Bande de jeunes
- Tu es sûre que ça sera vraiment aussi génial que tu l'imagines ? dis-je à Felicity pendant que nous faisions nos bagages.
- Comment peux-tu en douter ? s'exclama-t-elle en s'éloignant de la penderie pour me rejoindre. C'est chez Torrey que nous allons, on s'amuse toujours bien avec Torrey !
- Pas tout le temps enfin !
Cette fois, ce fut moi qui retournai chercher des vêtements dans la penderie.
- Tu veux dire que tu n'as jamais eu le sourire jusqu'aux lèvres un seul instant depuis que tu la connais ? m'interrogea-t-elle, comme si elle était une avocate face à un faux témoin.
- Je n'irai pas jusque-là mais...
- Rien que notre première rencontre avec Jude et Dan est un sujet sur lequel nous passons notre temps à rire chaque fois qu'on y repense.
- Ouais, fis-je en m'en souvenant, quand elle s'est trompée de couloir et qu'elle est entrée dans celui qui mène au dortoir des garçons ?
- J'imagine leur tête quand ils ont dû ouvrir leur porte pour découvrir cette jolie blonde qui leur a dit, avec un air plus étonnée que jamais : « Mais qu'est-ce que vous faites dans notre chambre ? »
Je ne pus m'empêcher de rire, tout comme Felicity. Il fallait l'avouer, c'était assez cocasse comme situation.
- Ils ont fini pourtant par sympathiser avec elle, quelques secondes après ; précisai-je en retrouvant ma valise, posée sur le lit.
- Et ils l'ont raccompagnée, en l'aidant à rentrer par la fenêtre…
- Et c'est ainsi qu'elle les a invités à faire comme elle et que nous aussi nous avons fait leur connaissance.
Felicity souriait alors que moi, je fronçais les sourcils en m'asseyant.
- Tu n'as jamais remarqué que Torrey finit généralement par obtenir tout ce qu'elle veut des garçons ? Je ne parle pas de Dan et Jude, d'ailleurs ce dernier repousse toujours ses soi-disant fausses avances, mais de tous ceux qu'elle rencontre sur son passage.
- Que veux-tu Bobbie, déclarait Felicity en m'imitant, depuis plus d'un demi-siècle c'est connu de tous que les hommes préfèrent les blondes !
- Hm, oui.
Voilà encore un autre point qui me déplaisait quelque peu avec Torrey : elle parvenait toujours à attirer l'attention de tout le monde.
Toute la cour était occupée par des élèves, qui s'apprêtaient à partir pour certains et qui attendaient on ne sait quoi pour d'autres. Nous marchions jusqu'à la grille pour y rejoindre Dan et Jude, nos bagages fin prêts pour ces huits jours que nous allions passer tous les cinq.
- Bon sang Bobbie tu n'aurais pas pu mettre une jupe pour une fois ? me sermonna Felicity en toisant mon jean.
- Je te signale que je suis en jupe H24 tout au long de l'année scolaire ! répliquai-je. Si tu cherchais un moyen de me reprocher encore mon côté garçon manqué, c'est raté.
- Tu aurais dû mettre une jupe exactement comme moi, mais mademoiselle préfère choquer tout le monde, comme d'habitude !
- On est au vingt-et-unième siècle je ne vois franchement personne qui pourrait être choqué de me voir en pantalon, mais c'est par contre ta jupe qui est un peu trop près du corps à mon goût !
- Ça n'a rien à voir, les jupes c'est féminin alors que les pantalons c'est..., c’est...
- On dirait le genre de phrases que sortiraient des copines superficielles de Torrey !
Elle me fusilla du regard mais qu'importe, c'était elle qui avait commencé. Elle avait tendance à m'énerver lorsqu'elle se mettait à tenir ce type de discours. « Des copines de Torrey qui elles au moins sauraient être des filles comme il faut ! » Cette fois c'était moi qui la fusillait du regard après ces mots qu'elle venait de prononcer, le sourire aux lèvres en plus. J'avais des cheveux ondulés qui frôlaient mes clavicules et un look assez classique pour une fille de mon époque, mais ce n'était pas suffisant d'après certaines personnes !
Je luttais de toutes mes forces pour ne pas sortir de mes gonds quand je vis Felicity afficher soudain un air apeuré. C'était celui qui ne voulait dire qu'une seule chose...
- Je vois qu'on reprend ses bonnes vieilles habitudes mademoiselle Gardner, entendis-je derrière moi.
- De quoi parlez-vous monsieur Grayson ? fis-je en me tournant vers notre surveillant, penaude, comme à chaque fois que j'avais affaire à lui.
- Ne jouez pas à l'innocente avec moi, vous savez très bien de quoi je parle !
N'ayant toujours pas vu où est-ce qu'il voulait en venir je lançai un coup d'œil à Felicity, afin qu'elle puisse m'éclairer, mais elle non plus semblait ne pas savoir. Lorsque je posai à nouveau mes yeux en direction de monsieur Grayson je constatai que Sean, le président des élèves, était en train d'avancer près de lui en m'adressant, par ailleurs, un sourire moqueur. Je l'aurais très mal pris si c'était venu de quelqu'un d'autre, mais Sean avait un de ces sourires qu'il était difficile d'exécrer.
