Claire Fontaine
Les vers d'oreilles. Quelles étranges bêtes. Et quel étrange terme pour un étrange phénomène. Ces chansons qui vous restent prises en tête sans aucun contrôle et souvent sans aucun désir. La plupart du temps cela est dû à une certaine qualité musicale mais aussi, parfois, seulement à la force brute de la répétition.
C'était le cas ce matin-là pour Donald alors qu'il marchait vers le Café du coin. Les chaudes températures du printemps avaient causé l'ouverture d'au moins deux fenêtres, la sienne et celle d'un voisin tout près de chez lui. Un voisin qui très certainement avait un enfant qui prenait des cours de flûte. Et il s'agissait là sans doute de la flûte à bec de la plus vile des espèces. L'instrument le plus économique après les cordes vocales et taper dans ses mains. L'instrument qui étrangement était le moins maîtrisé de tout l'univers si on tenait compte de la moyenne de compétence du bassin de joueurs véritables, les enfants en bas âge à qui l'on essaie d'inculquer des notions de musique. Et ce, avec un taux de succès catastrophique.
Donc ce matin là, les pas de Donald étaient guidés par la mélodie de À la claire fontaine dans sa version erronée de l'interprétation du jeune voisin. Donald se souvenait de ses jeunes années d'école et de la période d'apprentissage de cet instrument. Plus précisément, il avait souvenir des doigts qui devaient somme toute tous changer de position lors du passage d'une note à l'autre. Et le jeune musicien semblait avoir le même genre de difficulté.
À...
À la claire fon-fuîiiii...
À la claire fontaine m'en n'aaaa n'allant promener...
Fuiiiiii l'eau si belle que fuiiiiii... je m'y suis baigné...
Ainsi allait le rythme dans la tête de Donald et il se surprenait occasionnellement à retenir un pas pour marcher avec le rythme erratique de la chanson.
Il chantonnait toujours distraitement lorsque vint son tour de commander au comptoir du Café du Coin.
Claire l'accueillit tout sourire, sourire qu'elle avait toujours parfait d'ailleurs, et lui demanda:
"Bonjour. Qu'est-ce qu'on vous sert aujourd'hui?"
Claire. Claire! Ce serait vraiment un hasard incroyable! Donald ne réfléchit pas une seconde. Il devait savoir. Il demanda:
"Bonjour. Est-ce que ton nom de famille est Fontaine?"
"Pardon?" Répondit la jeune femme d'un air passablement confus.
"Ton nom de famille, est-ce que c'est Fontaine?"
"Fontaine? Fontaine! Comme dans la chanson! Oui, c'est ça Claire Fontaine. Comment vous avez fait pour deviner?"
Donald resta bouche bée et troublé devant ce moment où l'univers assemblait ses pièces d'une façon étonnante et amusante. Quelles étaient les chances qu'une chanson jouée par un voisin maladroit lui fasse deviner le nom de cette charmante personne? C'était assez...
"C'est même pas vrai. C'est pas son nom de famille. Elle se moque de toi."
Diane sortait à l'instant d'un coin de la cuisine portant un sac avec les items commandés par le client juste à côté de Donald. Elle le lui tendit.
"Voilà monsieur. Bonne journée."
Donald se tourna vers Claire qui le regardait toujours tout sourire avec l'oeil moqueur.
"Qu'est-ce qu'on vous sert aujourd'hui?" Lui relança-t-elle sans plus faire référence à la fontaine.
"Heu... Un latté et un chocolat chaud s'il vous plaît."
Il sortit du Café du Coin avec les deux verres en main. Le temps s'était assombri, le ciel, couvert de nuages, laissait croire que la pluie viendrait bientôt. Donald pressa le pas à mi-chemin dans l'intersection alors que le feu de circulation passait au rouge. Une fois dans le parc il se mit à la recherche d'un endroit qui pourrait les abriter si la pluie se mettait de la partie. Il y avait bien ça et là quelques grands arbres qui feraient parfaitement l'affaire. Tant que le temps ne passait pas à l'orage il pourrait avoir sa discussion avec Sylvie sans problèmes.
