L'odeur du pain d'épices - partie 1.
✩ Texte et moodboard réalisés par Chelinka-Chan ✩
[TW : deuil parental]
Cassiopée avait toujours aimé Noël. Elle le passait chaque année avec sa mère. Elle était sa seule famille, mais elle dégageait autant de chaleur que le bois qui brûlait dans la cheminée.
Bien qu'elles ne soient que deux lors de ce moment si spécial de l'année, sa mère tenait à mettre les petits plats dans les grands. Cassiopée se souvenait parfaitement du sapin qui lui semblait immense, vu de ses yeux d'enfant, de la brillance des décorations qui en paraient les branches et des guirlandes lumineuses.
Sa mère tenait toujours à cuisiner le repas maison, de l'entrée au dessert. Elle passait des heures en cuisine, avec ses cheveux roux imbibés de farine et son tablier parsemé de tâches de chocolat qu'elle n'avait pas le temps de nettoyer. Plus les années passaient, et plus le tablier autrefois blanc se retrouvait affublé de nuages marron, jaunes, ou roses, quand des envies fruitées s'invitaient dans les plats.
Ce que Cassiopée préférait, c'était mettre la table le jour venu. Déployer la grande nappe verte, disposer la vaisselle argentée au millimètre près et agrémenter le tout de pommes de pin et de bougies. Des manières de grandes dames en somme.
Pourtant, elles n'étaient pas riches. Elles vivaient dans une petite maison isolée, dans une région pauvre et reculée. Quand elle était toute petite, Cassiopée partageait le même lit que sa mère. Quelques années plus tard, elles avaient déménagé pour une maison à peine plus grande, mais où elle pouvait avoir sa chambre à elle toute seule. Maman dormait sur le canapé lit, dans le salon.
Malgré ces conditions de vie modestes, Cassiopée recevait chaque année un beau cadeau. L'année de ses douze ans, elle eut un skateboard, qu'elle avait toujours rêvé d'avoir. Il fallait voir sa tête quand elle a déchiré le papier cadeau, et ses yeux de plus en plus écarquillés. S'il ne neigeait pas dehors, elle se serait précipitée pour l'essayer.
Noël était vraiment son moment préféré de l'année.
Jusqu'au jour où la vie lui a pris maman.
Une maladie brutale. Fulgurante. Elles avaient à peine eu le temps d'accuser le coup, de prendre conscience de la réalité, de préparer l'après. Car la mère de Cassiopée le savait, elle n'y survivrait pas.
Elle s'en est allée le matin du 25 décembre.
Après, tout est allé très vite. Cassiopée ne se souvenait pas vraiment des événements qui ont suivi. Un brouillard épais enveloppait constamment ses pensées, avec au milieu de sa tête, un énorme trou noir. Un trou béant qu'elle n'arrivait désormais plus à combler.
En un claquement de doigts, Cassiopée s'était retrouvée avec ses deux pauvres valises dans la grande ville, dont le bruit et les lumières l'agressent sans répit. Avant son départ, maman avait tout prévu. Cassiopée irait vivre chez son père.
Un père qu'elle avait très peu côtoyé durant les premières années de sa vie. Il lui envoyait une carte postale pour son anniversaire, très enjouée mais extrêmement impersonnelle. Quand elle était enfant, Cassiopée ne comprenait pas pourquoi un homme qu'elle ne connaissait pas lui envoyait des lettres, mais elle prenait plaisir à lui répondre. Comme à un ami de colonie de vacances que l'on aurait peu à peu oublié.
Puis en grandissant, l'enthousiasme naïf s'était transformé en malaise. Elle avait arrêté de lui répondre, mais il continuait de lui envoyer les mêmes cartes, feignant de ne pas remarquer son silence. Au bout de quelque temps, sa mère et lui avaient convenu qu'elle passerait quelques jours pendant l'été chez lui.
- C'est important que tu connaisses ton père Cassy, tu comprends ? Avant, il ne pouvait pas te recevoir chez lui, c'est compliqué avec son métier. Je trouve ça bien qu'il veuille apprendre à te connaître.
Bon gré mal gré, Cassiopée avait accepté la proposition. Avant le drame, elle avait passé en tout et pour tout un mois au côté de son père dans sa vie. Alors quand elle avait déposé ses valises dans son petit appartement en ville, l'ambiance s'est avérée plus que glaciale.
