Chapitre 23:
Le lendemain soir, je ferme la porte du café et me retrouve face à Harry. Il m’a prévenu un peu plus tôt dans la journée qu’il m’attendrait à la sortie du boulot pour aller boire un verre chez lui, et j’ai accepté. J’ai suivi les conseils de mes amis et je lui ai parlé de l’opportunité de rencontrer son père pour chanter, il était ravi de ma décision. Même si je reconnais, je stresse.
— Tu es prête ?
— Oui !
Il me sourit et me tend son bras, que je regarde un instant avec hésitation, mais je fini tout de même par l’agripper. J’ai croisé Pye aujourd’hui, mais il m’a ignoré, me fuyant presque. En y repensant, mon cœur se serre, c’est plus fort que moi. Dans la voiture, Harry essaye de me détendre en me racontant des blagues, des petites histoires, mais contre toute attente, plus nous avançons, moins bien je me sens. Au bout d'un moment, Harry s'arrête devant une grande maison, coupe le moteur avant de faire le tour de la voiture et de m’ouvrir la porte et se met devant moi.
— On est arrivés.
Je me rends compte seulement à ce moment-là que non seulement je n'ai aucune idée de l'endroit où on se trouve, que la maison, qui est en fait un manoir, est située dans une ruelle sombre, et qu'en plus, c'est la seule maison dans un périmètre d'au moins 200 mètres. Plus tout à fait sûre de moi.
— On dirait la maison du diab… Je commende à dire avant de m'interrompre.
Soudain tout devint clair dans mon esprit. L’histoire que m’a racontée Pye prend tout son sens : Harry est son cousin, et depuis que je le côtoie je ne vois plus la forme noire qui semblait me suivre il y a plusieurs semaines. Harry serait donc, dans la logique… le fils d’Hadès ? Je sens mon cœur tomber au fond de ma poitrine. Je suis tombée dans un piège. Dans son piège. Et Pye m’avait prévenu.
— Je, euh... Je viens de me souvenir que j'avais quelque chose de prévu... Je... je dois y aller !
J'essaye de reculer, et quand je vois un sourire triste se former sur son visage, je comprends qu'il est trop tard. Je tente le tout pour le tout et je fais demi-tour pour tenter de m'enfuir.
— Je suis désolé, je l’entends me dire.
Malheureusement, je me cogne contre quelque chose, ou plutôt contre quelqu'un, qui m'attrape le bras pour m'empêcher de bouger. Le cœur battant, je relève la tête et me fige une nouvelle fois. Je sens mes jambes se dérober sous mon poids. L'homme aux yeux rouges me sourit. Un sourire malfaisant, qui provoque une vague de frisson dans tout mon corps.
— Bonjour Elisabeth. Tu m'as manquée, tu sais.
Je crie en essayant de me débattre, mais il me retient très fortement.
— Harry, dit froidement Hadès.
— Oui, père !
Je ne comprends pas ce qu'il se passe, jusqu'à ce que je ressente une forte douleur derrière le crâne, suite à un coup. Et tout doucement, tout devint noir, et je plonge dans les ténèbres.
Je n'ai aucune idée du temps que j'ai passé en étant inconsciente, mais lorsque je me réveille, je suis assise sur une chaise. Une forte lumière m'empêche d'ouvrir entièrement les yeux. Mais quand j'y parvient enfin, je suis heureuse d'être assise, car sinon je serai tombée. Je suis sur un morceau de roche d'environ deux mètres de diamètre, entouré de lave. Après quelques secondes d'observation, je me rends compte de l'endroit où je me trouve : Je suis en Enfer. Je ne vois pas d’autre solution.
— Ta nouvelle maison te plait ?
Je sursaute et me tourne vers la personne qui vient de me parler : Harry. Une grande colère me prend soudain.
— Laisse-moi sortir ! Je lui hurle.
Il est assis en tailleur au bord d'un rocher voisin de celui sur lequel je suis. Pour mon plus grand étonnement, il arbore un sourire presque triste. "Ne te laisse pas amadouer Elisabeth ! " me crie ma conscience.
— Ça ne sert à rien de t'énerver tu sais, me répond -il calmement.
Ces mots ont justement l'effet inverse, mais je me retiens tout de même.
— Pourquoi vous faites ça ?
— Parce que mon père veut voir Pye marié a Serina.
— Et si Pye ne veux pas ?!
— Eli, notre monde ne fonctionne pas pareil que le tien.
— Premièrement ne m'appelle pas Eli, pour toi c'est Elisabeth. Et ensuite, je n'ai jamais demandé à être mêlé à votre monde.
