Un Noël ordinaire - Partie 3
❄️ Texte et moodboard réalisés par Proutissime ❄️
Une nouvelle sonnerie retentie, que j'éteignais à nouveau.
- Je n'ai nulle part où aller, vous comprenez. C'est bientôt Noël et...
- Je comprends madame, mais nous sommes complets... s'excusa la femme, l'air mal à l'aise.
- Est-ce que vous pourriez vérifier à nouveau ? S'il vous plait... Même dans les suites, tout ce que vous voulez...
Puis une troisième fois mon téléphone sonna. A la quatrième, en m'excusant auprès de la réceptionniste, je chuchotais des salutations quelque peu agacées dans un anglais bâclé.
- J'ai cru que vous n'alliez jamais décrocher très chère ! commença l'homme, visiblement amusé par son insistance.
- Excusez-moi, mais vous tombez assez mal là... dis-je en accompagnant ma remarque d'un rire gêné, autant par le regard de la réceptionniste, que par mon propre embarras face au désastre que ce nouveau départ semblait être.
- Oh... Vraiment ?
- Oui, insistais-je en priant pour qu'il raccroche rapidement.
- Je vois. Je suppose qu'il vaudrait mieux que je vous rappelle après ?
- Si c'est possible oui, ce serait vraiment...
- Mais, me coupa-t-il, avant, pourriez-vous demander à Beth d'apporter une tasse de thé, je vous prie ?
Je restais muette un instant, ne comprenant pas de quoi il parlait. A l'instant où j'allais lui demander plus d'explication, mes yeux dévièrent sur le badge doré de la réceptionniste où Beth était gravée en lettres capitales. Mon regard croisa celui de la brune, qui attendait vraisemblablement que je finisse mon appel.
- Votre robe est magnifique, si je puis me permettre, ajouta-t-il avec un grain de douceur dans la voix.
Lentement, je tournais la tête derrière moi, et le trouvais dans l'embrasure de la porte du salon d'accueil, le téléphone collé à l'oreille et un sourire qui étirait ses lèvres de part et d'autre de son visage.
- Hm... Le monsieur demande si... vous pourriez lui apporter une tasse de thé... s'il vous plait ? balbutiais-je, estomaquée par la coïncidence de cette affaire.
- Bien entendu Monsieur Hington, sourit-elle à l'homme.
Une fois nos tasses devant nous dans la salle à manger de l'hôtel, le silence se fit pesant. Je me sentais transpirante, fatiguée, débraillée, et par-dessus tout complètement désespérée. Le destin semblait s'amuser de moi pour me placer sur la route de celui à qui j'allais sans doute devoir des milliers pour une soirée un peu trop arrosée.
- Puis-je vous demander ce que vous faites ici très chère ?
- C'est une très longue histoire, abrégeais-je pour m'épargner une humiliation de plus.
- J'ai cru comprendre que vous cherchiez une chambre ?
Alors pourquoi me forcer à le dire s'il a entendu ? bougonais-je en mon for intérieur.
- Vous avez bien compris, dis-je simplement en buvant une gorgée d'un thé au citron. Je suis encore navrée pour votre chemise, l'autre soir.
- Oh, ne vous en faites pas, répondit-il en balayant ma remarque d'un revers de la main. Ce n'était même pas l'une de mes préférées !
Un rire m'échappa par mégarde, ce qui sembla entrainé le sien bien malgré lui aussi.
- Dites-moi...
- Mark.
- Mark, repris-je, par pur hasard vous nne connaitriez pasun hôtel avec une chambre libre à deux jours de Noël ?
Il réfléchit quelques secondes, repris du thé une fois sa tasse vide et ancra son regard dans le mien.
- Qu'est-ce que j'y gagne ? Pour l'instant, ma chère, vous semblez me devoir plus que je ne vous dois !
- Très juste, soufflais-je en m'enfonçant dans le dossier de ma chaise. Comme vous pouvez le voir, je n'ai pas vraiment grand-chose à offrir pour le moment, plaisantai-je en montrant du menton mes bagages éparpillé à nos pieds.
Soufflant précautionneusement sur son thé pour le refroidir, un rictus illumina son visage. Je remarquais aussi au passage qu'il n'avait pas d'alliance, pour ce que ça valait.
- Avez-vous diné, très chère ?
- Non, pourquoi ?
- Parfait. Vous joindriez-vous à moi ? Je meurs de faim ! s'exclama-t-il en se levant de son siège.
Impressionnée par sa prestance, j'acceptais timidement. Je n'étais pas le genre de personne à se laisser facilement troubler par les autres. Là, il ne cherchait même pas à avoir cet impact et pourtant, tout mon corps tremblait dès que mes yeux le parcouraient.
- Beth, veillez à ce que les affaires de madame soit gardé précieusement en notre absence s'il vous plait, hâla-t-il à l'attention de la jeune femme.
- Bien entendu Monsieur Hington !
