Partie Une
Le dernier homme de la Terre était assis dans le salon. Soudain, un coup se fit entendre à la porte.
Peut être un animal ? Peu importe. Il avait du l'inventer, cela n'aurait pas été la première fois et sûrement pas la dernière. L'homme aux paluches asséchées s'enfonça encore un peu plus confortablement dans son fauteuil, enlevant par la même occasion sa petite paire de lunettes rondes. Il était tourné par ses soins face a des engins mirobolants ; aussi mystérieux les uns que les autres. Si seulement il savait faire fonctionner toutes ces machines pour pouvoir écouter, au moins, un peu de musique et sentir son esprit s'envoler à l'allure mélodieuse des notes. Il n'était même pas sûr que cela existait toujours. Mais ce silence morbide commençait à le rendre fou. En effet il se demandait si ce coup à la porte eu bien lieu. C'est vrai, après tout, comment savoir s'il ne l'avait point inventé ?
Heureusement, il gardait toujours dans la poche de son veston un carnet usé jusqu'à la reliure et son stylo plume rouillé, en cas de besoin. Histoire de s'occuper. Il aimait prendre du temps a croquer dans les pages couleurs lin des illustrations de ce qu'il voyait. Surtout les détails les plus troublants de la vie. Une vielle tache de vin sur la manche de cette dame au chien bien brossé ou encore de cette flaque d'eau ressemblant a s'y m'éprendre à un épervier blessé. Mais ce carnet lui servait aussi pour son travail, pour mettre en image les engrenages et ses idées les plus farfelues. Un horloger de talent qu'on en disait. Il avait sa propre boutique à son nom ! Et le plus important, il pouvait, à tout moment monter dans ses appartements. Ses divagations furent stoppées sans raisons apparentes et l'homme, après s'être ébroué, se mit enfin à son bureau, porte plume à la main, il caressait machinalement sa moustache sombre.
« Jour numéro trente et un. Voilà déjà un mois que je me trouve ici et.. »
Et puis quoi ? Les seules informations qu'il avait étaient trop minimes pour comprendre ce qui lui arrivait et, surtout, ce qu'il eût bien pu se passer pour les autres êtres humains. L'homme passa une main dans sa tignasse en écoutant le tic tac incessant de sa montre à gousset. Il avait l'impression de stagner dans les méandres d'une vie solitaire qui lui avait été imposée. Résigné, il revint à la première page du début de son journal ridicule.
« Jour numéro un. J'ignore par où commencer. Je ferai peut être mieux de me présenter. Je me prénomme Lewis Capperton, né le 8 janvier 1854, horloger de profession. Mes souvenirs sont vagues... et je ne sais absolument pas comment je me suis retrouvé dans cet étrange endroit. -A partir de ce moment, on pouvait voir sur le manuscrit maintes taches d'encres et raturages agacés- Lorsque que je suis ''parti'' nous étions dans le courant de l'année 1892, m'approchant manifestement de la quarantaine. J'écris ces quelques lignes pour éviter de perdre la tête et d'avoir la possibilité de le raconter entièrement à d'autre si je rentre un jour chez moi. Je suis le dernier humain de la planète . Comment puis-je affirmer cela ? Je ne peux l'expliquer. Une intuition peut être. Mais... devrais-je me fier à une petite intuition, je n'en sais fichtrement rien. Le fait étant que je me suis ''éveillé'' sur le sol poussiéreux que des débris jonchent maintenant. Beaucoup de bâtiments réduits en cendres, des bâtiments, me semble-t-il, quelque peu familiers.. J'ai recherché pendant des heures entières des traces. De potentiels cadavres, de vie ou de ce qui à provoqué ce désastre mais aucunes réponses ne vinrent à moi, seules les questions apparaissent. Suis-je en enfers ? Je ne pense pas, nuls démons ou Lucifer en vu. Tout est peuplé d'ingénieries très avancées et il est vital que je m'adapte rapidement..Si ce n'est pas un rêve ou plutôt un cauchemar. Enfin, il est bon de signifier que j'ai trouvé refuge dans ... »
Un autre coup. Lewis ne croyait plus aux coïncidences. L'homme s'avança lentement vers la porte, hésita, la main tremblante et fini par l'ouvrir d'un grand geste magistral.
