Rayon de soleil
Le chauffeur arrêta la limousine et la portière fut ouverte moins de trois secondes après par Dan. Torrey descendit rapidement les marches de la terrasse tandis que Felicity, Jude, et moi sortions également de notre moyen de transport. « Les amis ! » nous accueillit-elle en nous prenant chacun dans ses bras : d'abord ce fut les garçons, l'un après l'autre, ensuite elle nous enlaça toutes les deux au même moment.
- J'espère que vous avez fait bon voyage ?
- Rassure-toi, il n'y a eu aucun souci en cours de route ! lui répondit Felicity, qu'elle serra une seconde fois en se mettant d'ailleurs entre nous.
- Ça ne m'étonne pas, les Sonnray ne choisissent que ce qui est meilleur et il n'y a pas meilleur chauffeur que le nôtre, n'est-ce pas Rod ?
- Vous me flattez mademoiselle Sonnray, nia celui-ci.
Je faillis lever les yeux au ciel car c'était exactement ce que je me disais, la flatterie était l'un des travers dont notre hôtesse ne pouvait se passer. J’aurais pu ignorer ce détail, si j'avais seulement eu rien qu'une fois le sentiment que ces soi-disants compliments étaient sincères.
- Heureusement que j'ai fini de préparer vos chambres ! reprit-elle fièrement.
- Qu'est-ce que tu fais derrière nous Bobbie, me demanda Dan, viens !
Me rendant compte qu'ils me précédaient déjà, je retournais chercher les valises mais le chauffeur, Rod, avait décidé de s'en charger et me suggéra de les suivre. Je me mis donc à leur courir après, même si l'envie m'en manquait quelque peu ; ils étaient tous en train de regarder Torrey refaire encore son numéro habituel de la jolie fille que tout le monde adore. J'étais sur le point de soupirer quand, les lèvres étirées, elle se tourna vers moi. C'était pareil à chaque fois que j'étais derrière eux, et comme d'habitude, j'eus du mal à ne pas sourire à mon tour. Malgré tout ce que je lui reprochais, j'avais vraisemblablement de l'affection pour la fantasque Torrey Sonnray moi aussi.
En haut des marches, nous rencontrâmes un homme aux cheveux soyeux et totalement blancs. Il enleva sa main de la poche de son pantalon, magnifique tel que le reste de son costume, et écarta les bras comme pour nous souhaiter la bienvenue : « Voilà donc les fameux pensionnaires de l'institut Straffi ! » s'exclama-t-il gaiement. Comme les autres, mon visage s'éclaira à ce moment-là. Mais à l'inverse, je regardai Torrey : elle avait un petit sourire, qui ne me paraissait pas familier. Il ne fallait pas être un génie pour deviner que cet homme était son père.
- Je suis extrêmement ravi de connaître enfin les amis de ma fille ! me le confirma-t-il, sans savoir. Tu me les présentes Torrey ?
- Oh ! sembla se réveiller celle-ci tout d'un coup. Eh bien, à droite c'est Bobbie, ensuite il y a Dan, puis Felicity, et enfin Jude.
- Toujours aussi étourdie ? lança ce dernier, la faisant grimacer alors que nous rigolions tous, l'adulte sur les lieux moins que nous naturellement.
- C'est toi qui me fait cet effet, riposta-t-elle en battant des cils.
Il la fixa d'un air sévère, qui n'effraierait malheureusement personne, au moment où moi j'observai Felicity : elle était plutôt normale. Moi à sa place j'aurais eu envie d'étrangler cette fille. Une preuve de plus de la large différence qu'il y avait entre elle et moi. « Je suis enchanté de faire votre connaissance messieurs, enchérit le père de Torrey, mais c'est celle de ces deux belles demoiselles qui restera gravée dans ma mémoire. On croirait voir des gravures de mode en les regardant toutes les trois ! » Décidément la flatterie était de famille, mais j'appréciais bien la sienne. Il allait poser son bras sur l'épaule de sa fille lorsqu'elle vint contre toute attente à côté de moi.
- C'est d'autant plus vrai pour Bobbie, dit-elle. Vous avez vu ce physique de supermodel ?
- Arrête Torrey, la suppliai-je en essayant de paraitre plus gênée qu'agacée.
- Ne joue pas les modestes, comme si tu ne le savais pas ! Et je parie que tout le monde est d'accord avec moi quand je dis que tu es superbe, n'est-ce pas les gars ?
- Supermodel comme tu dis, répéta Dan.
- Ouais mais une supermodel aux choix vestimentaires plutôt discutables, critiqua Jude.
