Chapitre 8

—Bienvenue chez moi !

Je retire mes chaussures dans l'entrée et suis Pye. Je suis étonnée de me retrouver dans un appartement aussi petit. D'après ce qu'il a raconté à mon père la veille, il semble plutôt riche, et je m'attendais à voir une habitation plus... moderne. Et plus grande.  L'entrée est en fait un couloir qui mène à plusieurs portes. Une de ces portes mène à la cuisine qui donne elle-même sur le salon, alors qu’une autre mène à un second couloir qui mène aux chambres. Les portes qui restent relient le couloir aux toilettes et à la salle de bain.

— Voici le salon. Les toilettes sont de l'autre côté, si tu as besoin, et la salle de bain juste à côté.

Je le suis à travers les couloirs. Même si l'appartement est petit, c'est un vrai labyrinthe ! Je remarque cependant qu'il n'y a aucune photo de famille accrochés sur les murs. Ni de photos de lui, ni de ses parents. Rien du tout. Les murs sont blancs, vide. Cela me rappelle qu'il ne voit pas souvent ses parents et cela me fait de la peine pour lui.

— Et voici ma chambre ! C'est là que l'on va travailler.

Je rentre et cela me rassure d'un coup. Sa chambre ressemble beaucoup plus à une chambre de jeune homme. J'avais peur qu'elle soit aussi vide que le reste de la maison. Mais non, les murs contiennent quelques photos et quelques posters, cela me rassure. Elle a beau n'être pas très grande, sa chambre est bien rangée et contient de l'espace. Son lit double est collé contre le mur, sous la fenêtre, et sur ma droite il y a son bureau et des étagères. De l'autre côté de la porte il y a une télévision avec une console de jeux vidéo. Un garçon normal, quoi. Pendant que j'observe sa chambre dans l'encadrement de la porte, je vois Pye du coin de l'œil qui retire quelque chose sur le mur au-dessus de son bureau pour le ranger dans son tiroir. Curieuse, je m'avance vers lui et regarde discrètement le mur. Il y a un cadre avec quelques photos. Des photos de lui avec des amis, principalement Timothé et l'autre garçon du café. Et au milieu de toutes ces photos, il y a un trou. Plus exactement il manque une photo. Il a retiré une photo pour ne pas que je la vois. Je ne peux m'empêcher de me demander ce que cette photo montrait. Peut-être une photo d'une fille ? Peut-être son ex petite-amie. Ou peut-être une photo de moi. Non, n’importe quoi !
Je réprimande ma conscience. Pourquoi un garçon comme lui, magnifique et populaire, parce que oui en deux jours il arrive à être populaire, s'intéresserait à une fille comme moi, banale et victimisée par la plus jolie fille de la classe ? Non, c'est impossible.

Je ne sais pas pourquoi cette pensée me fait de la peine. Je finis quand même par arrêter de penser à ça puis je m'installe à côté de lui pour commencer à travailler. Lorsque je m’assois, mon regard est attiré par un vase que je n’avais pas vu dans un coin du bureau. De ce vase s’élève une magnifique rose. Je tique en la voyant. Une rose bleue. En la voyant, j’ai comme une sensation de déjà-vu. Pye se rend compte que je la regarde et pose sa main sur mon bras. Je tourne la tête vers lui, et il me sourit.

— On s’y met ?
— Oui pardon. C’est juste étonnant de voir des roses de cette couleur. Je crois que c’est la première fois que j’en vois une en vrai.

Il tend la main pour toucher les pétales du bout du doigt, et me regarde à nouveau.

— C’est une rose éternelle. Elle est magnifique, n’est-ce pas ?
— C’est vrai.

Il reste une seconde silencieux alors de se ressaisir et se reconcentrer sur les cours, signe que la conversation est close. Je jette un dernier regard à la rose, sans réussir à mettre le doigt sur l’explication de ma sensation de déjà-vu, mais rien n’y fait ;

J'ai appelé mon père en sortant du lycée pour lui conter mon problème. Il s'est bien moqué de moi, ça c'est clair. Nous commençons alors à travailler pour s'arrêter seulement deux heures plus tard.

