Le ticket de tombola gagnant - partie 2.


Texte et moodboard réalisés par -Pluiedebaleines-

Céleste lissa nerveusement les pans de son costume et se prit le visage entre ses mains. Il se composait de flammes grossièrement cousues, par une couturière qui créait ordinairement ses tenues de compétition internationales, sur le haut de son buste et d'un dégradé de rouges sur l'entièreté de son accoutrement embarrassant. Elle était censée représenter la chaleur omniprésente d'un foyer en période de Noël. Elle haïssait le programme spécialement élaboré pour l'occasion et la sensation de gêne qui s'emparait actuellement d'elle. La chorégraphie était pourtant une idée de Solveig Søndergaard, l'ancienne championne olympique, mais le résultat final n'était pas à la hauteur de ses attentes. Cependant, il avait été construit en l'espace de quelques jours. Elle maudissait intérieurement sa participation à cet évènement ultra-médiatisé qui ne lui provoquait que de la tension supplémentaire entre deux compétitions. Conrad lui mit une main réconfortante sur ses épaules nues et elle sursauta, une main sur son coeur.

– Imbécile, je suis pas d'humeur, lui reprocha-t-elle, le regard accroché sur une horloge.
– Premièrement, je suis pas un imbécile. Deuxièmement, tu es toujours de mauvaise humeur. Sauf qu'aujourd'hui, on patine sur le thème de Noël, alors tu ne peux pas être de mauvaise humeur, c'est proscrit dans le règlement.

Noël ne lui inspirait aucun sentiment positif comme la majorité de ses camarades, il n'était synonyme que de repas long et ennuyeux. Certes, elle recevait généralement de nouveaux patins dans la gamme supérieure, mais elle ne connaissait pas l'esprit de fête que lui rabâchait systématiquement son partenaire. Il la força à esquisser un sourire en étirant ses deux zygomatiques avec ses pouces et lui ébouriffa ses cheveux blonds impeccablement tressés en deux nattes égales.

– Juste le temps du spectacle, après, tu pourras redevenir la peste que tu es, ça ne me posera pas de souci, quémanda le brun, avec une tête risible. Mais pense aux enfants.

Faussement offusquée par cette désignation, elle mit volontairement ses mains sur ses hanches, pour rendre son personnage plus crédible. Céleste leva les yeux au ciel et lui concéda du bout des lèvres une promesse de sourire durant leur performance. Enthousiaste, son ami se précipita vers elle pour la faire tournoyer dans le vide, comme la joie d'un enfant face à ses cadeaux de Noël au pied du sapin. Néanmoins, devant le regard noir qu'elle lui servit, dépourvu de pitié, il la reposa prudemment et elle éclata franchement de rire.

– Les journalistes seront ravis de savoir que tu es pire que Leni, s'amusa-t-elle, toujours hilare.
– Et que tu es hermétique à toutes sortes de fêtes, même ton anniversaire ne te satisfait pas, dénonça le garçon en échange, le regard pétillant.

A cette cruelle vérité, la jeune fille se calma aussitôt et se referma sur elle-même. La plaisanterie avait atteint ses oreilles mais avait été déformée par cette énième différence avec les autres adolescents de son âge. L'émerveillement éprouvé par son partenaire lui était inconnu, les fêtes de fin d'année ne l'avaient jamais enchanté. Ses parents n'avaient jamais conçu ses fêtes comme festives et le lendemain du réveillon de Noël n'avait jamais été férié pour elle. La patinoire l'attendait sagement dès sept heures du matin. Elle aurait sincèrement aimé connaître l'engouement que tout le monde ressentait à l'approche de Noël, savouré un réveillon et partagé des souvenirs avec sa famille, mais tout était toujours différent. Un membre de l'équipe audiovisuelle les prévint qu'ils entraient sur la glace dans moins de dix minutes et elle jeta un regard discret à Conrad. Ce dernier, malgré le précédent avertissement, s'était à nouveau approché d'elle et la serrait timidement dans ses bras. Elle ne broncha pas et accepta l'étreinte : après tout, les festivités différaient selon chaque famille. Et elle avait trouvé la sienne à la patinoire.

– Maintenant, tu me mets au placard tout ce qui est mauvais pour toi, et tu ne penses qu'à notre prestation. Celle où tous les gens se lèveront pour nous acclamer.

Cet élan de confiance ne lui ressemblait pas et elle tourna subitement la tête pour comprendre. Il avait simplement écouté ses propres conseils et effacé toute trace d'angoisse et de peur extérieure. Il se focalisait sur lui-même.

– Et puis, qui ne craquerait pour ton sublime costume feu de camp ?
– Eh ! Je suis un foyer qui réchauffe les cœurs pour Noël.
– Baratin, c'est pas toi ça. Bon, je crois qu'Aubray va nous faire une syncope si on se dépêche pas. Et entre-nous, il est parfois inefficace, mais j'aimerai mieux que tout le monde soit de bonne humeur pour la représentation de Noël, lui confia Conrad, en gloussant.

