Le Jardin des Secrets
Au bout de quelques minutes, Étienne se retrouva devant ce qui lui sembla être l'entrée d'un palais, mais en plus merveilleux encore. Il dut se protéger les yeux avec ses mains tellement ce qu'il voyait était éclatant. Il se tenait debout en face d'un grand portail blanc nacré soutenu par une grande barrière dorée. La vue était éblouissante.
Quand ses yeux s'habituèrent à toute cette splendeur, Etienne se rapprocha du portail. Il y avait une pancarte qui portait l'inscription suivante :
Le Jardin des Secrets.
Étienne la lut à voix haute. Les mots avaient à peine échappé ses lèvres que le portail s'ouvrit aussitôt, l'invitant par ce geste à entrer.
L'atmosphère dans ce lieu était étrange. Des fleurs aux multiples couleurs qu'il touchait à l'herbe que foulaient ses pieds, et même l'air qu'il respirait, tout semblait... diffèrent. Il se sentait chez lui, comme si toute sa vie précédente n'avait été qu'un long voyage dont le but était de l'emmener à cet endroit. Il marcha avec assurance jusqu'à l'arbre qui se trouvait au centre du jardin. C'était un grand chêne robuste et imposant. Les fruits qu'il portait, cependant, étaient une énigme pour le jeune homme. De loin, ils ressemblaient à des pommes, mais étrangement ils n'avaient pas de couleur. Ils brillaient intensément. Étienne se rapprocha.
Non, ce n'était pas des fruits ordinaires. Et oui, ils n'avaient pas de couleurs. De fait, ils étaient transparents. Étienne en saisit un à la dérobée, et dès l'instant où sa main entra en contact avec le fruit, quelque chose se produisit. Une image, une image animée, apparut dans le fruit. C'était un peu comme si le fruit s'était transformé en écran de télévision miniature. Une vague d'images défila devant les yeux d'Étienne. Ce dernier était tellement ébahi qu'il en restait bouche bée.
Il vit une jeune fille, les cheveux au vent, qui était sur le dos d'un aigle blanc, survolant un pâté de maisons. L'image changea. La jeune fille se retrouvait désormais allongée, les yeux fermés dans une chambre qui ressemblait à une chambre d'hôpital. Une femme se tenait à ses côtés, l'air désemparé. L'image changea à nouveau. La jeune fille était sur une chaise roulante en compagnie d'autres jeunes de son âge et de la femme qui précédemment semblait veiller à son chevet.
Qu'est-ce que ça veut dire ?
— C'est simple, pourtant, lui répondit une voix.
Étienne tourna la tête tellement vite que son cou lui fit mal pendant quelques secondes. Le lion blanc avançait vers lui, l'air serein, Alvina étant tranquillement installée sur son dos. Étienne n'en revenait pas. Etaient-ils arrivés ici avant lui ? Si oui, comment avaient-ils fait ? Par où étaient-ils passés ?
— Comment êtes-vous —
— Ce n'est pas important, interrompit le lion, alors qu'Alvina descendait de son dos et se dirigeait vers les fleurs multicolores qu'Étienne avait aperçues plus tôt. Le plus important est ce qui est juste devant toi. Sais-tu maintenant de quoi il s'agit?
Un peu contre son gré, Étienne reporta son attention sur l'arbre. Instinctivement il avait lâché le fruit à l'apparition du lion, et il constata qu'il était redevenu transparent. Il réfléchit un instant, cherchant à comprendre ce mystère. Il finit par murmurer :
— Une histoire.
— Exactement, acquiesça le lion. Pas qu'une seule d'ailleurs. Chacun de ces fruits contient une histoire différente qui désire être racontée.
— Incroyable! s'exclama Etienne en regardant tous les fruits que contenait cette arbre. Il devait y en avoir des centaines. Et comment faire pour... ?
— Rien de plus simple, répondit le lion, sachant exactement ce que Etienne voulait demander. Il te suffit d'en manger. Une fois que tu en mangeras un, l'histoire prendra en vie en toi, et il ne te restera plus qu'à l'écrire.
— Je vois. Est-ce possible d'en manger plusieurs à la fois ?
— Certainement. Tout dépend de tes capacités. Mais penses-tu qu'il serait sage de le faire ?
Étienne haussa les épaules.
— Essaie d'en manger un, dit le lion blanc. Mais attention, choisis bien.
Étienne ne se le fit pas dire deux fois. Il était trop impatient de voir où tout cela le mènerait. Il fit le tour de l'arbre. C'était difficile de savoir lequel choisir. S'il devait tous les toucher pour se décider, cela lui prendrait une éternité.
Apres avoir fait quelques tours supplémentaires, il se figea devant un fruit. Il ne sut pas vraiment ce qui l'avait fait s'arrêter, mais on aurait dit que ce fruit... l'appelait. Il le saisit et aussitôt une image apparut. C'était l'image d'un jeune garçon brun, aux cheveux ébouriffés, arborant une sorte de veste noire qui recouvrait tout son corps. Le jeune garçon fixait Étienne avec un sourire. Ce dernier fut totalement captivé par cette image. Il prit le fruit et le porta à ses lèvres. Lorsqu'il le croqua, un jus délicieux se répandit dans son gosier. Il avait le goût de l'ananas mélangé à de la pêche. Etienne n'avait jamais goûté quelque chose d'aussi succulent.