C'est ainsi que j'ai découvert l'un des restaurants les plus délicieux – et coûteux – de Londres ce soir-là. Nous avions échangé sur les raisons de mon départ de France, évoquant mon envie de voir l'ailleurs, de connaitre une liberté autre que celle qu'on m'imposait. Mes rêves d'échapper à une vie monotone pour quelque chose de plus simple et plaisant. Et aussi mon adoration pour cette ville ! Il me raconta ses courts séjours à la capitale française, n'oubliant pas d'omettre à quel point les clichés que l'on raconte sur notre pays peuvent s'avérer vrais et amusants pour les touristes. C'est seulement à la fin du repas que j'appris qu'il était chanteur pour le cinéma, et pas n'importe lequel ! L'un des plus adulés du moment. Lorsqu'il comprit que je n'avais absolument aucune idée de qui il était, il ria à gorge déployée de la façon la plus innocente et touchante qui soit. « Vous ne loupez rien » avait-il argumenté une fois son calme un tant soit peu retrouvé.
Les portes semblaient toutes s'ouvrir pour cet homme qui, à mes yeux, n'avait rien de plus ordinaire que les autres. Quand les regards se troublaient dans l'assistance, chez les passants ou encore les employés de l'hôtel où nous rentrions après avoir bu un dernier verre au bar du restaurant.
- Bon, commençai-je, je te remercie pour cette soirée !
- Je t'en prie, tout le plaisir était pour moi, très chère.
En voyant qu'il attendait à mes côtés à la réception, je repris.
- Je... Je vais récupérer mes affaires.
- Oh ! Oui !
Quand Beth me les ramena avec un de ses collègues, Mark sembla soudainement mal à l'aise.
- Et si... Il y a un canapé, ma foi très confortable, n'est pas ? questionna-t-il Beth. Dans ma suite, je veux dire.
- Oui, monsieur, très confortable.
- Oui, voilà. Je pourrai, si tu es d'accord, te laisser mon lit ? Le canapé est dans le salon, tu aurais donc ton intimité, évidemment !
- Je...
Mon esprit s'affola. Bien au-delà d'être dans la suite de cet homme qui apparaissait aux autres comme étant un Dieu tombé du ciel, mais plutôt parce que son charme ne me laissait plus indifférente depuis le quatrième verre de la soirée. Ou peut-être était-ce depuis la tasse de thé ? Ou cet appel, la première fois ? Une chose était sûre, même si tous les hôtels m'offraient une chambre, j'aurais été bien idiote de refusé celle-ci.
Alors j'ai accepté. Et c'est ainsi que tout a commencé.
Cette nuit-là, il ne s'est rien passé. Sans doute par pudeur, par crainte que le rêve s'effrite ou par timidité de chacun de nous. Le vingt-quatre décembre, alors que la neige recouvrait les toitures et trottoirs, il me fit visiter tout un tas d'endroits. Big Ben, Tower Bridge, le Tate Modernle, et en finissant par une croisière sur la tamise de nuit pour voir les illuminations sur le London Eye et la ville.
Plus nous parlions, plus il se livrait sur cette vie « ordinaire » qu'il avait quittée il y a dix ans, plus cette image à travers tout le monde semblait le voir disparaissait. Nous n'étions que deux inconnus, partageant quelques moments ordinaires dans une ville ordinaire du monde. Malgré ses efforts pour faire marcher ses contacts, je n'ai jamais pu trouver d'autre endroit que sa suite pour vivre le réveillon de Noël. Etant donné que le lendemain il devait se rendre sans la soirée à un concert live du film de Noël qui sortait et pour lequel il avait prêté sa voix, il me rassura sur le fait que je ne le dérangerais pas en occupant sa suite vide. Pour l'heure, il n'était que dix-neuf heures et je le voyais repousser tant bien que mal ses obligations depuis la matinée.
- Tu sais, tu peux y aller. Ne te sens pas obligé d'essayer de m'en mettre plein la vue, plaisantai-je à son attention lorsqu'un taxi noir, comme on en voit dans les films, se gara habilement devant nous.
- Si j'avais voulu t'impressionner, ma chère, je t'aurais probablement fait goûter les gâteaux de Noël traditionnel de ma famille !
- Voyez-vous donc ! C'est donc ça ton arme secrète ultime ?
Tout en rangeant son téléphone sans la poche intérieur de son costume, il ria et posa délicatement sa main dans mon dos pour me laisser entrer en première dans le taxi.
- Mais j'ai bien peur de devoir te prendre aux mots, dit-il d'un air déçu. Je peux encore négocier une heure.
- Une heure ? Et comment comptes-tu l'utiliser ? demandais-je, taquine.
- Hyde Park Wonderland Ice Rink, informa-t-il le chauffeur.
- Tu es patineur en plus d'être pâtissier ?
- Mais je suis meilleur pâtissier, ça c'est certain ! plaisanta-t-il.