Elle l'attendait assise à une table au milieu du parc loin des grands arbres, profitant d'un dernier rayon de soleil qui semblait l'avoir prise pour cible. La jeune bohème portait cette fois-ci un tee shirt blanc, ou presque blanc, sans doute dû à son usure. Une jupe vert foncé avait remplacé les pantalons coupés des dernières rencontres. Donald déposa le café d'un côté de la table et le chocolat chaud de l'autre.
"Pas de sandwichs?" Demanda Sylvie ne voyant pas le sac habituel du Café du coin.
"Non. En fait oui et non. Aujourd'hui on mange des sandwichs aux concombres. J'ai apporté tout ce qu'il faut. Du pain et des concombres. C'est pas exactement excitant comme repas, un peu comme tes histoires."
Donald se trouva amusant mais il vit rapidement qu'il était le seul. Sylvie ne fit pas plus de cas de son humour désagréable et commença à sortir les ingrédients du sac, des concombres et du pain.
"C'est tout? Il n'y a pas autres choses? On mange juste du concombre dans du pain."
"En fait, c'est pire que ça. On ne met même pas le concombre dans le pain. On les mange séparément!" Donald, fier de son explication, prit l'une des baguettes, en cassa un morceau et croqua dedans à pleines dents.
Sylvie ne cacha pas sa déception devant le repas des plus simplistes préparé par son nouvel ami. Mais elle se ressaisit rapidement et sortit un petit couteau pliable d'un endroit que Donald ne pu identifier. En l'ouvrant elle s'empara d'un concombre et dit :
"Ok! Je prends le blâme pour mon manque de contenu. Mais c'est moi qui prépare les concombres."
Elle allongea le fruit sur la table et en coupa cérémonieusement le bout à quelques centimètres de l'extrémité. Elle déposa son couteau sur la table, reprit le morceau de concombre coupé et le replaça sur le concombre à son emplacement d'origine. Elle entreprit alors de faire faire de petits mouvements circulaires au petit bout tout en maintenant en place la partie principale.
Ceci dura un certain temps. Le temps que Donald termina sa bouchée de pain.
"Pourquoi tu fais ça au fait? Tu vas faire ça avec chaque tranche? T'as pas besoin tu sais. On le met pas dans le pain, on peut juste croquer dedans."
"C'est ma grand-mère qui faisait ça. C'est pour enlever l'amertume."
"Tu sais que ça tient pas la route. Tu peux pas enlever l'amertume d'un légume en lui frottant juste un peu une extrémité. Et de toute façon les concombres c'est pas amer."
"Et bien ça marchait pour ma grand-mère et maintenant ça marche pour moi! C'est difficile à expliquer."
"C'est pas que ça marche. C'est qu'il n'y a pas d'amertume au départ! C'est pas que ça l'enlève!"
"Crois moi, il y a toujours de l'amertume."
Donald prit une croquée de concombre, un peu exaspéré devant le refus de compréhension de faits simples et scientifiques par la jeune itinérante. Une fois la bouchée passée il la pointa du concombre et dit avec un brin d'impatience :
"Bon, qu'est-ce que tu as à raconter aujourd'hui? Que ta grand-mère t'a élevée toute seule? Ha non ça c'est déjà fait."
Un bref voile de tristesse passa sur le visage de Sylvie mais elle se lança rapidement.
"Tu veux du contenu n'est-ce pas? Ok. Je te raconte la fois du chalet alors."
"Mon ami Zac. Mon ami Zac est plein de ressources et un peu sans gêne. Un soir, il dormait sur le terrain d'une famille riche près de la montagne. En fait il dormait pas. Mais il était installé dans leur cour. Ils avaient une grosse chaise avec des coussins et un toit pour le soleil. Il s'était donné comme défi passer une nuit là mais ça faisait déjà deux jours qu'il y retournait et personne ne s'en rendait compte. Les riches sont comme ça ils ont trop de choses et trop d'espace et ne voient plus ce qu'il y a sous leurs yeux. Et de toute façon Zac se disait qu'il courrait vite et aurait le temps de se sauver s'ils le surprenaient là.