Elle acquiesça, avec un petit sourire, et le suivit dans le dédale de couloirs qui n'en finissait plus. Les licenciés croisés lui offrirent des regards étonnés, et d'autres plus moqueurs, leurs costumes avaient été expressément choisis comme minimalistes et enfantins. La magie de Noël passait plutôt par un chant typique et leur chorégraphie que par la tenue volontairement simple. Le directeur les informa des derniers changements – une tribune entière avait été réservée pour les journalistes – et leur conseilla de prendre du plaisir, ces shows de Noël étaient certes l'occasion de démontrer leur aisance artistique mais n'étaient pas le but premier : ils rassemblaient toutes les générations et toutes les disciplines étaient représentées au travers de ce gala.

Ses pieds se laissèrent glisser naturellement sur la glace et elle ne réprima pas son sourire : l'ambiance de Noël l'avait contaminé, elle n'avait pas besoin de se forcer.

Céleste jeta un dernier regard sur ses doigts entrelacés avec ceux de son partenaire et s'agenouilla contre la glace brûlante. Les yeux fermement ancrés sur la famille de Conrad, installée au premier rang, elle fit le vide dans son cerveau empli et inspira. Puis les premières notes de All I want for Christmas is you, véritable hymne de Noël, s'imposèrent dans le brouhaha ambiant. Ce dernier s'était généré suite à l'attente entre le précédent couple et le sien, mais la reconnaissance de la mélodie planétaire avait atténué le bruit. Ses mains tremblaient et sa respiration était entrecoupée de montées de crise d'angoisse, mais elle se sentait parfaitement à sa place. Le sujet lui convenait, à défaut d'être son programme favori. Elle interprétait le rôle d'une jeune femme complètement dévouée à son mari, alors engagé dans l'armée, qui avait obtenu une permission pour célébrer Noël avec elle. Le couple battait de l'aile, mais la fin était synonyme d'espoir dans cette période festive.

Le show pouvait enfin commencer. Conrad posa délicatement sa main sur son épaule droite, un geste orchestré à la milliseconde par Solveig, et surprise, elle se leva soudainement, manquant de s'effondrer dans les bras de son mari – pour le rôle – en remarquant sa présence. Il tint amoureusement ses mains, et l'encercla, tournoyant autour de sa femme, puis la porta à bout de bras au-dessus de sa tête, tandis qu'elle tenait fermement son patin dans sa main gauche. Il la lâcha subitement et s'éloigna d'elle, le visage fermé et recouvert par ses mains. Elle le suivit obstinément, et tourna à son tour autour de lui, dégageant progressivement ses mains de son visage. Il semblait en proie à une rage ensommeillée, mais la jeune femme était prête à tout pour comprendre cet excès de colère, alors il la propulsa dans les airs et elle effectua un triple axel lancé. Mais cela ne la convainc pas d'abandonner ses recherches pourtant infructueuses et son mari lui insuffla la force d'exécuter un triple twist, avant de la ramener furieusement sur la glace. La séquence de pas chorégraphique était symétrique, il fuyait et elle le rattrapait, puis las de ses malheurs, elle partait dans une autre direction et il la retenait par son poignet. Les sauts séparés et les pirouettes leur donnaient une force nouvelle et le programme se finit par une étreinte larmoyante au centre de la piste.

Pour remplacer les éternels oursons et fleurs jetés aux patineurs, le public leur lança des cadeaux confectionnés en carton.

Et même sans avoir vécu ces moments auprès de ses proches, ceux qu'elle affectionnait malgré la sévérité, elle se sentait pleinement capable de les comprendre et de les ressentir. Les applaudissements réguliers du public amplifièrent la sensation de fierté qui s'emparait désormais de son coeur : elle avait été choisie pour représenter cet évènement festif. La magie relatée par son partenaire prenait enfin vie dans son corps et elle était honorée que les directeurs leur aient accordé leur confiance pour tenter de retranscrire l'esprit de Noël. Celui qu'elle saisissait tout juste.

FIN.

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Salut! Nous y voilà, la douzième case du calendrier de l'avent avec la fin de la nouvelle « Le ticket de tombola gagnant » de -Pluiedebaleines-  ! N'hésitez pas à dire en commentaire ce que vous en avez pensé, et je vous laisse avec la note de l'autrice ✨

NDA -Pluiedebaleines- : Encore merci d'avoir pris le temps de lire cette petite nouvelle qui m'a permis de sortir d'une page blanche. J'espère que je vous ai pas embrouillé avec le vocabulaire spécifique ahah et que vous avez apprécié ces moments de vie 😊 ! (Ces personnages sont retrouvables dans mon histoire "Le revers de la Médaille" :) )

Vous pouvez aussi la retrouver sur instagram: _pluiedebaleines_

A demain pour découvrir la prochaine case du calendrier

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