2.

Je me réveille en pleine nuit après avoir entendu un bruit sourd et répétitif : quelqu'un frappe à la porte. Je me redresse péniblement et regarde mon vieux réveil : trois heures trente du matin. C'est une blague ? Les coups continuent de raisonner dans la petite maisonnée. Je me dirige vers les escaliers pour voir qui est le crétin qui ose nous réveiller à une heure pareille.

Mon oncle et ma tante sont eux aussi réveillés mais en pyjamas contrairement à moi qui me suis couchée toute habillée. Mon oncle nous fait signe de rester là pendant qu'il va voir ce qu'il se passe en boitillant jusqu'en bas des escaliers puis il allume une petite lampe qui se trouve sur une commode en vieux chêne. De là où nous sommes, ma tante et moi, nous pouvons voir tout ce qu'il se passe. Dès que la porte s'ouvre, deux individus font intrusion dans le hall, sans attendre la permission d'entrer. Derechef ma tante me dit de rester en haut et descend au plus vite rejoindre mon oncle. Je ne comprends rien à ce qu'il se passe.

- Vous vous croyez où pour rentrer chez les gens comme ça ? et pour venir à une heure si tardive ?

Elle est énervée, les mains sur les hanches et fusille du regard les deux arrivants mais ne remarque pas le visage blafard de son mari.

- Eh bien ma p'tite dame, c'est comme ça qu'on accueille un vieil ami ? dit une voix rocailleuse derrière les deux gorilles habillés en noir.

Je ne peux pas le voir mais vu la tête que fait mon oncle, il le reconnait. Il passe son bras devant ma tante pour la faire reculer et aussi la protéger des étrangers. Puis il retrouve enfin ses esprits.

- Qu'est-ce que vous faites ici Richard ?

Il ne semble pas à l'aise et sa voix tremble même si son regard est dur. Ma tante les regarde l'un après l'autre sans comprendre ce qu'il se passe. Elle est tout aussi perdue que moi.

- Tu les connais ?

- Nous sommes de vieux amis en effet, répond l'homme à la place de mon oncle.

Il s'avance dans la lumière et je peux enfin le voir. Il arbore un sourire carnassier, entouré des deux géants aux visages balafrés. Son costume trois pièces sur mesure ne berne personne, il est dangereux et semble avoir de mauvaises intentions.

- Je vous le redemande, renchérie mon oncle, que faites-vous chez moi ?

- Tu ne réponds pas à mes appels très cher, et tu sais que j'ai horreur que l'on m'ignore.

- Je ne souhaite pas parler de cela devant ma femme, allez-vous-en je vous contacterai demain à la première heure.

- Tu me donnes des ordres maintenant ?

Son sourire creuse ses rides au coin des lèvres et cela me donne des frissons dans le dos. Je ne sais pas ce qu'il veut de mon oncle mais il ne semble pas vouloir partir.

Je m'avance prudemment dans les escaliers pour mieux entendre leur conversation. Ledit Richard s'approche de mon oncle et ma tante tel un prédateur, d'une démarche fluide et gracieuse. Tout en lui m'inspire la crainte. Il ne sourit plus et devient de plus en plus menaçant.

- Ecoute moi bien. Je ne te le dirai qu'une fois et il n'y a pas à négocier. J'ai perdu assez de temps avec toi, je te donne trois jours pour me rembourser tout ce que tu me dois. Autrement j'aurai un petit travail pour toi.

- Vous savez très bien que c'est impossible !

- Je m'en moque. Tu connais le deal, des amis à moi reviendront dans trois jours pour récupérer l'argent ou t'enrôler. Fais ton choix, et ... bonne nuit.

Il part avec ses hommes laissant mon oncle et ma tante chamboulés et désorientés dans l'entrée. Je n'ai pas compris tous les tenants de l'histoire mais il semble que mon oncle doit de l'argent à cet homme. Depuis quand ? Combien ? Et surtout pourquoi lui en avoir emprunté ? Je descends les escaliers encore choquée pour avoir des réponses. Mon oncle se dirige dans la cuisine et s'assoit en silence sur une chaise, le dos vouté. Ma tante le suit et le dévisage en silence pendant que je les rejoins. Ce silence est tellement pesant que je me sens obligée de commencer à parler en première.

- C'était qui ce gars ?

Personne ne me répond. Mon malaise s'agrandit avec les secondes qui passent.

- Est-ce que quelqu'un va me dire ce qu'il se passe dans cette maison ?