Donc le deuxième soir, Zac est couché dans le grand fauteuil couvert et le monsieur sort de chez lui, dans la cour. Tout près de Zac, dans la chaise. Zac panique un peu quand même tu comprends. Et bien, en fait il panique pas vraiment. C'est pas son genre. Mais disons qu'il est excité. Excité et surtout prêt à détaler comme un lièvre si le monsieur riche le voit.
Mais Zac reste immobile et il écoute pour savoir si le monsieur va venir vers lui et le voir. En fait le monsieur est au téléphone et il fait pas du tout attention à Zac. Zac essaye très fort de pas rire, l'homme marche devant lui, ou presque, et il le voit pas dans l'ombre dans la chaise! Il lui tire la langue et lui fait des bras d'honneur. Rien. Il ne le voit pas.
À un moment donné Zac prête plus attention à la conversation du monsieur. Il parle à un ami. Ben j'imagine que c'est un ami. Le monsieur lui donne des instructions pour se rendre à son chalet.
Oui, oui. Sérieux tu peux pas rater. La maison verte dans le rang 17, collée sur le lac aux Asperges. Quand vous repartez juste à remettre la clé sur le clou derrière le rosier. Pis vous allez voir, les voisins sont pas dérangeants. Quand ils passent tu envoies la main. Ils vont t'envoyer la main. Et à ce moment là tu pourras dire que tu les connais pas mal autant que moi. Tu vois le genre!
Après ça on sait pas ce que l'ami a dit mais le monsieur a répondu:
Oui oui, il n'y a pas de problèmes! Vous pouvez y aller en fin de semaine. De toute façon nous on y retourne pas avant un mois. Oui oui pas gêne. Assure-toi juste de mettre la clé derrière le rosier. Quel rosier? Ha ha! Il y a juste un, c'est pas compliqué!
Après ça le monsieur est retourné dans la maison. Zak lui il capotait. Le lac aux asperges, ça lui disait quelque chose, il pensait savoir dans quel coin c'était. Et il avait un plan. Un plan de sans gêne.
Le lendemain, il nous a raconté sa nuit et son plan. On a attendu de laisser passer la fin de semaine et on est allé au lac aux asperges et on a fait la fête. Méchant party, je te le dis. C'était vraiment fou!"
"Bon, ça y est. Il commence à pleuvoir. On va aller à l'abri-là bas sous les arbres." Dit Donald pointant deux gros arbres à proximité.
"Non, moi je reste ici! C'est bien le soleil, mais c'est bien aussi la pluie." Lui répondit Sylvie, se croisant les bras et levant le nez vers le ciel. Déjà les brins de pluie commençaient à lui mouiller les mèches de cheveux du front. Une grosse goutte se forma et lui coula le long du nez et sur les lèvres, faisant poindre un sourire immédiatement sur les celles-ci.
"Hé! Non! Mon ordinateur va être tout mouillé! Ce n'est pas fait pour ça!"
Joignant son explication au geste Donald enfourna l'appareil dans son sac, se leva et commença à marcher vers le couvert. Il vit bien rapidement qu'il n'était pas suivi et fit quelques pas de retour vers leur table.
"Tu viens? On va s'installer là bas. Je n'ai rien d'autre que mon ordinateur pour prendre des notes ici."
"Non je reste ici." Lui répondit l'entêtée. "Tu n'as qu'à mettre ton sac sous la table il va être au sec. Je peux pas croire que tu n'es pas capable de te souvenir de ce que je te raconte? Tu noteras ça après quand tu rentreras."
La pluie avait pris de la vigueur. Ils étaient déjà tous deux bien trempés. La chemise de Donald lui collait au dos et il jeta un oeil vers le tee shirt de la jeune femme pour lui donner l'argument qu'elle aussi serait bientôt trempée. Il remarqua rapidement qu'effectivement elle était trempée. Son chandail blanc au tissu mince et usé était devenu aussi masquant qu'une légère brume de matin. Et le matériel collait maintenant à la peau de la jeune femme lui donnant l'apparence d'une statue de marbre. À la différence que Donald pouvait distinguer les mamelons et leurs auréoles légèrement plus foncées. Il y avait longtemps que si peu de matière n'avait séparé Donald de la poitrine d'une femme. L'appareil électronique n'eût soudainement qu'une vague importance et Donald balança son sac sous la table, à l'abri de la pluie, et se replaça devant Sylvie qui avait toujours les yeux fermés et le visage vers le ciel.
