Et si on se rencontrait ?

J'ouvre les yeux. Je ne sais pas où je suis. Une pièce aux teintes pastelles. Le soleil rentre à flot par une fenêtre ouverte. Quelques photos accrochées aux murs. Un bureau de bois vernis. Une grande armoire murale aux portes recouvertes de glaces. Des rideaux turquoises qui ondulent sous la caresse du vent.

Je me redresse. Aussitôt, un violent mal de crâne me transperce la tête. Mais je suis où ?

Une porte s'ouvre, laissant entrer un garçon aux cheveux roux et aux yeux verts. Je dirais qu'il a mon âge, c'est-à-dire... Oh putain ! Je ne sais pas quel est mon âge ! J'ouvre la bouche pour poser la question au garçon, quand il se précipite vers moi et me prend dans ses bras.

- Amande ! Bon sang, tu m'as fait une de ces peur ! Qu'est-ce qu'il t'a pris d'aller grimper sur le Chêne Céleste toute seule ?

Je me raidis alors qu'il me serre plus fort contre lui. Percevant mon trouble, il s'écarte et me fixe intensément.

- Amanda ? Quelque chose ne va pas ?

- Qui est Amanda ? je demande d'une voix rauque.

Une lueur de panique s'allume dans le regard du garçon et il pâlit.

- Non, non, non, non, non ! marmonne t-il. Ça ne va pas recommencer, non !

Il se retourne vers moi et nous nous dévisageons en silence. Lui, complètement paniqué, essayant de reprendre son calme, moi, complètement perdue, essayant de comprendre ce qu'il se passe.

- Viens, on va prendre l'air dans le jardin, je vais t'expliquer un peu ce qu'il se passe, enfin, je vais essayer !

Il se dirige vers la grande armoire murale et en sort une jolie robe bleue avec des motifs de papillons violets dessus.

- Tu te souviens de cette robe ?

Je fais non de la tête. Je ne me rappelle pas de mon propre nom, comment pourrais-je me souvenir d'une robe ?

- C'est ta robe préférée, tu la mets tout le temps.

- Heu... D'accord. je réponds, consciente que je dois dire quelque chose.

- Je vais prévenir nos parents que tu es réveillée, je te laisse t'habiller.

Je baisse les yeux sur ma tenue et réalise que je ne suis vêtue que d'une fine chemise de nuit. Le garçon me dévisage une dernière fois d'un regard soucieux avant de sortir. J'entends ses pas précipités s'éloigner et je soupire. Je crois que je vais devoir lui faire confiance...

Je me lève et m'appuie sur le bord de mon lit, les jambes tremblantes. Non sans peine, je passe la robe et m'observe dans la glace. Mes cheveux sont roux, un peu ondulés... Et très emmêlés ! Ils me couvre la moitié du visage. J'aperçois une brosse sur la table de chevet. Je vais m'en saisir et commence à remettre de l'ordre dans ma chevelure. 

Je vois mes yeux verts, mon visage légèrement joufflu, le nuage de tâches de rousseur sur mon nez et mes pommettes, et... La brosse m'échappe des mains. J'ai une longue cicatrice de brûlure sur ma tempe et ma joue droite. Je l'effleure de mes doigts tremblants. Soudain, quelque chose attire mon attention dans le miroir. Une cicatrice similaire orne mon bras et ma cuisse droits. Je me laisse tomber sur le tapis, le visage enfouis dans mes mains, secouée de gros sanglots.

Je sens le garçon revenir et me prendre dans ses bras. Son étreinte est réconfortante.

- Viens, on va prendre l'air.

J'acquiesce et le suis à travers des pièces et des escaliers inconnus. Enfin, nous passons une porte et allons nous installer sur un banc, près d'un bassin d'eau recouvert de nénuphars, où nagent des carpes.