La patinoire était bondée, principalement de couples et de tout âge. Il ne fallut pas très longtemps avant que plusieurs personnes ne commencent à douter de l'anonymat de Mark, qui ne semblait pas le moins du monde remarquer l'effet qu'il faisait à tous ces gens. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander quand j'allais me réveiller. Tout ça me paraissait irréel, tiré d'un rêve ou d'une de ses sitcoms de Noël. Pourtant, même en me mordant la langue en tombant pitoyablement sur les fesses sur la glace, je ne me suis pas réveillée. Ce qui s'éveilla, en revanche, c'était cette envie de garder la main qu'il me tendait dans la mienne pour un long moment. Il avait retiré ses gants en cuir pour éviter que mes doigts ne glissent des siens, inondant mon avant-bras de toute sa chaleur.
Nous faisions le tour de la patinoire depuis plusieurs dizaines de minutes quand la première personne osa enfin briser la glace entre l'homme du restaurant avec qui je faisais du patin et le chanteur national.
- Bonjour... Excusez-moi mais, est-ce que vous êtes Mark Hington ? se hasarda une femme d'une cinquantaine d'années.
- Non, ria-t-il naturellement, on me confond souvent avec lui, mais non, désolé !
N'osant visiblement pas insister, elle s'excusa à nouveau et repartit. Il pouffa en me regardant, l'air sans doute hébété.
- Je suis un monstre, c'est ça ? demanda-t-il amusé.
- Oh là, oui ! Le pire de tous sans doute ! affirmais-je d'un ton faussement accusateur.
- Bien, ça fait donc de moi un homme des plus ordinaires alors.
A ses mots, il me sourit. Mon cœur palpita un peu plus rapidement avant d'être interrompu par la sonnerie de son téléphone.
- Je suis désolé, je vais devoir te laisser... souffla-t-il en serrant un peu plus ma main toujours dans la sienne. Puis-je te raccompagné ou t'offrir au moins un couvert dans un restaurant pour m'excuser de te laisser seule pour le réveillon ?
- Oh non, non, tu ne me dois rien ne t'en fait pas ! riais-je, à la fois gênée et déçue. Tu en as déjà fait bien plus que tu n'aurais dû !
- Écoute, Rachel, je...
Son portable gazouilla encore et il lâcha ma main défensivement.
- Je t'offre le restaurant, j'insiste ! Passe leur cette carte à la fin de ton repas, se pressa-t-il d'ajouter en me confiant une carte noire avec son simple nom inscrit dessus.
Evidemment, je n'avais pas osé abuser de ce privilège et étais simplement retournée à l'hôtel. La soirée touchait à sa fin pour laisser place aux heures les plus tortionnaires de la nuit. La fête semblait battre son plein dans la ville, et la porte de la chambre claqua.
Cette nuit du vingt-quatre au vingt-cinq décembre de cette année-là, le père Noël portait un costume noir et une cravate débraillée.
- Rachel ? commença Mark à bout de souffle.
- Oui ? sursautais-je en le voyant à l'entrée.
- J'ai conscience que nous ne nous connaissons que depuis peu mais... est-ce que tu veux bien partager ce Noël avec moi ?
- Mais... et tes obligations ?
- Elles peuvent bien attendre ! J'ai toute l'année pour ça. Ce moment, en revanche, ne se représentera pas si je le rate ! Alors, je te le demande, veux-tu passer un Noël ordinaire avec moi ?
Il semblait si affolé, animé d'un je-ne-sais-quoi qui me vola un sourire. Je posais le verre de champagne que je venais de me servir et m'avançais doucement jusqu'à lui. Sans un mot, nos lèvres se rencontrèrent pour la première fois ce jour-là. Je le sentis sourire sous notre baiser et dans un murmure je lui adressais ma réponse.
- Avec plaisir !
***
- Je sais que ce récit n'est pas celui que vous attendiez, Mr Fritsh, conclu-je un sourire nostalgique aux lèvres, tout en éteignant ma cigarette sans quitter le toit recouvert de neige que j'apercevais de la fenêtre du café.
L'homme, enfoncé dans sa chaise, l'air agar et hébété, gardait le silence en me fixant de ces yeux globuleux.
- Demain c'est Noël, voyez-vous, et je n'ai aucune envie de me souvenir d'autre chose que de ce Noël, ma foi, somme toute ordinaire lorsqu'on a eu la chance d'être aux côtés de Mark Hington. Si je puis me permettre, l'intimais-je tout en me levant et enfilant mon manteau, les gens préfèrent les histoires d'amour aux tragédies. Cette année, offrez donc leurs cette facette de Mark, plutôt que celle qu'il aurait détesté et que vous relatez depuis qu'il n'est plus.
Je repoussais ma chaise bruyamment et ajustais mon écharpe tout en observant le journaliste, toujours ébranlé à la petite table.
- Sur ce, je vous quitte, ma fille m'attend. Passez d'agréables fêtes, Mr Fritsh.
FIN.
☃ ☃ ☃ ☃
Hello! La vingtième case est là, avec la dernière partie de « Un Noël ordinaire » de Proutissime !
NDA: Voilà, le dernier mot est lu et j'espère que vous avez passé un bon moment aux côtés de ces personnages! Je vous remercie de m'avoir lu et je vous souhaite de très belles fêtes à tous! :D
Vous pouvez me retrouver aussi sur instagram: proutissime_wpd
❄ A demain pour découvrir la prochaine case du calendrier ❄
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