Il profita de l'instant pour observer et savourer la scène. Les seins de la jeune femme avaient une portance surprenante et une taille très agréable, ce qui fit réaliser à Donald que le visage usé de l'itinérante faussait l'estimé sur son âge réel. Elle devait être encore dans le début de la vingtaine.
Sylvie ouvrit un oeil. Donald sursauta et tenta de placer son regard de façon naturelle sur, tour à tour, la table, le ciel, les arbres autour d'eux pour finalement revenir à l'oeil de Sylvie dont le sourire lui laissait croire qu'il avait fait tout ça pour rien.
"As-tu d'autres questions? Mon histoire finissait pas mal comme ça..."
"Ben, heu. Oui. Qu'est-ce que tu veux dire en fait? Ça veut dire quoi un méchant party? Qu'est-ce vous avez fait de spécial?" demanda Donald cherchant le fil et peinant à se souvenir où ils en étaient rendu dans leur entretien.
"Ben la fête là. Tu sais. Un peu de tout..."
"Hum. C'est un peu vague et non je ne sais pas."
Sylvie chercha un instant quoi répondre et lui lança promptement:
"On a fait des concours de fellation. C'était vraiment wild! T'as pas idée! C'était fou."
"Wow!" répondit-il. Quelque peu surpris et déstabilisé. "Et qui a gagné?"
"Comment qui a gagné?"
"Il doit y avoir un gagnant si c'est un concours non?"
"Non! Pas vraiment! Tu sais c'est comme les concours de gilets mouillés. Il n'y a personne qui gagne vraiment..."
Les yeux de Donald se portèrent justement sur le gilet mouillé de Sylvie. Il lui répondit sans conviction et légèrement hypnotisé à nouveau par les seins de la jeune femme.
"Ok, si tu le dis."
Sylvie se leva de table et s'étira en cambrant le dos puis levant les bras au ciel.
"Bon, j'y vais moi. Je crois que tu as assez de matériel pour t'occuper un peu, non?"
Elle lui fit au revoir de la main et partit sur l'un des sentiers du parc. Donald lui répondit et resta un certain temps figé, regardant dans le vide sans bouger, n'osant pas se lever et partir de peur de remplacer l'image encore gravée sur sa rétine.
Il se secoua, ramassa son sac et se mit en route pour chez-lui.
*****************
"Dis-moi ce que tu veux boire, s'il te plait. Tu continueras à regarder mes seins après ok?"
Donald rougit et répondit:
"La même chose que d'habitude, s'il vous plait." Répondit-il à la serveuse en la fixant le moins naturellement du monde droit dans les yeux.
"Bon, une blonde en fût de plus. C'est bon les gars je vous apporte ça."
"Heu, non... C'est..."
Mais trop tard la serveuse était repartie vers une autre table.
"...une stout. Je prends toujours un stout. À tous les jeudis depuis qu'on vient ici. Je prends une stout. Ils commencent à nous prendre pour acquis. On devrait penser à trouver un nouvel endroit."
Donald se tourna vers Bernard qui regardait toujours vers la serveuse maintenant à la table voisine. Sous le regard insistant de son ami il se retourna vers ce dernier et acquiesça.
"Ha oui, c'est certain. Ils doivent commencer à être nerveux. Je ne sais vraiment pas comment ils s'en sortiraient si on allait ailleurs pour notre veillée de gars..."
Bernard se tourna vers sa gauche puis vers sa droite.
"Pas une seule table de libre. C'est clair que si on se lève et on part. Ils vont être dans le trouble. Ils vont devoir donner notre table aux quatre gars qui attendent debout à l'entrée. Et en plus, ces gars là vont peut-être prendre plus qu'une bière, contrairement à nous."