- Surtout avec ce pantalon ; ajouta Felicity, il fallait le prévoir.
- Moi je trouve qu'elle est très bien comme ça, lui répondit tout simplement Torrey. Et puis elle a son propre style comme toi tu as le tien, miss super canon !
Cette dernière prit un air fier.
- J'espère que vous continuerez à vous chamailler, aussi gentiment, et que le séjour que vous passerez ici vous comblera de bonheur ! Torrey,...
- Tu seras en retard papa, on se parlera au téléphone ou à ton retour dans quelques semaines ; l'interrompit-elle en lui faisant signe de grimper dans le véhicule dont on était descendus.
- Puisqu'on ne semble pas vouloir de moi ici, conclua-t-il sous un ton plaisantin, je vous dis à la prochaine, chers pensionnaires !
Il nous salua de la main, et nous le remerciâmes en lui souhaitant également de faire bon voyage. « Allez entrons vite, il faut que je vous fasse visiter la maison ! » fit sa fille.
À l'intérieur de cette large construction, on sentait déjà que la vie devait y être paisible. Il n'y avait peut-être rien de tape-à-l'œil, mais ça restait tout de même une maison digne d'une fille comme Torrey.
- Torrey, ça serait mieux si tu nous montrais d'abord nos chambres non ? suggéra Dan.
- Et les toilettes, ajouta Felicity en tapant sur l'épaule de celui qu'elle allait citer. Pour Jude bien sûr, puisque les chocolats qu'il a pris dans la limousine risqueraient de redescendre d'une minute à l'autre !
- Tu te venges pour ce que j'ai dit quand nous y étions, c'est ça ? se plaignit-il.
- Il semble que tu me connaisses beaucoup mieux que je ne le pensais Jude.
- Tu voudrais me rendre jalouse sous mon propre toit Felie ? feignit Torrey. Je ne le permettrai pas. Bobbie et toi, vous venez avec moi.
Elle nous entraina avec elle avant de crier « Vous prendrez l'avant-dernière chambre à droite les garçons ! », et en moins de cinq nous étions en haut de l'escalier, dans le couloir qui reliait toutes les pièces qui s'y trouvaient. Torrey se stoppa devant l'une d'elles, dont elle ouvrit la porte. « C'est ici que vous dormirez toutes les deux ! » déclara-t-elle. C'était plus qu'une surprise pour Felicity et moi. Nous ne nous attendions pas à une chambre ou à des lits aussi grands que ceux que nous voyions.
- Et moi qui craignais de me sentir plus à l'étroit qu'à l'internat ! s'étonna Felicity.
- Même mon salon n'est pas aussi grand ! fis-je aussi.
- Ça alors, dit Torrey en nous observant. Quand je pense que je m'inquiétais pour la salle de bain que vous devrez partager et pour l'absence de mobilier !
- De quoi tu parles Torrey ? reprit la première d'entre nous à avoir parlé. Nous avons un dressing, où deux personnes pourraient facilement passer la nuit, une salle de bain dans la chambre, et un grand miroir juste au dessus d'un tiroir où suffiraient toutes nos affaires, les miennes surtout puisque Bobbie n'en a presque pas.
- Pour dire la même chose qu'elle, sans pour autant utiliser les mêmes mots je te ferai juste savoir que nous te sommes assez reconnaissantes comme ça, pour ton invitation et pour cette chambre où on dormirait même tous les cinq sans problème.
- Je suis heureuse que ça te plaise à toi aussi Bobbie, dit-elle avant d'aller vers la porte. Je vais vous laisser défaire vos bagages les filles.
Elle sortit de la chambre après cela. Nous décidâmes de ranger nos affaires, comme elle l'avait supposé.
- Non mais tu as vu cette chambre Bobbie ? débutait Felicity. Ce n'est pas juste !
- Quoi ? lui demandai-je.
- Torrey a beaucoup trop de chance : blonde, plutôt jolie, charmante, et riche en plus ?
- Comme si tu n'avais jamais deviné que c'était une fille à papa pourrie gâtée !
- Se rendre compte d'une chose est encore pire que de l'envisager, et en voici un exemple. Oh, mais pourquoi la vie est-elle aussi cruelle ?
- Estime-toi heureuse, les filles comme toi et moi arrivent facilement à s'en sortir dans la vie, comparées aux filles comme elle qui ont l'habitude de recevoir tout ce qu'elles désirent des autres.
Même si on discutait, nous avions déjà déchargé nos valises et assiégé le tiroir qui occupait l'espace. C'était une chance qu'on se soit tues à temps ; Torrey revint encore.
- Vous vous êtes déjà installées ? fit-elle avec étonnement. Vous êtes plus rapides que moi tiens !