- Je regrette sincèrement qu'on ne puisse pas interdire aux étudiantes de mettre ce type de vêtements ! cracha-t-il, nous permettant alors de tout comprendre.
- Il semblerait que je ne sois pas la seule à te faire la remarque ! chuchota celle qui était à côté de moi, m'irritant une fois de plus.
Après avoir exprimé le fond de sa pensée monsieur Grayson fit demi-tour, pour sûrement aller chercher quelqu'un d'autre à rabaisser avant qu'il ou elle n'eût quitté les lieux pour les deux prochaines semaines.
- Il peut dire ce qu'il veut, démarra Sean en se penchant vers moi, mais moi je trouve que ça te va plutôt bien !
- Merci, dis-je en souriant.
J'avais beau savoir qu'il lui arrivait parfois de faire quelques commentaires vexants à mon sujet, il se montrait toujours agréable avec moi. De plus, si on devait se fâcher contre tous ceux qui ne disaient pas que du bien de nous, je crois que plus personne ne se parlerait sur cette planète. « Sonnray n'est pas avec vous ? lâcha-t-il finalement, puisque je devais m'y attendre. Je ne crois pas l'avoir déjà vue parmi tous ceux qui sont ici en ce moment ! » Encore un autre pour qui ce genre de filles ne passaient pas inaperçues ! Curieusement, je me demandais si je ne me mentais pas à moi-même en croyant que je n'avais vraiment jamais rien eu contre Torrey.
- Elle a dû partir un peu en trombe il y a quelques heures, expliquait Felicity. Elle nous a proposé de passer une semaine chez elle et elle s'est dit qu'il valait mieux qu'elle rentre préparer notre venue.
- Rien que votre petit groupe ? reprit Sean.
- Oui, rien que notre petit groupe.
- Dommage, j'aurais aimé être de la partie moi aussi !
J'étais d'accord avec lui, mais bien entendu, j'avais assez de bon sens pour ne pas le lui faire savoir. « Amusez-vous bien ! » fit-il avant de nous laisser en m'obligeant presque malgré moi à le détailler furtivement. Sean n'avait peut-être pas une carrure imposante, ni une beauté à couper le souffle, mais il avait un certain charme et s'habillait toujours avec classe. Même ce simple polo Lacoste, qui n'arrivait pas pourtant à cacher ce corps étrangement athlétique, paraissait moins dépassé sur lui que s'il avait été porté par quelqu'un d'autre... C'est alors que j'avais secoué la tête frénétiquement, pour ne pas permettre à mon imagination d'aller beaucoup plus loin, avant de me remettre en marche avec ma chère et tendre amie à ma gauche.
Nous avions à peine posé un pied devant la grille que déjà, nous dûmes faire face à Dan et Jude. « Ça fait un bail que vous nous faites patienter ! » brailla ce dernier. D'un air coupable, nous nous étions regardées toutes les deux avant de retenir le rire nerveux qui menaçait de nous saisir. Nous avions de la chance qu'il n'ait rien remarqué.
- Allez dépêchez-vous, s'exclamait Dan à son tour, il faudrait aussi penser un peu à ce pauvre chauffeur !
- Chauffeur, m'étonnai-je, ne me dites pas que vous avez déjà pris un taxi ?
- C'est pas vrai ! fit également Felicity.
- Ça ne vous est pas venu à l'esprit qu'on risquerait de nous taxer encore plus pour le temps qu'on a mis ? T'aurais dû réfléchir un peu Dan !
- Tu parles d'un fûté !
- Hé ! Oh ! On se calme ; intervint Jude.
- Et on arrête avec les insultes, ajouta Dan en faisant référence au dernier commentaire de Felicity.
- Nous n'avons pris aucun taxi.
- Mais il a parlé d'un chauffeur ?
- Et où est-il d'ailleurs ? dit après moi Felicity.
- Il est là !
Nous suivîmes des yeux la direction que Jude nous montrait pour constater, rien qu'à ce moment-là, une limousine noire parquée à quelques pas de là où nous étions.
- Vous n'allez tout de même pas nous faire croire que c'est nous qu'attend cette superbe caisse ? inférai-je.
- On ne va pas vous le faire croire puisque c'est le cas, confirma Dan d'un air malin.
- Oh c'est pas vrai ! s'écria Felicity pendant que je demeurais sans voix. Dites-moi que vous nous faites marcher les garçons, je n'arrive pas à le croire ?
- Cadeau de Torrey, précisa Jude. Voici donc le fabuleux tapis volant qui est censé nous guider jusqu'au palais des milles et une nuit de notre princesse adorée !
C'était donc Torrey qui avait fait envoyer cette limousine pour nous ? J’avais du mal à le croire. Je ne l'aurais jamais imaginé.
