Chapitre 19

Remus avait passé la majeure partie de la journée plongé dans un lourd sommeil. Les parents de James m'avaient poussé à aller retrouver ma grand-tante, m'assurant qu'ils veillaient sur les Maraudeurs et Lily. J'avais fini par obtempérer, tout en leur promettant que je reviendrais le lendemain. Avant que je ne parte, Euphemia avait serré ma main dans la sienne pendant un court instant. Ce que j'avais lu dans son regard m'avait bouleversé. De la reconnaissance, de la tendresse. Elle et son mari m'avaient rapidement accueilli dans leur famille, au même titre que Lily ou Sirius. Et cela me touchait plus qu'ils ne l'imaginaient.

Mais une fois rentrée à Godric's Hollow, je ne réussissais pas à trouver le repos. J'avais espéré sombrer dans l'inconscience après avoir passé une telle nuit, mais rien n'y faisait. Je m'attelais donc à reprendre les recherches que j'avais entamées sur Anjelika depuis quelque temps. Je n'avais quasiment rien, aucun point de départ, aucun nom de famille sur lequel m'appuyer. Bathilda comme Dumbledore n'avaient pas pu m'éclairer. De ma mère, je ne connaissais que son prénom et ses origines vélanes. En me basant sur ces deux maigres informations, je pouvais facilement supposer qu'elle était bulgare. C'était une théorie plausible quand on savait qu'à l'apogée de son pouvoir, mon père avait étendu ses griffes sur l'ensemble de l'Europe. Mais retrouver la trace de ma mère parmi toutes les Anjelika bulgare serait à peu près aussi aisé que de repérer un Billywig, cette petite créature si rapide qu'elle en devenait invisible.

Je prenais ma tête entre mes mains, exaspérée.


La matinée était à peine entamée lorsque je frappais à la porte des Potter, le jour suivant.

    – Tu es bien matinale, Ayden.

Mes joues rosissaient légèrement sous l'effet de la gêne. Mais Fleamont me rassurait d'un sourire et j'avais presque l'impression d'avoir James en face de moi. Il me faisait entrer et je le suivais dans la cuisine où se trouvait déjà Remus. Il semblait avoir repris des forces, même si une ombre assombrissait ses yeux. Les deux balafres qui striaient son visage contrastaient encore durement sur son teint maladif.

    – Ayden.

    – Salut, Remus.

Je lui offrais un sourire aussi chaleureux que sincère tout en prenant également place à table, face à lui.

    – Jus de citrouille ? me proposait Fleamont.

Je le remerciais avant de porter le verre à mes lèvres. Nous entendions Euphemia appeler son mari depuis l'étage. Après un dernier regard soucieux sur mon ami, il disparaissait. Le jeune Lupin avait les yeux baissés sur ses mains lorsqu'il prenait la parole.

    – Ayden, je suis désolé pour ce qu'il s'est passé...

Je secouais la tête, ne voulant pas le laisser continuer. Il n'avait pas à s'excuser. Il était l'une des personnes les plus douces que je connaissais. Des Maraudeurs, il était celui dont je m'étais toujours sentie le plus proche. Je posais mes doigts sur les siens.

    – Tu n'as pas à l'être. Je sais bien ce que tu penses. Je sais que tu te sens coupable et que rien ne réussira à t'apaiser. Mais Remus, tu n'y es pour rien. Aucun de nous ne t'en veux. Tu ne dois pas t'excuser pour quelque chose d'incontrôlable. Ce n'est pas ce qui te définit.

J'avais conscience que mes mots, bien que francs, n'auraient que peu d'effet sur lui. Il s'essayait à sourire, mais ne soutenait pas longtemps mon regard.

Cette maladie, car la lycanthropie en était bel et bien une, était une véritable malédiction. Non seulement parce qu'elle le soumettait une fois par mois à une nature féroce, diamétralement opposée à ce qu'il était réellement, mais aussi parce qu'elle le rendait victime de sévères préjugés.

    – Comment tu te sens ?

    – Épuisé. Cette transformation a été particulièrement difficile. Je dors beaucoup. Et le reste du temps, je me fais chaperonner.

J'allais lui demander qui le surveillait de si près, mais avant d'avoir pu ouvrir la bouche, Sirius entrait en baillant à s'en décrocher la mâchoire. Remus me lançait un regard éloquent, un sourcil haussé, et j'éclatais de rire.

    – Salut vous deux, grommelait Patmol.

    – Il est pire que ma mère... marmonnait Lunard à mon intention.

L'intéressé répondait d'un grognement. J'observais Sirius, amusée. Les cheveux en bataille, les yeux encore empêtrés dans le sommeil, il s'affalait sur une autre chaise. Visiblement, il était aussi matinal qu'une manticore était amicale.

    – Ferme-la, Lunard, bougonnait-il encore.


Je prenais mon petit déjeuner avec eux. Remus grignotait à peine de sa part de brioche. James et Lily étaient en patrouille pour l'Ordre, quant à Peter, j'ignorais où il se trouvait. Il était près de onze heures lorsqu'Euphemia annonçait devoir se rendre au Chemin de Traverse dans la journée. À son expression, je devinais que l'idée ne l'enchantait guère. Remus s'était excusé une heure plus tôt et avait repris le chemin de la chambre d'ami.