Quand il l'eut avalé tout entier, quelque chose de bizarre se produisit. Il se sentit soudain... plein. Pas plein au niveau de son estomac, mais dans tout son être. C'était un sentiment difficile à expliquer. On aurait dit qu'un poids avait été déposé à l'intérieur de lui. Comme s'il était... enceinte. Oui c'était le mot. C'était d'ailleurs ce mot qu'il avait utilisé lors de sa conversation avec Albert et Devina, mais ce ne fut qu'à ce moment-là qu'il en saisit pleinement le sens. Quelque chose était en vie à l'intérieur de lui.
Et alors, des séquences d'images défilèrent à toute vitesse dans son esprit. Des images de ce jeune garçon. Qui il était, où il vivait, pourquoi, etc. Des schémas commencèrent à se former. C'était on ne peut plus précis. Il devait écrire, il fallait qu'il écrive. Maintenant.
— Ne crains rien, intervint le lion blanc, interrompant ainsi ses pensées. Ces images ne s'envoleront pas. Elles seront là lorsque tu en auras besoin. Maintenant dis-moi, te crois-tu capable d'avaler un autre de ces fruits dans cet état ?
— Non, répondit Étienne sans hésitation. L'image de ce garçon l'obsédait complètement. Il avait d'ailleurs du mal à tenir debout. C'en était presque douloureux. Il faut que j'écrive, ajouta-t-il.
— Je sais, dit le lion en souriant. Tu te sens ainsi parce que tu viens juste de l'avaler. Dans quelques temps, les effets se dissiperont peu à peu, sans jamais disparaitre totalement, cependant. Du moins jusqu'à ce que tu aies écrit le dernier mot de cette histoire.
Étienne acquiesça de la tête. En effet, il commençait à se sentir mieux. Il ressentait toujours ce feu à l'intérieur de lui, mais c'était plus supportable.
— Merci, dit-il. Je n'avais jamais ressenti ça de toute ma vie. J'ai l'impression qu'un feu s'est allumé à l'intérieur de moi. Il sourit. C'est à la fois effrayant et merveilleux. Il marqua une pause. Puis-je vous poser une question ?
— Bien sûr, Etienne.
A ce moment-là, Alvina vint les rejoindre.
— Regarde les fleurs que j'ai cueillies papa ! dit-elle avec excitation en tendant à Étienne des fleurs aux couleurs qu'il n'avait jamais vues. L'une d'entre elle avait l'air d'être translucide.
— Elles sont magnifiques, ma chérie, répondit-il avec un grand sourire. Pourquoi n'irais-tu pas m'en cueillir d'autres ?
La fillette obéit avec empressement. Étienne la regarda s'éloigner avec tristesse.
— Est-ce que je serai à la hauteur ? Ses parents avaient de grands projets pour elle. Pourrais-je lui donner ne fut-ce que la moitié de ce qu'elle mérite ?
— Oui, tu le seras, le rassura le lion. Il n'y a pas de coïncidence dans la vie. Pourquoi crois-tu que tu te sois retrouvé à cote d'eux dans cet avion ? Pourquoi crois-tu qu'ils se soient ouverts à toi comme ils l'ont fait ? Inconsciemment, ils t'ont qualifié pour t'occuper de leur enfant. Ce n'était pas le fruit du hasard.
Un silence s'installa entre eux. Étienne balaya de nouveau le lieu du regard. Il y avait un lac à proximité du grand chêne. L'eau brillait comme du cristal.
— Où sommes-nous exactement? demanda-t-il. Cet endroit m'est étrangement familier, pourtant je suis sûr de n'y jamais avoir mis les pieds. J'ai l'impression de me sentir... chez moi. Vraiment chez moi.
— Cet arbre, avec ses fruits merveilleux, n'est qu'une infime partie des mystères que contient ce lieu. Mais le moment n'est pas venu pour toi de tous les découvrir. Ne t'en fais pas, ajouta-t-il en voyant l'air déçu du jeune homme, tu reviendras un jour.
— Un jour ?
— Un jour, répéta le lion.
Alvina apparut avec d'autres fleurs qu'elle présenta à Étienne. Ce dernier n'arrivait pas à comprendre comment il pouvait déjà l'aimer autant, alors que quelques temps auparavant elle ne faisait pas partie de sa vie. Il la prit dans ses bras et elle passa ses petites mains autour de son cou.
— Il est l'heure de partir, déclara le lion.
— On doit partir ?
Cette fois, c'était Alvina qui avait parlé. Elle semblait très triste. Elle quitta les bras de son père et se rua vers le lion. Elle enfouit son visage dans son pelage.
— Je ne veux pas partir..., gémit-elle.
— Ne t'en fais pas, mon enfant, répondit le lion en la caressant avec son museau. Nous nous reverrons bientôt.
— C'est vrai ? demanda-t-elle en le fixant de ses grands yeux noirs.
— Oui. Mais pour l'instant, il faut que tu ailles avec ton papa.
— D'accord, dit-elle en remuant sa petite tête avec tristesse.
Apres ces mots, le lion blanc se tourna vers Etienne.
— Prêt ?
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