La mer rouge
Des cris s'élevèrent de toute part dans l'oiseau métallique ; certaines personnes qui s'étaient endormis au cours du vol, se réveillèrent brusquement, joignant à leur tour la chorale cacophonique.
Etienne darda un regard à l'extérieur et regretta aussitôt son geste. Pour cause, le réacteur gauche de l'avion était en flammes. Ne pouvant se retenir plus longtemps, il se mit à crier à la mort comme le faisaient les autres. Nul besoin de signifier qu'Albert et Davina étaient en proie à la même agonie. La femme gémissait en serrant son bébé très fort contre sa poitrine, pendant que l'homme avait ses deux bras enroulés autour d'elles, tentant vainement de les protéger.
L'avion était en train de perdre de l'altitude à une vitesse vertigineuse. Les masques à oxygène se trouvaient en face de chaque passager, comme le voulait la procédure en cas d'urgence, mais peu nombreux étaient ceux qui avaient la présence d'esprit ou le temps de les utiliser. La plupart d'entre eux étaient bien trop occuper à pleurer et à se lamenter.
Lorsque Étienne Francis jeta de nouveau un coup d'œil à l'extérieur, il constata que l'avion n'était plus qu'à quelques mètres de l'impact. La mer les accueillait à bras ouvert.
Cette fois, c'est la fin, pensa-t-il.
Il ferma les yeux et se mit à prendre des grandes bouffées d'air et à les expirer, comme s'il voulait savourer une dernière fois le fait d'être en vie.
Il en était à sa quatrième inspiration lorsque subitement il entendit une explosion et tout devint noir.
*
Quand il reprit connaissance, flottant comme un ballon sur l'eau, plusieurs minutes s'écoulèrent avant que Étienne ne pût arriver à assimiler ce que ses yeux lui montraient. Sa mère lui avait souvent fait des récits détaillés sur l'enfer lorsqu'il était enfant, et dans ses pensées, il avait toujours eu la vision d'un lac de feu avec des gens qui criaient, qui grillaient — littéralement — comme s'ils étaient sur une poêle. Mais ce qu'il voyait à ce moment-là était diffèrent et bien plus terrible.
A la place du lac de feu, c'était un lac de sang avec des débris de l'avion planant un peu partout sur la mer. Il régnait un silence mortuaire, angoissant. Étienne aurait de loin préféré entendre des cris. Cela aurait été la preuve qu'il n'était pas seul, seul dans cette mer rouge...
Sa prière ou plutôt son désir fut exaucé, car quelques secondes après il entendit ce qui ressemblait indubitablement aux pleurs d'un bébé.
Alvina, se dit-il.
Dans cette mer de sang, le jeune homme se mit à nager en direction de la voix qu'il entendait. Son voyage fut de courte durée. En effet, aussi surprenant que le fait que lui-même se trouvât encore en vie après ce terrible accident, il eut le choc de découvrir Alvina sur ce qui semblait être l'une des ailes de l'avion. Comment s'était-elle retrouvée là, il n'en avait aucune idée.
Il se rapprocha en hâte et rejoignit l'enfant sur ce qui constituait désormais leur bouée de sauvetage. Il chercha des yeux ses parents, en vain. Partout où se posait son regard, ce n'était que désolation. Etienne avait envie de pleurer. Il se trouvait au milieu de la mer, avec une petite fille qui était dorénavant orpheline, et il n'avait aucune idée de ce qu'il fallait faire. Il prit Alvina dans ses bras et tenta de la calmer, ce qu'il parvint à faire au bout de quelques minutes. Apparemment le bébé se souvenait de lui.
Dans cette atmosphère de désespoir et de détresse profonde, les deux êtres esseulés s'endormirent aussi soudainement que si on les avait mis sous anesthésie. Une anesthésie pour oublier la douleur, pour échapper à l'inévitable réalité...
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