    – Je peux y aller pour vous, si vous voulez, proposais-je.

Les Maraudeurs avaient plus ou moins élus domicile chez eux, et je commençais à y passer de plus en plus de temps également. J'estimais normal de leur proposer mon aide.

    – Faites-moi seulement une liste, je m'en occupe.

    – Je t'accompagne. Si ça ne te dérange pas.

Plusieurs mois en arrière, je n'aurais certainement pas apprécié la proposition de Sirius, si tant est qu'il l'aurait faite. Mais les choses avaient suffisamment évolué pour ne pas me sentir incommodée.


Nous avions directement transplané au Chaudron Baveur. Sirius faisait un signe de la main à Tom, le barman, avant de m'entraîner jusqu'aux briques fermant le passage du Chemin.

    – Par quoi on commence ?

Je consultais la liste couverte de l'élégante écriture d'Euphemia.

    – L'apothicaire.

La longue rue était dégagée. Il n'y avait que peu de badauds, les sorciers et sorcières présents allant d'un point à un autre sans en déroger. La neige avait recommencé à tomber, mais je doutais qu'elle soit la cause de cet empressement. Depuis l'attaque sur le Chemin l'été dernier, plus personne n'avait l'air de vouloir flâner. Les gens ne prenaient plus le temps de s'attarder devant les vitrines. Il devait même sembler étrange que nous remontions tranquillement les pavés, sans adopter le pas de charge des quelques passants.

Après l'apothicaire, où j'avais profité de refaire également le stock de Bathilda, nous nous arrêtions à Gringotts. Sirius évoquait vaguement des "derniers détails à régler". Pendant que nous attendions le retour du gobelin, il m'expliquait que son oncle Alphard lui avait légué toute sa fortune à sa mort, au grand dam de Walburga.

    – Il a toujours été doué pour faire criser ma chère mère, mais sur ce coup-là, il a vraiment fait fort, ajoutait-il affectueusement.


Lorsque nous ressortions de chez Wiseacres, chargés de sacs pour les Potter, je me stoppais devant une devanture faisant étalage de pierres précieuses et semi-précieuses. Mon cœur loupait un battement.

    – Ça t'ennuie si on y fait un saut ?

Sirius haussait les épaules et me suivait à l'intérieur. Sur les rayonnages s'étalaient des centaines et des centaines de gemmes, allant de l'ambre le plus simple au diamant le plus pur. Je me rapprochais, fouillant la marchandise du regard, sans pour autant trouver ce que je cherchais.

    – Bonjour... puis-je vous aider ?

Je me détournais pour faire face à un sorcier charismatique à la peau d'ébène, vêtu de superbes habits chatoyants. Immense, il avait un visage serein et l'œil vif. Ses lèvres charnues étaient surmontées par un nez nubien. Il portait lui-même une pierre aux reflets cuivrés, reposant sur son large torse.

    – Bonjour. Oui, je pense. En fait, je...

Ne trouvant pas les bons mots, je dégageais l'écharpe aux couleurs bleu et bronze de Serdaigle qui entourait mon cou.

    – J'aimerais en savoir plus sur cette pierre, s'il vous plaît.

Son regard tombait sur le pendentif qui reposait contre ma peau. D'un signe, il me signifiait d'approcher tandis qu'il passait derrière son comptoir et s'armait de lunettes grossissantes. Sous les yeux vigilants de Sirius, j'ouvrais le fermoir du précieux bijou pour le laisser tomber dans la paume calleuse du sorcier.

Je ne me rendais pas compte que je me tordais les mains en attendant son verdict. Il examinait longuement la pierre, la manipulait entre ses doigts experts, la retournant, l'inclinant à la lumière. Il finissait par la déposer délicatement sur un plateau en velours noir devant lui, et exécutait un geste de sa baguette au-dessus d'elle. J'épiais presque avidement le moindre de ses mouvements. Les secondes s'étiraient un peu trop à mon goût.

    – Je dirais que c'est une obsidienne manto huichol, ou mentogochol, si vous préférez. Mais je n'arrive pas à en être certain... Je ne leur ai jamais vu un noir aussi profond... Et les reflets sont exceptionnels...

Je commençais à me mordiller la lèvre. Dans ma poitrine, mon palpitant continuait à battre plus fort dans l'attente d'une déclaration encourageante.

    – Peu courante. On n'en trouve pas partout, et encore moins en Grande-Bretagne...

    – En Bulgarie ? tentais-je, la voix pleine d'espoir.

Le sorcier relevait la tête pour m'observer attentivement, avant de secouer la tête.

    – Le plus souvent au Mexique.

Mes épaules s'affaissaient imperceptiblement. Mes maigres espérances étaient soufflées comme une bougie.

    – Où avez-vous trouvé celle-ci ? questionnait-il poliment en me rendant le pendentif.

    – Je l'ignore. Je l'ai hérité de ma mère...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top