Chapitre 4

Je me réveille en sursaut. Je m'assois sur mon lit et allume la lumière. Je suis en sueur et ma respiration est saccadée. Je jette un œil au réveil, il est 9h15. Je pose ma main sur mon cœur et le sens battre très vite. J'essaye de respirer lentement mais rien n'y fait.
La porte de ma chambre s'ouvre en grand et claque contre le mur. Mon père se précipite sur moi. 

—Elisabeth, ça va ? 

Je me tourne vers lui et il me prend dans ses bras. Je le sers fort contre moi, essayant d'oublier les horribles images de ma mère.

—J'ai fait un cauchemar, ce n’est rien.

"Non, ce n'est pas rien, le gars que tu as vu hier soir à ta soirée te poursuit dans tes rêves et il a l'intention de te torturer ! " me crie ma conscience.

Je me force à sourire à mon père. Il s'assoit à côté de moi et replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

— Ce n’est rien, mais tu pleures, Eli. 

Je passe mes deux mains sur mes joues et renifle, alors que mon père me tire contre lui. 

—Tu veux me raconter ? me demande t'il.
— Je ne me rappelle pas très bien...

Je préfère mentir à mon père plutôt que de lui avouer que j'ai rêvé de maman, Graham et lui en tant que cadavres, et encore moins de nous avant son accident. Cela a beau faire trois ans qu'elle a disparu, il ne s'en remet toujours pas. Ça doit être très dur pour lui, de plus que c'est lui qui conduisait la voiture lorsque le camion les a percutés du côté passager. Il s'en veut énormément et j'essaye de parler le moins possible d'elle devant lui. Il me sourit et m'embrasse sur le front. 

—Va te laver et viens dans le salon, je vais te préparer un chocolat liégeois comme tu les aimes et te mettre un film. 

J'essaye de protester mais il refuse catégoriquement. Je n'ai donc pas d'autre choix que d'aller prendre une bonne douche et de venir m’enrouler dans une couverture sur son fauteuil avec une tasse de chocolat bien chaud et des dessins animés, -mon pécher mignon. Je le remercie et il s'assoit à côté de moi et je le remercie une nouvelle fois de rester avec moi alors que je sais qu'il ne supporte pas les films d'animations. Et cela me fait très plaisir. Il toujours fait ce genre de choses lorsque je suis triste ou malade, et ce depuis que je suis enfant. Que ce soit moi, Graham ou ma mère, il a toujours tenu à s'occuper de nous lorsqu'on faisait un cauchemar qui nous faisait nous réveiller, il dit que " cela nous empêche d'y repenser et de le refaire le soir." Entre nous, sa méthode, quoiqu’un peu tirée par les cheveux, a toujours marché, du plus loin que je me souvienne, en tout cas.
C'est ainsi qu'on a passé la matinée, tous les deux dans le canapé, regarder des films.
À midi, il a commandé des pizzas. Nous nous sommes régalés.
À 14 heures, je vais me préparer pour rejoindre Chloé, Graham et Arthur à la patinoire. A 14h30, je les retrouve devant la porte. Il manque juste Chloé. J'en profite pour discuter avec mon frère de ce que je n'ai pas abordé à ma soirée.

— Et l'armée, alors, c'est comment ?
— C'est beaucoup de travail. Vraiment beaucoup de travail. Et des voyages aussi. Mais ça me plait vraiment.
— Tu es allé où dernièrement ?
— En Guadeloupe. J'ai dormi dans une toile de tente pendant 5 mois, c'était long ! 

Je rigole un peu, et jette un coup d'œil à Arthur. Il me regarde discrètement et je ne peux pas cacher le sourire qui se forme sur mon visage.

—Et les amours ? 

Il rougit et je devine qu'il y a quelqu'un dans sa vie. Je me mets à sautiller partout en criant. 

—Calme toi, je ne t’ai rien dit encore ! s'exclame-t-il en riant.
— Mais je te connais par cœur ! Elle s'appelle comment ? Elle habite où ? Elle à quel âge ? Tu l'as rencontrée où ? Tu sors avec depuis quand ?
—Oula, ne t’emballe pas Eli, Je ne sors pas avec elle.
— Donc tu es amoureux. Et elle ? Elle est amoureuse de toi ?
— Je ne sais même pas...

J'ouvre la bouche en grand. Mon grand-frère me fait penser à un ado timide.

— Tu devrais te lancer tu sais, je lui dis en lançant un petit regard en coin à mon meilleur ami.
— Tu crois ? Me demande-t-il, et un instant, j'ai l'impression de conseiller un ami.
— Bien-sûr ! 

