Renaissance


Un bruissement, dans les bosquets d'ajoncs. Des fleurs dorées, qui volent en tous sens. Des ronces, qui s'accrochent à mon pelage, me déchirent la fourrure. Des orties qui me brûlent les pattes. 

Mais je m'en moque.

Oui, je m'en moque. Complètement. 

Il faut que je parvienne jusqu'à cet endroit, si mon instinct m'y a conduit, ce n'est pas un hasard.

Un dernier sursaut, une dernière estafilade sanglante sur le flanc, et j'y parviens enfin.

M'y voilà, après tant d'années. 

C'est étonnant, comme rien n'a changé. Alors qu'un mur de ronces, de houx et d'autres plantes véritablement teigneuses s'est élevé au-dehors, le Temps semble avoir épargné cet endroit, comme s'il savait à quel point il est important pour moi. 

Je l'admets, je ne me présente pas sous mon meilleur jour, pour revenir ici. 

Ma fourrure rousse est toute tachée de sang, j'ai perdu plusieurs touffes, ainsi qu'un morceau de mon beau panache. Des estafilades zèbrent mon pelage, le sang goutte sur mes pattes blanches. Je boîte, je sais que je boîte, voilà longtemps que ma patte arrière gauche ne me répond plus correctement...

Mais j'y suis parvenu, et c'est tout ce qui compte.

 Mon regard mordoré contemple, à présent, ce doux jardin secret où j'ai passé tant d'années, l'herbe courte et douce, les pâquerettes et les massifs de primevère, le vieux chêne noueux, fendu en son centre par la foudre, des dizaines d'années auparavant, laissant une petite cavité dans laquelle les écureuils construisaient leurs nids au printemps. Le petit ruisseau qui chantonne, les galets multicolores et la petite balançoire, accrochée à une branche du vieux chêne.

Est-ce un miracle qui a épargné cet endroit ? Je ne saurais le dire. Mais toujours est-il que mon jardin est intact, il est là, présent, toujours aussi vivant. 

Je sens presque des larmes rouler sur mon museau pointu se fondre dans mes moustaches. 

Il est presque comme je l'avais laissé quand je suis parti. Quand je me suis enfui, plutôt. 

Il n'y manque qu'une chose.

Elle.

J'ai encore l'impression de sentir son parfum de fleur sauvage, mais c'est impossible, ma raison me le crie. Cela fait tant d'années qu'elle m'a quitté...

Je m'appelle Lixy. Renard de mon état,  j'erre et je chasse là où les hommes veulent bien de moi.

Je suis comme le vent, je me faufile, je me murmure et je m'enfuis après quelques flâneries.

Trop vieux pour un renard, ma simple existence relève du miracle ; je n'en n'ai plus pour longtemps et je le sais.

Mais qu'importe ? 

J'ai vécu ma vie pleinement, et je suis prêt à accueillir la Mort comme une amie.

Mais avant cela... Je voudrais me rappeler.

Je m'appelle Lixy, renard de mon état.

Et avant de mourir, j'aimerai vous parler d'Annie.

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