Harry esquisse un sourire et se lève.
— Sauf que tu aimes Pye.
Je ne réponds pas. Je le regarde dans les yeux et comprend qu'il sait ce que je ressens pour son cousin.
— Elisabeth, me dit -il en soupirant. Ça crève les yeux que tu l'aimes. Même pour moi qui ne connait pas l'amour, je le vois.
— Je n'y suis pour rien, je réponds après un petit temps de silence.
Je baisse le regard pour regarder la lave en fusion qui passe autour de la roche où je me trouve. Mon esprit s'évade et je me mets à penser à Pye. Je l'aime, je le sais, et maintenant, je vais mourir sans avoir pu le lui dire. Tout ça parce que j'ai été égoïste ! Parce que j’ai choisi la facilité ! Et mon père, et Graham, et Chloé, qu'est-ce qu'ils vont devenir si je disparais sans jamais revenir... Je n'ai même pas eu le temps de leur dire une dernière fois que je les aimais. Je me fais interrompre dans mes pensées par Harry qui m'interpelle.
— Elisabeth, je peux te poser une question ?
Il regarde partout autour de lui comme pour vérifier, et il semble un peu gêné.
— Je t'écoute, je réponds froidement.
— C'est quoi, l'amour ?
Sa question me coupe le souffle. Le fils d'Hadès, le Dieu des Enfers, qui me demande ce qu'est l'amour ?
— Je... Euh, l'amour c’est... Quand on est heureux d'être avec une personne, quand on pense tout le temps à elle... Qu'on a envie de le rendre heureux, de lui faire plaisir. Parfois, même on pense plus au bonheur de l'autre qu'à son propre bonheur.
Alors que je cherche ce que je pourrais lui dire de plus, il me demande :
—C'est ce que toi tu ressens avec Pye ?
Je réfléchi. C'est vrai que je ne me suis jamais posée la question. Je sais que je l'aime, mais est-ce que je l'aime vraiment de cette façon ? Cela fait quelques mois que je le connais, et je sais qu'il m'attire, que je l'aime, mais est ce que je ferais tout pour lui, pour le rendre heureux ?
Et c'est là que je réalise. A quelques heures de la mort, et par celui qui est en fait mon ennemi, je réalise à quel point je suis dingue de Pye, et cela va bien au-delà de l'amour de passage qu'on pourrait ressentir au lycée. Non cette fois c'est bien plus fort. Je comprends enfin ce qu'est mon destin, et mon destin est d'être avec Pye. Il est mon âme-sœur, et c'est pour cela qu'il m'a poursuivi pendant les siècles, essayant de me sauver pour enfin vivre l'histoire d'amour qu'il mérite. Et moi je viens de gâcher toutes ses chances de le vivre en suivant Harry jusqu'ici.
— Oui, je réponds en relevant la tête. C'est ce que je ressens quand je suis avec Pye.
Je le vois baisser la tête, et c'est à ce moment-là que je décide que quoi qu'il arrive je me battrais pour être avec lui. Je ne mourrai pas sans lui avoir dit que je l'aime.
— Je crois, je l’entends murmurer. Je crois que je sais ce que c’est…
Il détourne la tête, et soudain, j'entends de faibles applaudissements et je relève les yeux pour voir Hadès arriver à côté de son fils, qui se relève d'un bond, accompagné d'une jeune fille d'environ mon âge.
— Quel magnifique discours, me dit -il avec un air ironique pas du tout discret. Que c'est triste qu'il ne le sache jamais.
— C'est ce que tu crois, je réponds en essayant d’avoir l’air sûre de moi.
Il me lance un regard noir et je vois qu'il doit se retenir de me tuer tout de suite. Je ne sais d'ailleurs pas ce qui le retient de le faire maintenant, mais dans tous les cas cela me laisse du temps pour trouver comment m'échapper ici, même si cela semble impossible.
— C'est ce que l'on verra, mais je te trouve quand même en très mauvaise posture.
Je ne peux pas répondre, parce que je sais qu'il a totalement raison. Ce qui lui arrache un rire.
— Sinon, continue-t-il, fier de lui, je te présente ma fille, Serina, et la future femme de Pye.
Je ne peux m'empêcher de ressentir une douleur intense dans la poitrine, en imaginant que Pye devrait se marier avec une autre fille que moi. Je relève la tête pour la regarder. Elle est belle, et même très belle. Elle ressemble aussi beaucoup à Harry
Serina a de longs cheveux ébènes, un visage fin, des lèvres fines mais pulpeuses à la fois. Et enfin, des yeux, d'un bleu si clair qu'ils paraissent presque blancs. Elle était vraiment belle, cependant, elle semblait triste.