"T'es con Bernard." Lui lança Steven, le troisième larron de leur groupe. "Mais c'est vrai qu'on pourrait retourner à l'espèce de taverne pas très loin d'ici. Le proprio nous connaissait par nos noms et pour les commandes c'était simple car il avait juste une sorte de bière imbuvable."
"Non! Il m'appelait toujours Daniel au lieu de Donald... C'est correct. On reste."
Puis Donald replongea dans ses pensées.
Il avait travaillé tout l'après midi à essayer d'écrire la scène du chalet. Sans succès. Il y avait tant de questions qu'il avait oublié de poser à Sylvie qu'il bloquait à chaque tentative d'écriture. La première question étant, comment diable s'étaient ils rendus là-bas! Pas à pied, c'était trop loin! Errant entre concentration et frustration, il avait presque raté l'heure du rendez-vous hebdomadaire avec ses copains. De plus la vision du corps de la jeune femme l'avait au plus haut point excité, ce qui n'avait aidé en rien sa concentration.
Aussi plusieurs heures de frustration l'avaient mis de mauvaise humeur.
"Donald? T'as l'air troublé. Troublé ou perdu dans tes pensées. Ça va vieux?"
Donald replaça sa maigre chevelure et passa ses mains sur son visage, les glissant du nez aux oreilles. Il faisait toujours ça lorsqu'il s'apprêtait à parler de son travail de façon sérieuse.
"Je suis sur un projet d'écriture et j'ai été bloqué tout l'après midi. C'est vraiment enrageant."
"Tu continues ton histoire où le méchant s'appelle Thierry? Celle où tu voulais prouver qu'un bon méchant n'a pas besoin d'un nom bizarre qui fait peur..."
"Il s'appelait Didier. le grand Didier. Et, non, ce n'est pas celle-là. C'est un nouveau projet. J'ai rencontré quelqu'un et je raconte son histoire. Ce n'était pas palpitant jusqu'à maintenant mais là j'ai du contenu et je suis bloqué. Il y a plein de questions que j'ai oublié de poser et il me manque des détails sur le déroulement de l'action."
"Et bien, invente, non?"
"Pas vraiment, c'est une situation un peu particulière et je n'arrive pas à trouver un angle réaliste qui fonctionne avec l'histoire. Et en plus, je ne suis pas sensé la revoir avant plusieurs jours. Je veux vraiment écrire cette scène-là pendant que c'est frais à ma mémoire."
Les deux autres compères s'écrièrent en même temps:
"La? C'est une fille? T'as rencontré une fille et tu nous en parlais pas? Raconte!"
"Non, non. Ce n'est pas une rencontre comme ça. C'est professionnel seulement."
"Elle est jolie? Allez raconte!"
Donald replongea dans ses pensées et dans la vision qui lui revenait du tissu mouillé qui moulait si bien Sylvie.
"Non. Je n'ai pas envie d'en discuter. De toute façon vous ne m'aidez pas beaucoup avec mon problème."
Steven lui lança:
"Pourquoi tu ne mets pas des lutins? Dans tes autres histoires quand tu étais bloqué tu utilisais un lutin. Et quand tu avançais dans ton histoire tu trouvais comment corriger les trous et tu finissais par remplacer le lutin par un événement qui avait plus de sens avec ton histoire. Pourquoi tu ne fais pas ça cette fois encore?"
"Bien non. Ça ne peut pas marcher. Ce n'est pas une histoire fantastique avec des fées et des épées cette fois."
"Ce n'est pas grave! Tu finis toujours par enlever le lutin à un moment donné... De toute façon, il n'y a aucune bonne histoire avec un lutin dedans. Tu l'enlèveras quand tu auras pu lui parler et poser tes questions."
La suggestion n'était pas folle se dit Donald. Peut-être qu'encore une fois Krazkakraz, le lutin, pourrait le débloquer.
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La journée était pleine de promesses. Sylvie lui avait donné rendez-vous au Parc du Café très tôt le matin et lui avait demandé de s'habiller en civil comme un honnête citoyen. Aussi il avait mis un bermuda en bon état et une chemise presque neuve dû au fait qu'il n'en portait jamais. Il avait même pris l'initiative de ne pas teindre son bouc en bleu électrique comme c'était son habitude.