« Qui est là ?! »
Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ouvert la bouche et sa voix rocailleuse l'avait surprit. Toujours était-il que personne n'était là pour l'entendre. Il répéta, recouvrant peu à peu sa voix naturelle et faisant ralentir sa respiration affolée, mais personne ne répondit.
« C'est stupide, je suis en plein délire ! Qui, ou plutôt quoi, aurait la possibilité de me répondre, c'est stupide. » se disait-il, fermement agacé. Il resta, soucieux, de longues minutes devant le porche et, dans la chaude lumière du soir, aperçut une ombre qui se mouvait entre les décombres. D'instinct il attrapa un bout de débris et se mis en joue. Il répéta « Qui est là ? Je vous prévient je suis armé » comme si l'on pouvait le comprendre. L'ombre se rapprochait, sombre, nébuleuse, menaçante. Finalement Lewis entendit un miaulement rauque et vit ce qui semblait être un chat (Il en doutait à cet instant) descendre d'une supposée poubelle et s'approcher de lui, boitillant. Son cœur avait bondit de sa poitrine si bien que Lewis cru que ce dernier allait lui arracher quelques côtes. Il se sentait idiot d'avoir eu peur d'une si petite chose. Le chat avait l'air miséreux, l'homme déposa fiévreusement sa pierre et le fit entrer. L'animal semblait affamé. Sa fourrure était toute crasseuse, l'allure squelettique, la démarche tremblante et potentiellement porteur de maladie. Mais, plus important encore, il avait l'oreille droite déchirée dans la longueur et il, ou plutôt elle car Lewis l'examinait minutieusement ; avait une importante blessure au flanc d'où son sang se déversait sur le pavé sale. Il fallait agir sans plus tarder. Soigner un être humain était, semble-t-il, foncièrement différent que de soigner un animal, cependant l'espoir régnait dans le cœur de cet humain et il ferait son possible pour la soigner du mieux qu'il le pourrait, sa parole de fils de médecin était en jeu.
« Bonjour, permettez moi de me présenter, mon nom est Lewis Capperton et je suis ravi de vous rencontrer.. » Il essayait de reproduire les gestes et l'attitude de son père, un sourire amer fissurait sa figure. Lewis lisait le médaillon attaché au bout de cuir usé qui servait de collier à la pauvre bête. « Madame Lucy, quel drôle de nom pour un chat. Je vais m'occuper de vos blessures alors restez calme s'il vous plaît, vous ne risquez plus rien ici. »
Il ignorait si Lucy le comprenait, mais cette discussion lui donnait l'illusion de parler à quelqu'un. Il se sentit soulagé par cela. L'apprenti médecin se mit à se demander si le félin appréciait sa compagnie lui aussi. Mais, pour l'heure, Lewis devait se concentrer sur ses maigres ressources en médecine pour, au minimum, soulager la douleur et tenter de panser ses blessures.