Cassiopée n'avait émis aucune plainte. Elle ne s'était pas montrée désagréable. Elle participait à la vie de la maison. Elle allait au lycée, avait de bonnes notes. Tout ce qu'elle faisait, c'était en mémoire de sa mère. Pour que là d'où elle était, elle puisse être fière d'elle.
Mais au fond de son ventre, le trou béant ne cessait de grandir.
Son père, Ran, était un homme pourtant gentil. Ses cheveux blonds comme les blés et sa barbe de trois jours faussement négligée lui donnaient l'air sympathique. Son sourire était doux et rassurant. Était-ce là sa véritable personnalité, ou bien un masque d'hypocrisie bien dissimulé ?
S'il semblait si bienveillant avec elle, plein d'attention, pourquoi était-il parti ? Pourquoi n'avaient-ils pas formé une famille tous les trois ? La chute aurait été moins brutale. Cassiopée n'avait jamais posé la question. Ni à sa mère, ni à son père. C'était des histoires d'adultes. L'enfant qu'elle était ne pouvait pas comprendre. Chacun son rôle et chacun sa place.
- Tu sais Cassy, parfois les gens ne sont pas faits pour être ensemble, disait maman. Cela ne les empêche pas d'être des personnes formidables. Il ne faut pas juger les gens par ce qu'ils ont fait par le passé, mais reconnaître la personne qu'ils sont aujourd'hui. Un être humain qui fait ce qu'il peut.
Les années passèrent. Un an, puis deux, puis trois. Cassiopée était toujours une adolescente, un peu plus mûre certes, mais toujours à fleur de peau. La cohabitation avec son père se passait bien. On ne pouvait cependant pas dire qu'ils formaient une famille aimante et soudée, loin de là. Il valait mieux parler d'une collocation, à ce stade. Ils avançaient pas après pas, à tâtons. Il était gentil, attentionné. Mais le trou dans son cœur ne cicatrisait pas.
Elle parvenait à le cacher assez facilement. En présence de ses nouveaux amis du lycée, et même de son petit copain. À son père aussi. Personne ne la connaissait assez dans sa nouvelle vie pour voir le masque qu'elle portait en permanence.
Personne, sauf une.
Au début, elles étaient deux : Cassiopée et sa mère. Puis, Cassiopée et Ran. Maintenant, ils étaient trois : le père, la fille et Yoni.
Yoni était un collègue de travail de Ran, légèrement plus jeune. Il s'était invité doucement dans leur vie. Vicieusement, petit à petit. La première fois pour un café. La seconde pour un apéro. Puis un dîner. Une soirée. Une après-midi, un week-end de vacances scolaires.
Cassiopée se disait au début qu'il devait être normal de passer des moments ensemble hors du travail, quand on était proche de son collègue. Mais plus le temps passait, plus elle se posait des questions.
- Je ne comprends pas, avait-elle dit un jour à Ran. Qu'est-ce qu'il fait toujours avec nous ? Il ne te voit pas assez au bureau ?
Il fumait à la fenêtre. Il s'était retourné, sa cigarette entre les doigts et avait souri, avant de lancer une explication bancale. Mais la vérité résidait là, dans ce petit sourire timide et doux. Elle avait fait semblant de ne pas comprendre.
La vérité, c'est qu'elle détestait Yoni.
C'était un géant aux épaules développées, tatoué sur les deux bras, les cheveux aussi noirs que les plumes d'un corbeau et les yeux de glace. Il ne souriait jamais. Il était impertinent, cynique, imbu de sa personne. Alors que Ran était aussi chaud qu'un rayon de soleil. Qu'est-ce qu'il pouvait trouver à ce type ?
A suivre...
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Hello! Voilà la cinquième case du calendrier de l'avent, qui renfermait la première partie de cette super nouvelle « L'odeur du pain d'épices » de Chelinka-Chan ! Encore une fois, n'hésitez pas à dire ce que vous avez pensé de ce début d'histoire et partager vos ressentis avec l'autrice! ✨
Vous pouvez également retrouver Chelinka-Chan sur instagram: la.bibli.de.chelinka
❄ A demain pour découvrir la prochaine case du calendrier ❄
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