- Mais c'est quoi ton problème ? Je t'avais dit que je pouvais pas venir samedi ! Ce n'est quand même pas ma faute si mon patron a changé mes horaires au dernier moment !

Ça fait dix minutes que je suis au téléphone avec Gwen. 

Exaspérée, je lève les yeux au ciel.

- Ça va refaire comme la dernière fois, on ne va pas se voir pendant six mois, voire plus...

- Mais ce n'est pas ma faute ! On peut toujours se voir mercredi prochain au pire.

- Je dois préparer mon exposé en SVT.

- Tu vois ? Là c'est pas moi le problème !

- C'est bon. De toute façon, j'ai du travail. À plus.

- Tu ne vas quand même pas me...

Je ne saurai jamais ce qu'elle voulait dire car j'ai déjà raccroché.

Il est déjà vingt-deux heures, et je n'arrive pas à dormir. Je reste étendue là, à observer mon plafond, mon portable posé à côté de moi. Gwen me rappelle, mais je ne décroche pas. Je me contente de rester immobile. 

La lettre que j'ai écrite à Tom est soigneusement rangé entre deux livres, pour que mes parents ne tombent pas dessus en allant ranger des affaires. J'ai l'impression que c'est mon seul ami à présent. On se parle beaucoup plus, et j'ai l'impression de retrouver le garçon d'avant. On se raconte beaucoup de choses, il m'a même avoué hier que son grand frère voit une psy, suite à une quatrième crise d'angoisse en une semaine.

Il est tard, mais je me lève quand même pour prendre une feuille avec un stylo et écris. J'écris tout ce qui me passe la tête, et ça me détend.

- Hé ! Ça fait trois heures que je te parle !

Je lève la tête de la lettre. Je l'ai relu pour la deuxième fois quand May passe sa main entre la lettre et moi-même.

- Tu ne fais même plus attention à moi depuis que tu écris ces lettres.

Je suis surprise de voir une tristesse dans ses yeux. Je me sens coupable et range la lettre.

- Désolée, je ne m'en rendais pas compte. Tu disais ?

- Laisse tomber, soupire May.

- Non, dis !

- Je disais juste que j'avais presque fini d'écrire le brouillon de mon texte pour le français.

- Ah oui ? Et tu as écris quoi pour l'instant ?

- L'histoire d'une femme qui est au chômage et qui a des problèmes d'argent. Un jour, elle apprend que son frère est mort. Du coup elle va tenter de retrouver le criminel. À la fin, elle va finir par abandonner par manque de preuve. 

- Wouah, c'est gai ton histoire ! Presque autant que la mienne.

Mais May hausse les épaules, ne relevant pas ma remarque. Elle ne me demande pas quelle histoire j'écris.

- Tu sais, si tu as besoin de parler, je suis là.

- Je sais, tu me l'a déjà dit l'autre jour.

Je commence à en avoir marre de son mauvais caractère. Je ne sais pas ce qui lui arrive, mais entre elle et Gwen, ça commence à faire beaucoup.

Un peu énervée, je me rends à l'intérieur. Elle ne me suit pas.

Je prends mes affaires au casier pour le prochain cours quand Mathieu vient me voir.

- Tu n'as pas vu Chris ? Je le cherche depuis tout à l'heure.

- Non, désolée.

- Tu n'es pas avec May ?

- J'étais. Tu devrais regarder si il est à l'infirmerie, j'ajoute pour changer de sujet.

- J'y suis déjà allé, soupire t-il. Je vais aller voir à la bibliothèque.

- Attends, je viens avec toi. Je vais continuer mon travail en français.

Je ferme mon casier et nous nous dirigeons vers la bibliothèque.

- C'est chiant, Tom n'arrête pas d'écrire ses lettres. Quand il lit ceux qu'il reçoit, il sourit. C'est insupportable, on dirait presque qu'il est amoureux. Franchement, je ne vois pas qui voudrait échanger des lettres avec lui...

Je ne demande rien, de peur d'éveiller ses soupçons, mais j'ai envie d'en savoir plus quand il lit mes lettres. Comme s'il était amoureux ? Comment ça ? Est-ce qu'il rougit ?

Arrête, c'est flippant, me dis-je. Malheureusement, Mathieu continue de se plaindre sur la correspondance.

Arrivé à la bibliothèque, il rejoint Chris et Tom, qui sont bien là en train de réviser l'évaluation de géographie qui a lieu lundi. Moi, je m'installe seule à une table et continue mon brouillon de français.