Le ticket de tombola gagnant - partie 1.
✰ Texte et moodboard réalisés par -Pluiedebaleines- ✰
Céleste ôta soigneusement son écharpe au motif écossais, qu'elle délaissa sur une chaise en plastique, et essuya ses chaussures recouvertes de neige sur le tapis de l'entrée. L'hiver s'installait progressivement dans la région montagneuse et bien qu'emmitouflée sous un pull, un gilet et un manteau, la patineuse grelottait de froid. Elle se précipita aux côtés de son partenaire et meilleur ami, Conrad. C'était plutôt pour des raisons pratiques que sentimentales, il s'était accaparé du chauffage d'appoint. Elle glissa ses mains dans le cou de Conrad et ce dernier fit un véritable bond en arrière, laissant échapper un hoquet de surprise.
– Mais t'es malade, il fait zéro dehors ! s'insurgea son partenaire, qui tentait désormais de réchauffer son cou refroidi.
– Raté, c'est moins cinq, ricana-t-elle, en soufflant dans ses mains jointes.
Depuis vingt ans, sa patinoire organisait une grande kermesse en l'honneur des enfants espoirs du club. Beaucoup d'entre eux n'avaient pas les moyens financiers de voyager à l'échelle nationale pour assister aux compétitions et rataient la chance de se faire un nom dans leur discipline. Alors les licenciés animaient avec plaisir cet évènement local. Céleste fouilla dans le carton à ses pieds, alternant entre protestations sur l'ancienneté de la décoration et cri de surprise en découvrant la poussière nichée dessus. Même si la kermesse était uniquement à but caritatif, les adolescents se lançaient toujours le défi d'attirer plus de monde que les autres. Elle était en charge de la décoration de la table puisque Conrad s'était révélé incapable de savoir quelles étaient les couleurs qui s'accordaient ensemble. Néanmoins, elle demanda prudemment son avis, pour ne pas se retrouver avec une scène de ménage :
- Si je mets du rouge et du vert, tu penses que ça ira ?
- Je te rappelle que j'ai porté un costume bleu, jaune et vert, alors demande plutôt à Olivia ou Esther.
Elle gloussa à ce souvenir et s'occupa donc seule d'accrocher des guirlandes lumineuses pendantes sur le devant de leur table pliante grise. Elle rajouta des cadeaux factices sur cette dernière et s'assit sur une chaise de camping pour contempler la décoration plus où moins réussie de leur stand. Elle était plutôt fière d'elle : la créativité n'était son fort que dans ses programmes. Le raz-de-marée humain était attendu pour l'heure suivante, mais des curieux s'aventuraient déjà dans le hall de la patinoire et achetaient des tickets de tombola pour la grande loterie de dix-sept heures.
- Deux euros le ticket, trois pour cinq euros, récita-t-elle à une grand-mère, armée d'un panier en osier. Le stand juste à côté de nous vend des colliers en forme de flocons faits par les enfants.
Les yeux de la grand-mère ne lui étaient pas étrangers, mais elle ne parvenait pas à se souvenir de leur origine. Devant le cliché que colportait cette dame âgée, elle eut un grand sourire. Ses cheveux étaient courts et gris, sa peau parsemée de rides et ses lèvres fines et pincées. Néanmoins, il y avait une petite lueur qui brillait dans ses yeux, ce qui la différenciait des autres femmes de son âge. Elle refusa poliment d'un signe de tête, mais Céleste constata qu'elle partit tout de même en acheter un et glissa même un billet de cinq à Olivia, qui tenait alors le stand. Cette dernière lui renvoya deux pouces en l'air et un sourire timide. Elle rapporta l'évènement à Conrad, qui se contenta de hausser les sourcils, intrigué.
- Deviendrais-tu sentimentale ma chère Céleste ?
Pour unique réponse, elle lui tira la langue, faussement vexée.
***
Une quadragénaire aux longs cheveux bruns tressés s'approcha d'eux et examina la décoration sommaire de la table, avec un sourire amusé. Même si l'attente devant son stand était proche de la saturation, elle prit le temps de la saluer, comme lui avait patiemment enseigné Félix, son coach référent. Puis elle se concentra à nouveau sur ses potentiels futurs clients, qui braillaient sur l'inefficacité du personnel amateur. Elle peinait à apercevoir l'extérieur tant les personnes étaient toutes agglutinées les unes aux autres, à la recherche de chaleur humaine ou d'oxygène selon l'espace disponible. L'affluence avait nettement augmenté dès que la petite aiguille avait atteint le maudit chiffre dix.
– Conrad, cette dame attend depuis cinq minutes ! lui cria-t-elle, en montrant vulgairement du doigt la femme. Occupe-toi d'elle en priorité !
– Qu'elle attende ! J'ai une horde d'enfants surexcités à gérer. Pourquoi a-t-il fallu que Félix tombe malade pile quand on a besoin de lui ? Non mais sérieux, il aaaa jamais été malade en neuf ans, tempêta Conrad, avec un soupir exagéré.