« Enfin, il est bon de signifier que j'ai trouvé refuge dans mes appartements, l'immeuble est toujours debout même s'il est vétuste en comparaisons des pavillons aux couleurs multiples et des hautes tours de verres qu'abrite désormais cette ville. L'intérieur est méconnaissable, les meubles ainsi que les tapisseries et le sol ont laissés place à de nouveaux meubles dans une matière qui m'est inconnue, à des couleurs plates, vides retirant toute la chaleur que ce lieu avait connu autrefois. Pourtant je me sentait comme chez moi dans ce chez-moi réaménagé. En fouillant les environs je suis tombé sur un kiosque à journaux, j'en empruntai un, soulagé de constater qu'il était en anglais, même si j'y trouvais quelque vocabulaire des plus étranges, des mots inconnus, des tournures de phrases des plus basiques. Toujours est -il que j'y trouvais des nouvelles du jour, des replantation d'arbres dans la forêt amazonienne appelée ''poumon de la Terre'' après sa destruction par les flammes en 2019, de multiples meurtres commis à la même heure, seconde exacte, dans le monde entier portant la même signature et un nouveau traitement pour une maladie qui m'est inconnue. Voilà entre autres les nouvelles qui circulaient ce jour là. Finalement je précipitai mon regard fiévreux en haut de page. J'y ai donc appris ma situation temporelle et spatiale. Je suis donc dans la ville et la rue où je résidais avant que ''cela'' m'arrive. Soit Londres, Fleet Street au rez de chaussé de l'immeuble 23, soit l'appartement numéro 2. Le jour ? Le mardi 25 Août 2021, 16 heures, 36 minutes et 12 secondes. C'est la fin du monde que l'on connais aujourd'hui, je suis le dernier être humain sur Terre. »
Lucy était de nouveau sur pieds, enfin sur ses pattes et elle se délectait d'un peu d'eau et de pâtée nauséabonde trouvée dans un « supermarché » nouveau terme que Lewis avait appris qui, finalement, n'était rien d'autre qu'un marché macabre sans chaleur humaine, sans les conversations joyeuses qui flottaient dans l'air. Non rien de tout cela, rien qu'une salle froide de part sa couleur blanche, la lumière blafarde, la température glaciale et les odeurs des fumets délicats des gigots luisants et rôtissant remplacé par l'odeur gênante des emballages dans lesquels étaient enfermé chaque choses, des pommes jusqu'aux mouchoirs. Toujours était-il que Lewis avait réussi à désinfecter les plaies et Lucy semblait se sentir mieux. L'homme s'en senti soulagé et l'observa pensivement. C'était une chatte à la large carrure malgré ses côtes apparentes. Lewis avait découvert, en lui passant un seau d'eau sur le corps, qu'elle était recouverte d'une épaisse fourrure de flocons immaculés avec de merveilleux yeux couleur aigue-marine, elle avait aussi une fabuleuse coquetterie brune dans l'œil gauche et son expression avait quelque chose de franc et en même temps d'intrigant. Difficile a dire si ce dernier point venait d'être imaginé par son esprit fatigué mais la petite créature leva les yeux vers l'homme qui détourna subitement le regard, à la manière d'un enfant pris en flagrant délit de vol de confiseries. Le félin de neige se mit enfin à sa toilette, tache qui sembla bien fastidieuse à Lewis, avec toutes ces contorsions abracadabrantesques. Le soleil était déjà couché depuis un bon petit bout de temps, laissant des filets de feu cotonneux sur cette toile sombre que l'on nomme ciel et qui est le centre des divagations de l'esprit humain. Lewis faisait les cents pas, désespérant de trouver un moyens de revenir chez lui, du moins à son époque pour espérer retrouver sa vie et sa fille. Qui sait où elle pouvait bien se trouver ce soir, elle serait sûrement affolée au vue de sa disparition..Que pouvait-il faire si ce n'est tomber dans une quelconque addiction..
Non ! Il ne pouvait décidément pas baisser les bras si facilement ! Demain serait un nouveau jour, et de ce nouveau jour il en profiterait pour errer dans les rues de Londres, avide de savoirs. Mais pour l'instant, à la lueur de la lune et des appareils électriques, une main pensive dans ses cheveux sombres, il fumait une cigarette, à défaut de la pipe, avec le chat, au nom similaire à celui de sa chère fille, dans ses bras qui somnolait paisiblement.
« Jour numéro 4. Je commence doucement à m'accoutumer à la nouvelle apparence de « mon » chez moi. C'est vrai que toutes mes petites affaires me manquent, mon matériel, le cliquetis incessant et pourtant rassurant de mes horloges, la vie tout simplement, mais en même temps je trouves rassurant le fait d'être entouré de toute cette technologie, cela en fait des choses à découvrir. En sortant, j'ai trouvé une carte de Londres dans un, semble-t-il, bureau de poste. Aussi j'ai pris certaines décisions que je compte suivre du mieux possible :
1-Nommer les objets m'étant inconnu. Ainsi je les conserverai dans ce manuscrit.
2-Alterner jours de recherches à l'extérieur et jours de repos/réflexions (Sauf exceptions)
3-Écrire dans le journal pendant les jours de repos.
4-Cartographier mes parcours pour éviter de les reproduire.
5-Rester curieux et attentif à toutes choses pour en apprendre le maximum... »
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