— Bon, on va peut-être s'arrêter maintenant, me propose Pye. Ça te dit je te prépare une spécialité de chez moi ?
— Avec plaisir ! Je m'écrie, affamée.

Je le suis jusque dans la cuisine, où je m'assoie autour de la petite table ronde en bois. Je le regarde s'affairer sur la cuisinière, pendant qu'il me raconte comment c'était avant qu'il ne déménage en France.

— Ça avait l'air vraiment bien. Tu aurais préféré rester là-bas ?
— C'est vrai que c'était bien. Mais je suis très heureux d'être venu ici.
Il plonge son regard dans le mien avant de continuer.

— J'y ai retrouvé quelqu'un qui m'est très cher.

Il détourne les yeux vers sa poêle ou chauffent deux steaks, pendant que je me demande ce qu'il voulait dire. Pourquoi il m'a regardé comme ça ? Peut-être que cette personne qu'il a retrouvée est en fait la personne sur la photo qu'il a retiré de sa chambre quand je suis arrivée ? Peut-être que c'est sa petite amie et qu'il m'a regardé de cette façon pour me faire comprendre qu'il avait quelqu'un dans sa vie et que je n'avais donc aucune chance ? Arrête de te faire tout un scénario ! Il est juste poli et il te regarde en te parlant c'est normal c'est juste de la politesse voilà, je tente de me convaincre moi-même.
Il m'interrompt dans mes pensées en posant devant moi une assiette contenant le steak, accompagnés par des légumes dont je ne connais pas le nom, le tout grillé.

— Et voilà ! Mademoiselle est servie ! Bon appétit !

Il s'assoit en face de moi et me sourit avant de me servir un verre d'eau. Je lui réponds et me coupe un bout de viande avant de le mettre dans ma bouche. Il a un gout légèrement sucré, ce qui est étonnant pour une viande dans ce genre, et l'extérieur est légèrement dure et fondante à l'intérieur.

— C'est délicieux.
— Merci.

Il me fait un grand sourire auquel je lui réponds.

— Comment tu as fait ?
— C'est de la magie, me répond -il avec un clin d'œil.

Après cet échange, nous terminons de manger en silence, puis après avoir récupéré nos affaires, il me raccompagne chez moi.
Dehors il fait complètement noir, et les lampadaires éclairent très peu, mais nous voyons correctement quand même. Nous avançons en silence. Un silence que je finis par briser lorsqu'on arrive devant chez moi.

— Merci beaucoup de m'avoir raccompagnée, mais tu sais ce n’était vraiment pas la peine.
— Ne t'inquiète pas puis je préfère être avec toi, on ne sait jamais ce qui pourrais arriver.

Je ne sais pas pourquoi mais ces paroles sont lourdes de sens. Je le vois tourner la tête vers la droite, et il se met à fixer quelque chose avec un regard froid. Je tourne la tête pour voir ce qu'il regarde. Il regarde en direction du petit bosquet qu'il y a à une cinquantaine de mètres de mon appartement. Soudain, quelque chose bouge dans l'ombre et je vois alors ce qu'il fixe de cette manière.
Ou plutôt qui il fixe. L'homme de mes cauchemars est là, à moitié caché par un arbre et à moitié éclairé par un lampadaire. Je me fige. Il regarde dans notre direction et je sens son regard sur moi. Ses yeux rouges luisent dans la pénombre et ses doigts s'enfoncent dans l'écorce de l'arbre, qui crisse lorsqu'il se brise sous sa force. Je regarde Pye, affolée. Il regarde toujours dans la direction de l'homme, et quand je tourne la tête une nouvelle fois, il n'y a plus rien. Il n'est plus là.

—C'est quoi « ça » ? Je demande à Pye, affolée.
— De quoi ? Me demande t'il en plongeant son regard profond dans le mien.
— Tu l'as vu aussi bien que moi !
— Je ne vois pas de quoi tu parles Elisabeth, enfin.

Il pose une main sur mon front.

