Chapitre 5 : Le rendez-vous
Ce soir-là, nous nous sommes assis à table. Le silence était uniquement coupé par le bruit des couverts sur la table. Mon père a rompu ce silence :
- Elana, as-tu réfléchi à un travail ?
Et c'était reparti...
- Papa, j'ai encore deux ans pour me décider.
- Deux ans qui vont passer vite ! Il va vite falloir trouver.
- John, elle a encore le temps ! a intervenu ma mère.
- Au moins savoir dans quoi elle va travailler, s'est exclamé mon père. Je veux que tu trouves un travail à tes dix-huit ans, quitte à prendre le premier qui vient !
- Même si c'est prostitué dans un bar ?
-Elana ! s'est offusqué ma mère.
- Maman ! j'ai lancé, sur le même ton. Puis à mon père : je ne sais pas dans quoi je travaillerai mais il est hors de question que je devienne éboueuse ou torcheuse de cul pour les vieux pour te faire plaisir !
Quand je repense à cette conversation, je ne peux m'empêcher de sourire. Même si je ressens surtout de la colère envers mon père. Je déteste qu'on me pousse à faire quelque chose.
J'attends Gwen qui devrait bientôt arriver, enfin j'espère. Elle a encore du retard, mais j'espère qu'elle viendra quand même. Le café commence à se remplir. J'observe les personnes installés à la table et essaie d'imaginer leur vie. Le vieux monsieur qui vient tous les jours est écrivain. Il a écrit des romans policiers qui ont eu un petit succès. Aujourd'hui, il repense à tout ça. La jeune femme d'une trentaine d'année installée derrière souhaite devenir mannequin, mais elle est journaliste. Le jeune homme en face est acteur et a rencontré cette femme quand elle l'a interviewé pour son journal. Ils n'ont pas encore d'enfant, mais la femme va bientôt en avoir un.
Enfin Gwen arrive. Elle s'installe en face, l'air essoufflée.
- Désolée mais je ne peux pas rester longtemps. J'ai des papiers à remplir, lance t-elle avec un sourire d'excuse.
- Oh. Bien sûr.
Le serveur arrive et repart avec nos commandes.
- Alors, comment vas-tu ?
- Toujours pareil. Et toi ça va avec Chase ?
- Toujours pareil. Quoi de neuf ?
Je lui explique alors que je me suis inscrite pour la correspondance par lettre et la lettre de Tom que je lui tends. Après l'avoir lu, elle me la rend.
- Eh ben... On dirait qu'il s'en fout de tout.
- Il a surtout l'air... Mal dans sa peau. Mal à l'aise. Et... J'ai l'impression qu'il fait allusion à ce qui s'est passé en sixième.
- Je ne pense pas. Il a mit au pluriel. Ou alors il fait allusion à toi mais pas que. Tu comptes lui dire que c'est toi ?
- J'ai préféré être anonyme, j'avoue.
- Tu lui a déjà répondu ?
- J'ai juste fait une liste comme lui.
- On se croirait dans un bouquin.
- Genre quoi ?
- Genre... À tous les garçons que j'ai aimé. Ou Love, Simon.
- Oui, peut-être.
Le serveur nous rapporte les commandes. Nous sirotons nos boissons en parlant de tout, de rien. Gwen vérifie souvent l'heure. C'est ainsi que quarante minutes plus tard, elle m'annonce qu'elle doit partir. Elle me lance un regard triste, paie l'addition, et part précipitamment.
Je soupire. Je n'ai pas envie de rentrer. Mon père va encore vouloir que je travaille, et j'en ai aucune envie. Je décide alors d'aller chez May. Je lui envoie un message, prends le bus, et me rend chez elle.
Malheureusement, son père est là.
- Bonjour, Elana Saze. J'imagine que tu vas voir May ?
- En effet, je réponds, mal à l'aise.
- Bien. Elle t'attend dans sa chambre.
M. Tassi a sa façon de prononcer mon prénom et mon nom de famille à la suite. C'est un homme assez grand, avec des lunettes rectangulaires noires et qui porte des vieux vêtements. Avec May, c'était devenu un sujet de plaisanterie. Plus maintenant.
Je rentre dans sa chambre. Elle est sur son ordinateur. Je m'assois à côté d'elle sur son lit.
- Salut, me lance t-elle en mettant son ordinateur en veille. C'est pas aujourd'hui ton rendez-vous avec Gwen ?
- Si, mais elle est restée que trois quarts d'heure...
- C'est déjà bien, réplique t-elle. Elle aurait pu partir au bout de dix minutes.
- Peut-être, mais avant on restait trois heures ensemble... Depuis qu'elle est avec ce Chase, elle n'est plus pareil. Mais bon, j'imagine que je devrais être contente qu'on se revoit.
- Mais oui, assure May. Dis, ça te dis une partie de War 3 ?
C'est notre habitude. Avant, j'allais presque tous les soirs chez elle pour jouer à War 3 ou un autre jeu de ce genre. Même si je n'ai pas de console de jeu chez moi, - mon père dit toujours que "ça abruti le cerveau", - je la bat à chaque fois.
J'acquiesce, et c'est ainsi qu'on reste presque toute l'après-midi à jouer.
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