Il attendait patiemment à l'ombre du gazebo central lorsqu'il la vit déboucher de l'un des sentiers. Sylvie portait une mini jupe jaune de très bon goût, tout en étant très courte ainsi qu'une camisole bleue dont l'encolure risquait de fortement le déconcentrer de toute conversation. Alors qu'elle approchait, il se leva pour aller à sa rencontre et il s'efforça de regarder Sylvie dans les yeux dont le bleu s'accordait très bien à sa camisole.
Sylvie? Non pas Sylvie. Claire! Claire était sa muse.
...dont le bleu s'accordait parfaitement à la camisole de Claire.
"Il va faire très beau aujourd'hui!" Lui lança Claire regardant le ciel où aucun nuage n'était en vue.
Son regard à lui se posa d'abord sur la poitrine plantureuse offerte à sa vue et admira ensuite le ciel beaucoup moins intéressant que Claire elle même.
Non pas Claire. La blonde serveuse du café était déjà trop présente à son esprit. Dangereusement présente même. D'utiliser Claire comme muse était une chose mais s'il allait jusqu'à donner son prénom au personnage de son histoire, l'intuition de Donald lui disait qu'il y aurait bientôt quelques malaises lorsqu'il se présenterait au comptoir du café.
... beaucoup moins intéressant que Shérazade elle même.
Non pas sérieux! La situation avec Sylvie pouvait peut être ressembler à l'histoire de Shérazade mais son roman ne pourrait pas être pris au sérieux avec un personnage principal nommé Shérazade. Sherry! C'est sympathique et neutre. Et Donald ne connaissait pas de Sherry.
... beaucoup moins intéressant que Sherry elle-même.
La jeune femme lui prit la main et se mit en marche vers le secteur le plus boisé du parc.
"Viens! Suis-moi vite, je ne suis pas certaine qu'il va nous attendre. Un jour aussi ensoleillé comme ça en plus."
"Comment? Qui ça?"
"Pas le temps d'expliquer. Si tu veux passer une journée magique suis moi et tais toi."
La journée était déjà bien amorcée et il avait envie que ça continue alors il jugea bon d'obtempérer.
Vers le centre du parc les bosquets étaient plus denses et plus près les uns de autres, Sherry s'avança près de l'un d'eux, écarta quelques branches et passa la tête par l'ouverture ainsi faite.
"Non, pas ici."
"Quoi pas ici au fait? T'as perdu quelque chose? T'as caché quelque chose?" Se risquait t-il à demander.
"Chut... viens."
La jeune femme continua sa recherche. Restant légèrement penchée pour mieux voir au travers du feuillage elle offrait une vue intéressante de son postérieur magnifique et sexy. Le tissu moulait tellement bien son corps qu'il se demanda même si elle portait des dessous.
"Ici! Viens et fais comme moi!"
Aussitôt, elle écarta deux grandes branches et s'élança dans le bosquet.
Il resta un instant surpris mais, paniqué à l'idée de la perdre de vue, il fit la même manœuvre et sauta sans plus réfléchir à la suite de Sherry. Les branches lui fouettaient le visage et les bras et il ressorti de l'autre côté des arbres où Sherry l'attendait, fraîche comme une rose, appuyée sur un mur de pierre avec un sourire étincelant. Sa beauté le frappa à nouveau. Tant de peau si douce, si visible, si offerte à ses yeux. Seulement qu'à ses yeux. Il était tant en pâmoison devant la belle qu'il lui fallut un instant avant de prendre conscience du petit personnage qui se tenait à ses côtés.
"Je te présente Krakakraz! C'est grâce à lui que nous allons passer une très belle journée!"
Krakakraz était légèrement plus grand que le chaudron au côté duquel il se tenait. Un chaudron noir comme la suie dans lequel s'empilaient des pièces d'or jusqu'à la moitié. Il baignait également dans une lumière multicolore, en levant la tête on pouvait voir s'élever un arc en ciel.
"Krak est un lutin de transport. Pour une pièce d'or il nous envoie où l'on veut!"