- Remonte dans ta chambre Mila, me dit ma tante qui sort petit à petit de son mutisme.

- Comment ?! Vous me prenez pour une gamine ou quoi ? Je ne vais pas retourner dormir comme si de rien n'était alors que tonton vient de se faire menacer.

- Cela ne te regarde pas, on doit discuter avec ta tante.

Je vais répondre que ce qui se passe dans cette maison et dans cette famille me regarde autant qu'eux mais ma tante me coupe dans mon élan.

- Ah oui ? Tu veux discuter maintenant ? Tu comptais me le dire quand ?

- Je maitrisais la situation...

- Tu ne maitrises rien du tout ! Tu m'avais dit que l'argent venait d'un ami qui te devait de l'argent, pas que tu étais allé voir un préteur sur gage ou je ne sais quel bandit !

Ma tante était furieuse et tous les deux avaient oublié ma présence.

- Comment voulais-tu que je fasse ? Je ne travaille plus à cause de cette jambe, toi et la petite arrivez à peine à payer les factures et il fallait régler la situation. Tu sais très bien que je n'avais pas le choix !

- Tu aurais au moins pu m'en parler ! On aurait trouvé un autre moyen, j'aurai pu prendre un autre travail.

- Tu en as déjà deux ! J'ai fait ce qu'il me semblait juste pour ma famille et j'en assumerai les conséquences.

Ils s'affrontent du regard et semblent communiquer silencieusement. Ils semblent être dans une impasse. Quelle est cette situation dont ils parlent ? Pourquoi mon oncle a-t-il contracté des dettes ? Je ne peux plus garder le silence, il faut qu'ils m'éclairent sur ce qu'il se passe.

- Tonton c'est quoi cette histoire ? Pourquoi as-tu emprunté de l'argent ? On ne s'en sort pas trop mal avec tata tu n'avais pas besoin de ...

- Tais-toi Mila ! On t'a dit de retourner dans ta chambre. Ma tante retourne sa colère contre moi et ne regarde plus mon oncle.

- Mais c'est quoi votre problème ? Je veux juste savoir ce qu'il se passe ! J'ai le droit de savoir !

- Tu ne comprends pas que c'est de ta faute tout ça ? Tu ne comprends toujours pas que notre famille est en danger aujourd'hui par ta faute ?

- Mais ... Les mots me manquent. Je ne m'attendais pas à ce revers de situation.

- Si tu veux nous être vraiment utile va te recoucher et retourne travailler demain matin. Continue de rester résignée et laisse-nous régler nos problèmes.

- Chérie, ça suffit. C'est de ma faute, pas la sienne. Et nous ne sommes pas en danger, je vais régler ça. Mon oncle essaie de la calmer mais elle continue de s'acharner sur moi.

- Et pour qui as-tu été emprunter de l'argent ? Hein ? Si ce n'est pour arranger les conneries de ta chère nièce ! Et comment elle nous le rend ? En n'en faisant qu'à sa tête, en continuant à travailler dans ce restaurant minable alors qu'elle pourrait être un médecin !

La bombe est lancée. Plus personne ne parle et seuls nos respirations se font entendre. Je ferme les yeux car je sens que des larmes me brûlent sous les paupières. J'entends les pleurs nerveux de ma tante et mon oncle qui tente de la réconforter. Je me rends compte de la situation et ne peux plus supporter leur regard sur moi. Il faut que je sorte de cette pièce et que je prenne l'air.

- Je suis désolée...

Je sors en hâte dehors et je me mets à courir jusqu'au parc à quelques pas de là. Je m'assois à même le sol, le dos contre un banc. Je lâche toute ma frustration et mes larmes. Je suis tellement en colère contre moi-même. Je hais ce que je suis devenue, ma lâcheté a réussi à causer des ennuis à la seule famille qu'il me reste. C'est pour rembourser mon emprunt à la banque que mon oncle a contracté ces dettes. J'ai été assez égoïste pour ne pas me demander d'où il sortait cet argent alors que cela fait plusieurs années qu'il ne travaillait plus. Je ne pensais pas pouvoir tomber aussi bas et les décevoir à ce point. J'ai bien vu dans les yeux de ma tante qu'elle n'attendait plus rien de moi. Malgré l'heure qu'il est, l'obscurité de ne fait pas peur.

J'ai peur de ce qu'il va se passer dans trois jours quand ce Richard comprendra que mon oncle ne pourra pas le payer.

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