Nous sommes interrompus par Chloé qui arrive en sautant partout tant elle est heureuse d'aller à la patinoire. C’est la première fois de la saison que nous y allons, et je sais qu’elle adore ça.  Nous entrons dans le bâtiment et après plusieurs minutes, nous entrons sur la patinoire. Elle n'est pas bondée, mais pas vide non plus. Il y a déjà une petite vingtaine de personnes. Peu importe, nous nous lançons. Rapidement nous sommes tous les quatre séparés. Chloé et moi nous débrouillons plutôt bien alors que les garçons sont un peu à la traine, et Chloé refuse qu'on les attende. Nous avons alors quelques tours d'avance sur eux. On s'amuse bien à nous moquer d'eux, mais je sens une légère tension entre Arthur et moi, comme s'il essayait de m’ignorer. Mais je passe à côté, je suis là pour m’amuser, et je suis trop heureuse de revoir Graham pour me préoccuper de ce genre de choses. Et je suis sûre que ce n’est que dans ma tête, avec ce qu’il s’est passé hier soir. Quand j’y repense, nous étions à deux doigts de nous embrasser… 

Cela fait un peu plus une heure et demi que nous sommes là, et la patinoire s'est considérablement remplie. Après plusieurs bonnes chutes de chacun d'entre nous, et particulièrement de Graham, nous prenons la décision d'aller faire un tour dans un café pour se réchauffer un peu avec nos éternels chocolats chauds. Nous nous dirigeons alors vers la sortie. Pour narguer Graham, qui est juste derrière moi tandis qu'Arthur et Chloé sont un peu plus loin, je patine vers l'arrière. Je lui tire la langue mais quand je me retourne je me cogne contre quelque chose que je comprends vite être quelqu’un. Je tombe sur les fesses et l'homme dans qui je suis rentré tombe à côté de moi, heureusement pour lui, pas sur mes patins. Alors que Graham se moque de moi, je passe une main dans mes cheveux pour les remettre en place je lève les yeux vers le garçon et me fige. Sans me contrôler, un sourire se forme sur mes lèvres.

Je me retrouve face au garçon aux yeux vert du café.

Il me sourit et se lève rapidement, avant de me tendre la main. Seulement je glisse et me retrouve tout contre lui. Je rougis en ne pouvant retenir un rire nerveux et m'éloigne. 

—Excuse-moi, je lâche.
—Tu vas bien ? Me demande t'il.

Je reste bloquée sur sa voix. Elle est grave, comme celle d'un chanteur, et résonne dans ma tête comme une mélodie. 

—He-ho ? 

Je secoue la tête pour reprendre mes esprits et ne peux cesser de le regarder dans les yeux. 

— Oui, je ... Je commence à bégayer. Oui, euh, je suis désolée, je ne regardais pas où j'allais.
—Ce n’est pas grave, me dit 'il en souriant. 

Oh.Mon.Dieu, ce sourire. Lorsqu'il rit, ses fossettes remontent et ses yeux se plissent, et il ressemble à un ange. 

— Tu n'es pas blessé au moins ? Je demande quand même, en faisant comme si je ne sentais pas de chaleur monter en moi sous son regard et que je prie intérieurement pour ne pas qu'il le remarque. —Non, ne t'inquiètes pas, il m'en faut plus que ça pour me faire mal. 

Il me refait son sourire divin.

— Je m'appelle Pye. 

Pye. C'est donc le nom de ce garçon qui me fait tant d'effet alors que je ne le connais même pas. C'est fou ce qu'il le porte bien. Je lui rends son sourire. 

— Elisabeth, je réponds. 

Nous nous regardons quelques secondes dans les yeux, sans parler, et je ressens soudain comme un vide autour de moi. Je ne vois que lui, n'entend que le son de sa respiration. Quelque chose, ou plutôt quelqu'un, me sort de mon état second en posant sa main sur mon épaule. Je tourne machinalement la tête vers mon frère. 

—Eli, on y va. 

Graham me sourit, avant de faire un signe de tête à Pye, comme pour lui dire « C’est bon, je prends le relai ». Je me tourne vers ce dernier, lui fait un sourire, lui murmure un "Aurevoir" et suit mon frère. Nous rejoignons mes amis qui sont déjà sortis en train de retirer leurs patins. Ils n'ont pas vu la scène qu'il vient de se passer et commencent à se plaindre du temps que nous avons mis pour sortir de la patinoire. Nous les imitons et avant de sortir, je jette un dernier regard vers la pièce, où je croise une dernière fois le regard de ce garçon, dont je me détourne rapidement pour garder mon envie d'y retourner.