"Oui mais vous feriez bien de vous dépêcher. Vous savez, par une belle journée comme ça..." Leur disant cela le lutin leva les yeux au ciel d'un air sérieux et scruta attentivement son arc en ciel.
"Ok mais moi je n'ai pas une pièce d'or!"
"C'est correct, moi j'en ai une!" Lui répondit Sherry en sortant la pièce de derrière son oreille.
"C'est n'importe quoi! Je ne peux pas croire que j'écris ça. Tant pis ça va rester comme ça pour l'instant."
Sherry lança la pièce dans le chaudron.
"Direction, le lac aux asperges s'il vous plaît!"
Le lutin agrippa le chaudron à deux mains et le fit tourner presque d'un demi tour. L'arc en ciel suivit la rotation et se déplaça vers le sud.
"C'est parti! Accrochez vous bien les jeunes!"
Sherry le prit par la main et, de l'autre, attrapa l'arc en ciel. Aussitôt, ils furent aspirés dans les airs par un grand coup de vent et en un instant ils atterrissaient dans une petite clairière, juste devant un lapin blanc.
"Le lapin, c'est ton ami aussi?" Lui demanda t il.
"Non, non. C'est juste un lapin..."
Au moment où elle disait cela le lapin détala à toute vitesse dans les bois.
"Est-ce qu'on devrait le suivre?"
"Non, nous on doit aller de l'autre côté." Et elle pointa en direction d'un petit sentier entre deux grands arbres.
On pouvait apercevoir pas très loin de là une jolie maison verte.
"C'est là qu'on va! Un ami m'a assuré que les occupants étaient partis pour plusieurs jours. On a la place juste pour nous. Et il paraît que les voisins ne sont pas dérangeants."
À genou sur la grande couverture qu'ils avaient trouvé dans la maison inoccupée, il contemplait son ingénieux stratagème. Sur chaque coin il avait placé un de leurs souliers pour mettre du poids et éviter qu'elle ne parte au vent.
Une camisole bleue atterrit alors à ses côtés.
"Allez viens! L'eau doit être bonne!"
Il se retourna et vit Sherry qui courait déjà vers le lac. Sa mini jupe glissa bientôt de ses hanches et il eut la réponse à la question qu'il se posait un peu plus tôt dans la journée. En dessous, il n'y avait pas de dessous. Il n'y avait que des fesses parfaites et légèrement blanches comparées aux jambes et au dos qui l'encadraient
Sherry courut sur le quai de bois et sauta à l'eau tête première. Il laissa également tomber ses vêtements sur la couverture et se dépêcha de la rejoindre.
L'eau était fraîche et vivifiante mais pas froide. De plus, le soleil plombait sur eux avec une douce lourdeur.
Ils pataugèrent de longues minutes dans la petite baie juste en face de cette maison de campagne momentanément abandonnée. Une embarcation passa sur le lac un peu plus loin. Ils gardèrent leur calme et leur sourire. Sherry envoya même la main aux résidents d'une façon très naturelle. Les voisins répondirent distraitement à la jeune femme et continuèrent à ramer et à s'éloigner.
Sherry était très à l'aise dans l'eau et tournoyait autour de lui, tantôt sous l'eau, tantôt flottant à la surface. Il ne pouvait s'empêcher d'observer ce corps charmant qui se frôlait à l'occasion contre lui.
Après un certain temps, Sherry nagea vers le quai avec des grands mouvements agiles et vigoureux. En un instant elle hissait son corps nu hors de l'eau. Il se mit à nouveau à la poursuite de la jeune femme. Lorsqu'il sortit finalement lui aussi du lac elle était déjà allongée sur leur couverture, parfaite sous le soleil, appuyée sur ses coudes, et elle l'attendait tout sourire.
Il se laissa tomber à ses pieds et entreprit de l'embrasser à partir des pieds, en remontant sur ses jam
"Ouf!"
Donald se frotta le visage vigoureusement, se leva et se dirigea à la salle de bain. Il tourna le robinet d'eau froide et se mit la tête sous l'eau quelques secondes. Il s'assit sur le rebord du bain avec une serviette en main et s'essuya le visage.
"Ouf..."
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