Le garçon me prend les mains et commence à expliquer :

- Tu t'appelles Amanda. Amanda Selmur. Moi c'est Auguste. Toi et moi, on est frère et soeur. Tu as quinze ans et demi et moi, dix-sept. Il y a trois jours, tu as décidé d'aller grimper au Chêne Céleste, le plus haut arbre de la forêt, et tu es tombée.

Il désigne une forêt qui borde le jardin d'un coup de menton.

- Ça va ? Je ne vais pas trop vite ?

- Non, continue.

- D'accord. Nos parents sont morts dans un incendie il y a neuf ans, c'est de là que nous viennent nos brûlures.

- Nos ? je relève.

Auguste sourit tristement et relève sa chemise. Sur son torse courent de longues cicatrices semblables aux miennes.

- Nos. confirme t-il.

- Oh.

- Ce n'est pas grave, ne t'inquiètes pas. Donc nous sommes allés dans un orphelinat et avons été adoptés il y a quatre ans par Esmeralda et Olivier Selmur. 

Je réfléchis un peu tandis qu'il remet sa chemise.

- Tout à l'heure... je commence, tu avais l'air de dire que...

- Hey, salut Auguste ! Je t'ai cherché partout !

Un garçon brun se précipite vers nous un grand sourire aux lèvres. Il fait une accolade à Auguste et se tourne vers moi.

- Salut Amanda, content de te voir réveillée !

Je regarde Auguste, un peu perdue.

- Amanda, je te présente Connor, mon meilleur ami. C'est lui qui t'a trouvée après ta chute.

- Elle sait qui je suis, te connaissant, tu lui as montré toutes nos photos !

Auguste et moi échangeons un regard.

- Ben alors, qu'est-ce qu'il y a ? demande Connor dont le regard va de l'un à l'autre comme s'il suivait une balle de tennis de table.

Mon frère soupire :

- Connor, je...

- Auguste ! appelle soudain une voix féminine depuis la maison.

- Désolé, maman m'appelle. Il me presse doucement le bras. Je reviens dans cinq minutes !

Connor et moi acquiesçons en chœur et le regardons s'éloigner, puis disparaître dans la maison.

- Alors... Ça va mieux ? Tu t'es remise de ta chute ? me demande le brun. 

Je réalise soudain qu'il a de magnifiques yeux gris, aux reflets argentés.

- Je ne sais pas trop...

- Comment ça ?

- En fait j'ai... J'ai... 

- Oui ?

- Je ne... Je n'ai...

Je commence à hoqueter, incapable de prononcer les six mots qui me définissent à présent. Connor s'assoit à côté de moi, à la place qu'occupait Auguste, et passe son bras autour de mes épaules.

- Respire bien profondément. Inspire... Expire... Inspire... Expire... Regarde les poissons qui nagent dans le bassin... Observe leurs mouvements, les ondes qu'ils créent à la surface de l'eau... Concentre toi sur eau... Sur leurs écailles brillantes, leurs nageoires gracieuses... 

Sa voix est chaude et elle me donne un sentiment de paix profond alors que j'observe les allées et venues des poissons dans le bassin.

- Très bien... Maintenant, sans cesser de les regarder, dis-moi ce que tu as sur le cœur...

Je prends une profonde inspiration et lâche :

- Je n'ai plus aucun souvenir...

Je le sens froncer les sourcils.

- Comment ça ?

Sa voix est insupportablement calme.

- Je ne me souviens de rien avant mon réveil tout à l'heure.

- Oh... Dans ce cas... Tu as de la chance d'avoir un frère comme Auguste. Tu peux lui faire entièrement confiance, tu sais ?

Je souris amèrement.

- Que faire d'autre ? Je ne connais personne...

- Tu me connais moi.

Ne sachant que répondre, je me retourne vers les poissons et les observe, captivée, se mouvoir gracieusement dans l'eau. L'un d'eux me regarde un instant, puis agite la queue, comme pour me dire que tout va bien.

Fin du premier texte 

1188 mots.

@apprenti0auteur


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top