—Tu as de la fièvre, tu as du prendre froid à rester dehors comme ça. Tu dois avoir une hallucination. Il n'y a rien là-bas.

J'ai envie de lui crier que c'est la peur qui me donne chaud, mais j'ai l'impression qu'il a vu cet homme, lui aussi, et qu'il essaye de me convaincre qu'il n'y avait personne. Il essaye de m'induire en erreur. Mais je l'ai bien vu, et j'ai senti son regard perçant. Je n'ai pas de fièvre, ni d'hallucination. Je n'ai pas froid, au contraire. J'ai chaud. J'ai peur. J'ai peur parce que Pye le vois aussi. Cet homme est bien réel. Et il n'est pas normal. Et je ne pense pas qu'il soit là, qu'il se manifeste ainsi, pour me faire du bien. Non. Il est là pour me faire du mal, et Pye le sais, il sait quelque chose, et il tente de me le cacher.

— Eli !

Je me tourne vers Chloé et lui sourit. Le dernier cours de la matinée viens de se terminer, nous n'avons pas cours cette après-midi. C'est pour cela que nous nous retrouvons tous les trois chez moi pour regarder un film. Chloé et moi sortons de la classe et rejoignons Arthur qui nous attend devant les portes. Il nous fait un grand sourire et nous partons jusqu'à chez moi. Sur le chemin, je me sens heureuse : Arthur est redevenu comme avant et a passé son bras sur mes épaules. J'en profite pour me coller à lui. Nous décidons de commander des pizzas. Je décide de commander au téléphone pendant qu'on est sur le chemin, comme ça on n’attendra pas trop longtemps avant de les recevoir chez moi. Arthur me lâche donc, pour mon plus grand désespoir. Quelques minutes après avoir raccrocher, nous arrivons chez moi. Pendant que Chloé prépare le salon, je prépare les boissons. Soudain je sens une présence derrière moi. Je me retourne et me retrouve en face d'Arthur. Mon souffle se coupe et mon cœur s'accélère quand je vois à quel point il est proche de moi. Il sourit et se rapproche encore de moi. Je recule et me retrouve coincée entre le plan de travail et le corps d'Arthur, qui se rapproche encore.

— Qu'est-ce que tu fais ?  Je lui demande en chuchotant.

Il lève la main et il replace une mèche de cheveux derrière mon oreille.

— Je regarde à quel point tu es belle.

J'avale doucement ma salive en réalisant ce qu'il vient de me dire. Mon cerveau est en mode off.
OH.MON.DIEU. Il rapproche son visage du mien et ferme les yeux. Dans l'espoir qu'il m'embrasse, je ferme les yeux aussi. Je sens son visage tout près du mien. On va le faire. On va s'embrasser. Cette fois rien ne pourras nous en empêcher...
Soudain la sonnette retentit et Arthur et moi sursautons.

— Euh... Ça doit être les pizzas... Je bégaye. J'y vais...

À contre-cœur, je m'écarte de lui et le contourne pour aller à la porte. Effectivement c'est bien le livreur de pizzas. Je paye, et retourne dans le salon où Arthur a rejoint Chloé. Il n'ose pas me regarder lorsque je pose les pizzas sur la petite table. Nous mettons tout en place et je lance le film. On s'installe dans le canapé, moi au milieu, et nous regardons le film d'horreur en dégustant nos pizzas qui sont très vites avalés. J'ai beau l'avoir déjà vu plusieurs fois, ce film me fais toujours autant flipper. Je me cale dans le canapé, et me cache dans l'épaule d'Arthur toutes les dix minutes, ce qui a le don de le faire rire. Et je vous assure que je n'en profite pas ! Enfin, juste un petit peu, mais j'ai bien le droit non ?
Pourtant, sans que je puisse tenter une nouvelle fois quelque chose, l'après-midi était déjà terminée. Lorsque j'ai regardé l'heure pour la première fois, il était 18 heures.
J'avoue que je suis dégoutée qu'ils aient à partir, mais comme on dit, toutes les bonnes choses ont une fin.

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