Dans le café, Graham nous parle de son amour, prénommée Stephanie. D'après ses dires, c'est la fille parfaite. Brune, grande, elle a de très nombreuses qualités intérieures. Il nous raconte comment il l'a rencontré, par hasard durant un entrainement et qu'elle était venue voir son frère. Elle lui avait tout de suite tapé dans l'œil. Pendant qu'il nous raconte ça, mon esprit diverge vers Pye. Je me demande si je vais le revoir. Je m'en veux de penser à lui alors qu'Arthur est juste à côté de moi, mais c'est plus fort que moi, ce garçon m'attire. 

—Eli ! Graham me sort de mes pensées. Tu m'écoutes ou pas ?
—Oui, excuse-moi. Tu disais ? 

Mon frère soupire en me lançant un regard désespéré. 

— Je te demandais si tu avais une idée de ce que je pouvais faire. Chloé me menace de me jeter sa tasse dans la tête si je ne lui envoie pas un message tout de suite pour l'inviter à boire un verre. 

Je regarde cette dernière, qui me lance un regard complice et entendu. J'attrape ma tasse d'un air détaché avant de la porter à ma bouche et d'avaler une gorgée du liquide brulant. Je plonge mon regard dans celui de mon ainé. 

 Non, je trouve que c'est une bonne chose, envoie un message ou tu te prends deux tasses. 

Je le vois soupirer et j'exquise un sourire. Il jette un regard à Arthur qui le regarde avec un air désolé. 

— Comment tu fais pour les supporter tout le temps ? 

Arthur hausse les épaules, un léger sourire aux lèvres. Graham finit par prendre son téléphone et envoie un message à Stephanie. Je vois bien qu'il est stressé, il se ronge les ongles en attendant la réponse. On le rassure pendant quelques minutes jusqu'à ce que son téléphone émette un bref son, indiquant l'arrivée d'un message. Je le vois hésiter, mais il ferme les yeux, attrape son téléphone et lit le message qu'il vient de recevoir. À ses yeux, je comprends qu'elle a accepté. Il se met à sautiller sur sa chaise, fou de joie. 

— Elle a dit oui ! 

Je suis très contente pour lui et je rigole. On le conseille et nous discutons de tout et de rien pendant encore quelques heures.
Il est 18 h lorsqu'on se sépare et que mon frère me raccompagne chez moi. Il ne s'est rien passé de spécial avec Arthur. Pas de frôlements intentionnels, pas de regard en coin insistant, rien. Cela me peine un peu. 

Graham se gare devant la maison. Je me tourne vers lui. 

—Tu ne veux pas rentrer, juste deux minutes ? 

Il me regarde, hésitant. 

— Je ne sais pas... 

J'ouvre la portière côté passager. 

— Aller viens, ça fait 3 ans que tu ne l'as pas vu !

Je sors et il me suit, un peu à contre-cœur. Je rentre dans la maison et appelle mon père. 

— Papa, je suis rentrée. 

Je me dirige dans le salon et je me place devant lui, et Graham se place à mes côtés. Je les vois se jeter des regards. Mon père se lève, et sous mon regard étonné, prend Graham dans ses bras. 

— Tu m'as manqué, mon fils, dit mon père. 

Je souris à les voir s'enlacer de cette façon et décide de les laisser discuter un peu. Je m'éclipse discrètement vers ma chambre. Je ferme ma porte et pose mon sac près de mon bureau. Je me laisse tomber sur mon lit en soupirant et regarde quelques instant mon plafond. Mon esprit divague sur Pye. C'est quand même étrange, j'ai la sensation de le connaitre. Sa façon de m'attirer, de me faire me sentir à l’aise… Comme s’il était mon ami, alors que je ne le connais depuis hier, et encore je ne lui ai parlé pour la première fois il n'y a que quelques heures. Je n'ai aucune idée du temps qu'il s'est écoulé depuis que je me suis allongée dans mon lit et que je pense à Pye, mais mon père arrive dans ma chambre tout sourire pour me dire que le diner est près et que Graham mange avec nous ce soir, et, je suis heureuse qu'ils se soient réconciliés.
Je me change rapidement pour mettre un jogging et un gros pull en laine que ma mère m’avait tricoté il y a quelques années. Je les rejoins dans la cuisine, où les deux hommes sont attablés et rient ensemble. Je m'installe avec eux et les observe sans les interrompre. Graham est le portrait craché de mon père, avec plusieurs années de moins. Je me mets à manger en silence, n'osant pas les interrompre. 

Vers 21 heures, mon père propose à Graham de rester dormir. Il tente de refuser, mais nous insistons et il finit par renoncer. Il va poser ses affaires dans son ancienne chambre, et nous passons la soirée tous les trois, comme au bon vieux temps, sans cris, ni disputes, juste une famille, unie comme avant.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top