- Et alors vous venez oui ou non ? renchérit celui qui avait parlé en dernier en nous devançant.
- Je comprends pourquoi Torrey est tout le temps heureuse, déclara Felicity en le suivant. Il n'y a qu'à voir la vie qu'elle mène !
J'avais encore du mal à avancer tellement j'avais l'impression de rêver.
- On y va ? dit Dan en souriant, me poussant à le regarder et à retrouver le monde réel.
- On y va ! lui rendis-je, tout comme son sourire.
Il fila aussi vers cette incroyable voiture - où on pouvait voir une certaine brunette courber le dos afin de mieux y entrer - convaincu à présent que j'allais clôturer la marche. Valait mieux lui donner raison alors !
Nous nous amusions énormément, durant notre trajet, au point de ne pas remarquer les quatre heures et quinze minutes qui s'écoulaient. Nous avions laissé derrière nous, hormis notre école, des dizaines de rues et des centaines de kilomètres, que nous n'avions observés qu'un court moment. Quand Felicity discutait encore avec Dan sur la sévérité excessive de l'effroyable Grayson, Jude et moi avalions sans nous en rendre compte une grande partie du bocal de chocolats mis sur la table ouverte de la limousine.
- Tu devrais faire attention Bobbie, me taquina Jude, tu risques de t'enrober !
- Tu peux parler toi ! répliquai-je en le jaugeant de la tête aux pieds.
- Détrompe-toi Jude, me défendit d'ailleurs l'interlocuteur de Felicity, s'il y a quelqu'un qui peut se permettre toutes les folies, c'est bien Bobbie. Elle n'a presqu'aucun kilo en trop !
- Et moi alors ? s'offusqua celle qui était à ses côtés.
- Felicity, tu ne veux tout de même pas me faire mentir ?
- Ah ça c'est gentil Dan !
- Écoute, fit le premier d'entre nous à avoir parlé, ne le prend pas mal Felie. Dan n'a pas dit que vous n'étiez pas toutes les deux magnifiques et d'ailleurs, moi je préfère de loin les filles qui ont des formes à celles qui n’ont que la peau sur les os !
Bien sûr on plaisantait tous, mais Dan me lança un regard complice et je lui souris. J’avais tiré la même conclusion que lui après les dires de Jude ; mais on s'en doutait déjà depuis longtemps.
- Non seulement ce que tu viens de dire me dégoûte, lui répondit-elle, mais en plus ça me met en colère puisque ce sont des mensonges !
- Je t'assure que je suis sincère ! s'exclama-t-il.
- Tu veux donc dire que les filles du genre de... Torrey, te laissent totalement indifférent ?
- Je ne le dirais pas, mais...
- Ne mens pas Jude, vous fleurtez tout le temps tous les deux !
- Mais c'est elle qui fleurte avec moi, c'est pourtant clair ? Qu'est-ce que tu veux d'autre comme preuve puisque c'est si évident que ça ?
- En tout cas nous on a notre petite idée là-dessus ! déclara Dan.
Cette phrase cloua le bec de nos deux amis. Ils le regardèrent en ayant l'air de ne pas avoir saisi l'allusion, alors que pour moi c'était le cas. Nous adorions nous moquer de cette façon qu'ils avaient de se montrer, indirectement, leurs sentiments sans eux-mêmes le réaliser. Ça avait beau être cruel, mais on ne pouvait pas s'en empêcher.
- En parlant de Torrey, recommença finalement Jude, je ne me serais jamais douté qu'elle habitait aussi loin de Straffi !
- Moi non plus, constatai-je également.
- Vous remarquerez qu'on ne sait presque rien d'elle ; signala Dan, ce qui donna lieu à un étrange silence coupable.
- À vous entendre on croirait que tout le monde habite la ville, déplora Felicity. Je vous rappellerai que Bobbie elle, ne vit pas ici comme nous tous y compris Torrey !
- On le sait, mais avoue au moins qu'aucun de nous quatre n'habite à plus d’une heure et demie de l'institut !
Felicity fit un mouvement d'épaule, avant de sembler soudain fixer un point bien précis. « On est arrivés je crois ! », nous annonça-t-elle. Les garçons et moi examinâmes l'extérieur.
- Tu en es sûre Felicity ? dis-je, légèrement perdue.
- Je le pense Bobbie, nous y sommes.
À travers les vitres du véhicule, on voyait diminuer le nombre d'arbres et de buissons qui bordaient le chemin que nous avions emprunté. Nous atteignîmes bientôt un bout de terrain entouré par une palissade, comme celles qui protégeaient souvent les bovins ou tout autre animal de ferme. Il n'y en avait cependant aucun. Au lieu de ça, nous vîmes apparaitre à partir du pare-brise un grand chalet et sur les marches, devant sa terrasse, attendait une blonde coiffée d'une queue de cheval relevée, habillée d'un jean et d'un chemisier rose sans manche parsemé de petites figures circulaires de couleur blanche : c'était effectivement Torrey. Et effectivement, nous étions arrivés.
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