- On te manquait déjà ? la taquina Felicity.
- Pourquoi puisque mon Jude chéri est là ? lui rendit-elle en riant, et en nous poussant à le feindre. Je voulais juste vous informer qu'il y avait un barbecue dans le jardin, il vous est spécialement offert par la maison. Je venais du salon, où je l'ai aussi annoncé aux garçons. Ils y vont déjà.
- Cool, répondis-je, merci Torrey.
- J'en profite pour vérifier si je n'ai rien oublié ici.
- C'est chez toi, répondit après moi notre amie.
Nous retournâmes à nos moutons et Torrey se dirigea vers le tiroir. Je commençais même à être prise par ce que je faisais, quand je l'entendis articuler « Roberta ? » On pivota vers elle, constatant qu'elle tenait un cahier rose dans ses mains : elle tenait mon cahier rose dans ses mains.
- D'où tu sors un prénom aussi ringard ? railla Felicity, surprise.
- Tu plaisantes, s'exclama-t-elle en gloussant, c'est tellement démodé que même ma mère ne se serait pas appelée comme ça !
Je ne savais même pas que mes pieds s'étaient mis en marche car je me rendis compte, soudain, que je lui avais arraché violemment le cahier.
- Qu'est-ce qui te prend de fouiller dans mes affaires ? m'écriai-je.
- C'est à toi ? me posa-t-elle, ébahie.
- Comme si tu ne le savais pas !
- Je suis désolée Bobbie, j'ai le même cahier et j'ai cru que c'était le mien. C'est pourquoi j'ai été étonnée d'y voir un prénom qui m'est inconnu et...
- Garde tes excuses pour toi Torrey.
Mal à l'aise, elle repartit à nouveau hors de la pièce, la tête baissée.
- Alors comme ça Bobbie Gardner est en fait le diminutif de Roberta Gardner ? murmura l'autre personne présente dans cet endroit environ cinq secondes plus tard.
- Felicity je ne suis pas d'humeur !
- Oh mais excuse-nous on ne pouvait pas savoir !
- Et t'as vu la raison bidon qu'elle a sorti comme quoi elle pensait que c'était le sien ? N'importe quoi ! On se fiche éperdument de sa mère ou du prénom génial qu'elle porte comparé aux nôtres !
- N'oublie pas que c'est chez elle que nous nous trouvons Bobbie, ne sois pas trop dure.
- C'est pour vous que je suis venue ici car à dire vrai je n'en ai rien à faire de la Sonnray ou de cette maison toute aussi superficielle qu'elle, scandai-je. Si seulement on pouvait se passer d'elle une minute et ne plus la revoir, ça me ferait des vacances !
Je ne savais pas si elle me fixait ou pas, étant trop en colère pour y faire attention, mais j'étais persuadée qu'il y avait une partie de l'ensemble Felicity qui devait être également de mon avis.
Deux heures après, nous avions rejoint Dan et Jude dans le jardin. Chacun des deux avait une assiette de brochettes à la main.
- Salut toi, dit Felicity à Jude en attrapant une des siennes. Merci !
- Vous avez fini de défaire vos valises ? nous interrogea Dan.
- Oui, entamais-je, et vous ?
- On le fera ce soir.
- Ça m'étonne de toi Dan, Jude ne commencerait-il pas à avoir une mauvaise influence sur toi ?
- Qu'est-ce que vous avez toutes avec moi ? déplora celui-ci. D'abord Torrey, ensuite Felie, et voilà que tu t'y mets aussi Bobbie.
- Comme dirait Torrey, reprit Dan en souriant, tu as un charme fou Judy !
On éclata de rire, sauf Jude, qui profita d'ailleurs de ce moment de distraction pour récupérer la brochette qui lui avait été piquée.
- Comme si je pouvais l'influencer maintenant alors que nous sommes amis depuis des années ! pesta-t-il en mâchant un morceau de viande.
- Et au fait où est Torrey ? constata la voleuse, la déception oubliée.
- On l'a croisée dans le couloir il y a une ou deux heures, expliquait Dan, elle nous a dit qu'elle ne serait pas avec nous car elle avait des courses à faire avec Rod, le chauffeur.
- Vous avez vu la taille des chambres...
Je n'écoutai même plus Jude puisque je me mis à culpabiliser. J'ignorais pourquoi mais je sentais que cette absence avait un rapport avec moi. En outre, je me souvins alors que Rod était celui qui conduisait la limousine, et que je n'avais plus revu celle-ci depuis que monsieur Sonnray avait quitté la maison : Torrey avait menti.
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