express...
Je relevais la tête pour le découvrir le regard perdu au loin.
– Tu veux dire quand tu as profité de mon amour pour les animaux pour quémander honteusement des caresses ?
L'allusion le faisait sourire, mais je le sentais sérieux. Perdu dans ses pensées.
– J'avais vraiment envie de lui parler. Je crois que je voulais tâter un peu le terrain, avant. De façon pas très correct, je dois l'admettre. Mais quand j'ai vu sa réaction, quand le gars est entré...
Je baissais la tête, sachant exactement à quoi il faisait allusion. À la vue de Benjamin, un né moldu, Regulus avait eu un comportement de parfait Sang-Pur. Ignoble et méprisant.
– Je l'ai rejeté une fois de plus, ce jour-là.
Ses mots faisaient écho à ceux de Fabian. Et à ceux que je lui avais moi-même jeté à la figure à deux reprises.
– Malgré ce qu'on pourrait croire, j'essayais de continuer à veiller sur lui, de loin. Les premières années à Poudlard, ce n'était qu'un gamin, je ne prenais pas au sérieux son côté... sombre. Et puis, tu étais là pour le remettre à sa place. Mais quelque chose a changé pendant votre cinquième année. Même toi tu ne parvenais plus à le canaliser. Il s'enfonçait de plus en plus. ...c'est pour ça que j'ai commencé à être aussi infect avec toi. Assister à ce que devenait mon petit frère me rendait fou. Je suis désolé.
Je hochais la tête. Je ne lui en tenais pas rigueur. Après tout, je n'avais pas eu le beau rôle non plus. Je m'étais même comportée en parfaite idiote, et encore plus depuis que Regulus avait été marqué. Comme il me l'avait souligné lors de notre retenue, j'avais nié l'évidence, je m'étais battue contre du vent.
– Si je ne lui avais pas tourné le dos, si j'avais été aussi présent pour lui que tu l'as été, si j'avais réagi, peut-être que... ah je sais pas.
Les confidences qu'il venait de me faire devaient le tourmenter depuis des mois et confirmait ce que j'avais déjà commencé à soupçonner : il ne l'avait jamais perdu de vue.
– On peut refaire le monde avec des « si », Sirius... Mais ni toi, ni moi n'aurions pu le sauver. Il avait fait son choix... tu ne dois pas culpabiliser.
Pour la première fois, je prononçais ces mots. Enfin, j'acceptais pleinement que mon meilleur ami, son petit frère, ne voulait pas être sauvé. Il portait son attention sur moi. Il fouillait mes yeux en silence pendant quelques instants avant d'opiner du chef. Nous resterions, malgré tout, tous deux hantés par notre impuissance à préserver Regulus.
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