Leur entraîneur les avait lâchement abandonnés, prétextant une violente quinte de toux qui le clouait au lit. Malheureusement pour lui, Céleste avait été perspicace et avait réussi à lui soutirer quelques informations : il rendait visite à sa sœur à Paris, une première depuis vingt ans. Mais il avait tenu à ce qu'elle le garde pour elle – en utilisant des menaces –, il en informerait Conrad le moment venu. Elle avait acquiescé et ne pouvait s'empêcher de se mordre la joue devant les plaintes de son partenaire.
– Ce n'est pas en râlant qu'il va guérir, alors tais-toi. Et moi j'ai une file de petits vieux qui viennent supporter leurs petits-enfants, alors occupe toi d'elle !
A quatorze heures, la vente de tickets de tombola fermait provisoirement, afin de laisser le temps aux bénévoles de se changer pour animer le gala de patinage de fin d'année. Le thème de cette année était l'ambiance réconfortante de Noël et avait nécessité d'intenses séances de réflexion pour trouver des séquences de pas qui collaient avec le sujet exigé par le directeur Aubray. Beaucoup des clients de cette tombola étaient donc, par conséquent, des grands-parents extrêmement fiers de la participation de leur progéniture à un évènement médiatisé.
– Excusez-moi de vous déranger dans votre querelle enfantine, mais je suis la cheffe de réalisation pour le clip de Noël. L'accueil m'a dirigé vers votre directeur et celui-ci vers vous, Céleste, car vous sauriez, selon ses mots, "où me mettre".
Elle écarquilla les yeux devant la révélation et s'excusa de ses manières impolies.
– A part faire office de garderie ou d'Epadh, je ne vois pas en quoi je pourrais mieux savoir qu'Aubray. Je suis sincèrement désolée, mais je crains que vous ne deviez retourner là-bas pour avoir plus d'amples informations.
– Il m'a dit que vous aviez déniché le spot parfait pour installer les caméras et la lumière.
Céleste soupira lourdement en avisant la file d'attente qui ne connaissait que l'accroissement. En effet, après une longue discussion avec le directeur, elle avait convenu d'un endroit où installer le matériel audiovisuel pour créer la publicité du club, mais elle ne pouvait s'y rendre et laisser Conrad seule. C'est à ce moment qu'elle aperçut la même grand-mère, avec son air espiègle, se faufiler au travers des cartons disposés de manière grotesque, et forcer son meilleur ami à porter un collier flocon. Elle éclata de rire devant le ridicule de la scène et dut se tenir à la table pour ne pas flancher sous le fou rire qui l'animait. Pliée en deux, elle ne remarqua pas le regard assassin que lui livra Conrad, mais l'imagina parfaitement dans son esprit. Il pouvait se montrer menaçant parfois. Elle l'entendit tenter de négocier le bijou :
– Non mais mamy, c'est trop la honte-là... Garde-le pour Leni, mais pas pour moi.
– Moi je suis d'accord avec elle, il est parfait ce collier, ajouta Céleste, avec un grand sourire, avant de se tourner franchement vers sa grand-mère. Excusez-moi de vous importuner un dimanche, mais pensez-vous pouvoir servir les clients le temps que je montre à cette dame où s'installer ?
Conrad grommela dans ses moustaches mais elle distingua néanmoins un vague « t'es toujours d'accord pour me foutre la honte », ce à quoi elle hocha positivement la tête. Sa grand-mère avait déjà retroussé ses manches et s'attelait à écouter les demandes des clients.
– Dans ma jeunesse, j'étais professionnelle pour vendre des tickets de tombola, compte sur moi ! Et je n'ai que soixante-quatorze ans jeune fille, un peu de respect, tutoie-moi, lui lança-t-elle, dans un éclat de rire.
Ladite jeune fille lui accorda une œillade amusée avant de s'éclipser avec la cheffe de projet, qui la talonnait en lui posant des questions sur son partenariat avec Conrad.
– Comment le décrirez-vous ?
– Vous êtes journalistes ou réalisatrice ? On vous paie pour monter la publicité et renflouer les caisses de la patinoire, alors faites-le.
A suivre...
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Hey! Voilà la onzième case du calendrier de l'avent avec le début de cette très chouette nouvelle « Le ticket de tombola gagnant » de -Pluiedebaleines- ! N'hésitez pas à dire en commentaire ce que vous en avez pensé, et je vous laisse avec un mot de l'autrice ✨
NDA -Pluiedebaleines- : merci beaucoup d'avoir lu cette première partie, et j'espère qu'elle vous a plu ! A demain pour la suite de l'histoire :)
Vous pouvez aussi la retrouver sur instagram: _pluiedebaleines_
❄ A demain pour découvrir la prochaine case du calendrier ❄
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