— Mais ce qui est dommage pour toi, ajoute Hadès, c'est que tu ne seras même plus là pour assister à ça.
Je serre les dents. A chaque seconde qui passe, je me rends compte à quel point il va être difficile, voire impossible de me sortir de là.
— Et qu'est-ce que ça va t'apporter ? Je me lance. Si Pye ne veut pas épouser ta fille maintenant, il ne voudra pas l'épouser après ma mort non plus.
Quitte à mourir, au moins se battre avant.
Le regard d'Hadès devient aussi noir que les cheveux de sa fille, et l'instant d'après, il se trouve devant moi, fou de rage. Il m'attrape par la gorge et me soulève à quelques centimètres du sol, comme si je pesais le poids d'une plume. Ma respiration commence à se couper alors que j'essaye, - en vain- de me débattre.
— Finalement, je vais attendre un peu avant de te tuer. Avant ça, je vais m'amuser un peu avec toi.
Je sens ses mains me lâcher. Mais alors que je pense que je vais sentir le sol sous mes pieds, je me sens voler et une douleur me frappe tout l'arrière de mon corps. Je me retrouve étalée au sol, au pied d'un mur de roches, à l'autre bout de la « pièce » pourtant immense. Mon souffle se coupe sous le choc. J'essaye de me relever, mais je ne peux pas. C'est comme si la douleur avait paralysé toute ma colonne vertébrale.
De plus, je ne sens plus mon bras gauche, celui qui a subit le plus gros choc contre le mur.
— Alors ? me demande Hadès en se rapprochant de moi.
Je ne l'ai même pas vu approcher. Il continue.
— Comment tu comptes faire pour survivre, alors que tu ne peux déjà plus te lever.
Je dois admettre qu'il n'a pas tort. J'ai envie de me battre, mais cela ne m’aidera pas. Plus personne ne peut plus rien faire pour moi.
Une douleur dans les côtes me sort de mes pensées. Je m'écrase cette fois-ci de l'autre côté. Cet homme, qui n'en est pas un, me balade comme une vulgaire poupée de chiffons.
— Je vais commencer par te frapper, te mutiler. Et ensuite, c'est Harry qui s'occuperas de toi.
J'entends vaguement Harry s'énerver au loin, mais je ne comprends pas ce qu'il dit.
— Bien sûr que si, lui répondit son père. Comment pourrai réagir mon merveilleux neveu, s’il apprenait qu'avant de mourir, tu lui avais pris ce qu'elle n'a jamais pu lui donner ?
Je retiens mon souffle à l'instant même où je comprends de quoi il parle.
— Non !
Je parviens juste à hurler mon mécontentement et voit le sourire qui se forme sur le visage de son assaillant. Le pire dans tout ça, c'est qu'il est fier de parvenir à obtenir ce qu'il désire. Je pense que le contraire n'aurait pas été digne du Dieu des Enfers.
— Je vous en supplie, je tente. Tout ce que vous voulez, tuez-moi, tout, mais pas ça.
Son sourire s'agrandit.
— Elle me supplie, comme c'est mignon. Harry, occupe-toi d'elle.
— Mais père, je...
Il s'arrête de parler en plein milieu de sa phrase, sous le regard froid de son père. Je le vois soupirer, puis s'approcher dangereusement de moi. J'essaye de me tirer vers l'arrière comme je le peux, mais mon corps est trop lourd pour mes bras épuisés et blessés. Je sens les mains de Harry se poser sur moi au moment où mes yeux rencontrent les siens. Il semble en proie à un combat intérieur.
— Je suis vraiment désolé Eli, crois-moi je...
— Dépêche-toi d'en finir, l'interromps froidement Hadès.
Harry soupire en soulevant mon t-shirt. Je le repousse comme je peux, mais que faire avec mes bras engourdis et ma tête qui commence à tourner.
— Je t'en prie, je laisse échapper en sentant une larme couler contre ma joue. Je te faisais confiance…
— Je ne peux rien faire, me répond -il en m'ôtant entièrement mon t-shirt.
Je me retrouve en soutien-gorge, et je peine à baisser le regard sur mon corps meurtri par les coups et les bleus.
— Je suis désolée Pye, je lance dans un dernier souffle avant de fermer les yeux.
Je me laisse aller contre le sol froid alors qu'au loin un bruit sourd comme une explosion retentit.
— Elisabeth !
J'entends du bruit et des voix autour de moi, je sens des mains sur mon corps et lentement, mon esprit embrumé s'éteint et tout deviens noir autour de moi.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top