- Elana, dépêche-toi ou tu vas être en retard !

Ma mère crie à travers la porte de la salle de bain. Je ferme le robinet, m'enveloppe de ma serviette et jette un coup d'œil à mon portable. Sept heures cinquante-trois. Il me reste précisément sept minutes précisément. Faut que je me dépêche !

Je me sèche, m'habille et attache mes cheveux en queue de cheval. Puis je sors et attrape mon sac posé dans l'entrée. 

Pendant que je marche rapidement vers l'arrêt de bus, je sors mon portable et ma carte de bus. Il me reste deux minutes.

Enfin j'arrive au moment où le chauffeur ferme les portes. Je lui montre ma carte avec un sourire désolé, et il marmonne une chose sur le fait qu'il faut se réveiller plus tôt.

Heureusement, il reste un arrêt après le mien, ce qui veut dire qu'il reste des places vides.

Je m'installe vers le fond, là où il y a Charlie, un imbécile de ma classe, qui se vante encore de ses talents de hackeur. 

Dommage que May ne prenne pas le bus. Pendant tout le long, j'écoute de la musique sur mon portable.

Enfin arrivée, je sors et me dirige vers l'établissement. Devant, il y a les fumeurs. Ils attendent toujours le dernier moment avant de rentrer et parlent toujours fort.

Je vais immédiatement à mon casier pour déposer les affaires de l'après-midi. Puis je cherche May. 

Je la reconnais rapidement à son casier avec ses cheveux noirs coupés à l'épaule et sa maigreur. Je la rejoins.

- Salut ! Ça va ?

- Ouais comme d'hab' et toi ?

- Oui.

Nous nos dirigeons silencieusement vers la salle d'histoire. Elle est déjà ouverte et Tom et ses deux amis y sont déjà. Nous nous mettons à nos places.

Tom et moi étions amis avant, en sixième. Seulement, un jour, nous nous sommes rendu à une fête. Nous n'étions que six invités, mais mes parents n'aurait jamais voulu qu'on fasse une fête, j'ai donc dit qu'on irait réviser. Quand ils sont arrivés à la fin, on avait tout nettoyé. Heureusement. Je suis parti chercher mes affaires après leur avoir dit de m'attendre. Quand je suis revenu, j'ai retrouvé mes parents discuter avec Tom. Dans la voiture, ils m'ont disputé pour leur avoir menti. J'ignore comment ils l'ont su, mais j'ai vite fait le lien entre Tom et ça. J'étais sûr qu'il m'avait balancé. Notre amitié s'est arrêté là.

En revanche, ses deux amis Chris et Mathieu me parlent toujours.

Le cours commence. La prof distribue les copies, et comme d'habitude, je remplis tout.

À la pause, j'attends May.

- Tu as réussi ? je lui demande.

- Mouais, bof, comme d'hab quoi.

Elle ne me demande pas si j'ai réussi. Elle connait déjà la réponse.

Des boîtes aux lettres sont posés là, en face des casiers. Personne n'y fait attention, pour cause ; tout le monde s'en moque. Je sais ce que c'est. C'est pour la correspondance par niveau de classe. Pour "faire de nouvelles connaissances". Il n'y a que trois boîtes aux lettres par niveau.

Les trois boîtes aux lettres ont deux parties : une en haut, une en bas. Un pour le correspondant, et un pour l'autre correspondant. Il faut s'inscrire et demander la clé. Ils ont un numéro précis.

J'ai envie d'aller m'inscrire mais j'hésite. Et si je tombe sur quelqu'un qui invente tout dans ses lettres ? Ou quelqu'un que je déteste ? Est-ce que j'aurai le droit de changer ?

En passant devant l'accueil, je remarque qu'il n'y a personne. Je finis par inspirer et lance à May :

- Tu peux m'attendre une seconde ?

Et je rentre dedans.

La dame de l'accueil est le genre de personne qui n'aime pas les élèves et qui a toujours l'air de mauvaise humeur.

- C'est pour quoi ? interroge t-elle, déjà agacée.

- C'est pour m'inscrire pour l'échange de lettres.

- Hum.

Elle me dévisage ouvertement, et j'ai envie de l'envoyer chier. Au lieu de ça, j'attends.

- Ton nom ?

- Elana Saze.

Elle marque en même temps.

- Ta classe ?

- Seconde.

- Très bien. Veux-tu que ton correspondant sache qui tu es ou tu préfères rester dans l'anonymat ?

Je réfléchis. D'un côté, ça servirait à quoi de cacher mon nom ? Mais si je tombe sur quelqu'un qui ne joue pas le jeu ?

- Anonymat, s'il vous plaît.

- Ton casier est numéro 8. Voici la clé. Tu es en haut. Je vais prévenir ton correspondant qu'il a un correspondant.

J'attrape la clé. Je ne prends pas la peine de la remercier, elle n'avait pas à me regarder comme si je faisais pitié et sors.

May me saute pratiquement dessus.

- Tu es sérieuse ? Tu vas le faire ? 

- Ouais. Après tout, peut-être que je vais faire... Comment ils disent déjà ?... Ah oui, "de nouvelles connaissances".

- Tu te rends compte que ton correspondant, si tu en as un, sera juste là pour se moquer. 

Je hausse les épaules.

- On ne sait jamais.