Chapitre 15
—Tu n'es pas aussi joyeuse que d'habitude.
Je lève la tête de la bière que je suis en train de préparer et mon regard croise celui d'Harry.
—Oh Harry, excuse-moi je ne t'avais pas vu arriver.
— Ça ne répond pas à ma question.
— Ah c'était une question ?
Il me sourit.
—Tu as raison, c'était plus une affirmation. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
— Là c'est une question.
— Arrête de jouer à ça Elisabeth, dis-moi ce qu'il se passe.
Il a l'air vraiment inquiet. Je soupire.
— Ce n'est rien.
— Tu peux me raconter.
Je vais déposer une bière au client au bout du bar et revient me mettre en face de lui.
— Pourquoi je ferais ça, je dis. Je ne te connais même pas.
Son sourire se transforme en un rictus.
— Parce que tu en colère contre une personne, que cette personne n'est pas ici et que c'est la seule capable de te calmer. Et que je suis justement devant toi et qu'en attendant ça te calmera un minimum de parler à quelqu'un qui est d'accord pour t'écouter, ajoute-t-il avec un grand sourire enfantin.
Je le regarde, incapable de comprendre comment il fait pour me cerner aussi bien.
— Certes, tu as raison, je finis par dire. Cependant, je ne te raconterais rien.
Il ne me répond pas, et je lui lâche un sourire.
— Mais merci quand même. Même si mon problème n'est pas réglé, tu m'as remonté le moral.
Il me sourit à son tour et je lui sers son café.
— Et devant un verre, serais-tu plus encline à parler avec moi ?
Je relève la tête vers lui. Il est sérieux ? Il remarque que je semble perplexe, et se penche sur le bar pour se rapprocher de moi.
— Ou alors pour faire plus connaissance, et si jamais tu décides de me parler, je serai l’oreille prête à t’écouter. Tu as l’air d’être une fille maligne, je suis sûre que tu as plein de choses intéressantes à raconter.
Il me fait un clin d’œil amical, et je me fais soudain la réflexion qu’une petite sortie de ce genre ne me ferai pas de mal. Après tout, je suis une jeune femme de 18 ans, célibataire, et je pense qu’aux vues de mes derniers échecs amoureux, je ne vois pas pourquoi je m’empêcherai de prendre du bon temps avec un jeune homme que je trouve tout à fait charmant. Et faire des nouvelles rencontres ne me fera pas de mal.
— Pourquoi pas, je finis par répondre.
— Super, à quelle heure tu finis ?
Je jette un regard à l’horloge au fond du bar.
— Dans 20 minutes.
— Ok, super, je te laisse terminer ton service, et je t’attends devant.
Il me tend un billet de cinq en m’intimant de garder la monnaie et se lève pour sortir du bar. Je reste une seconde à le regarder partir en me demandant si j’ai bien fait d’accepter. Quoi qu’il en soit, il est trop tard pour revenir en arrière. Et puis, Harry est très mignon, très agréable comme personne, et il ne cache pas son attirance pour moi.
Une demi-heure plus tard, je sors du bar après avoir enfilé mes vêtements civils et retrouve Harry, assis sur un banc en face du bar, en train de fumer une cigarette. Je ne savais pas qu’il fumait, et je n’avais même pas senti l’odeur de tabac sur lui lorsque je l’ai vu les quelques fois où il est venu au bar.
—Ah, Elisabeth, tu es enfin là !
—Désolée pour mon retard, je dis.
— Ce n’est pas grave, dit-il. Je ne suis plus à dix minutes près. On y va ?
Il me tend son bras après avoir jeté sa cigarette, et je l’attrape en souriant.
—On y va !
Il m’accompagne jusqu’à une voiture, une grosse berline noire. Je ne m’attendais pas à ce qu’il ait ce genre de voiture en étant aussi jeune. Il m’ouvre la portière côté passager et m’invite à monter. Je m’installe, et il referme la porte avant de faire le tour de la voiture et de s’installer derrière le volant. Au moment où il démarre la voiture, je tourne la tête vers le bout de la rue qui mène au bar, et mon cœur s’emballe une seconde lorsque je croise le regard émeraude de Pye au bout de la rue. Il se fige une seconde, d’abord étonné de me voir dans une voiture, et soudain je perçois une lueur de colère passer dans son regard lorsque la voiture démarre et que je disparais de son champ de vision.
—Où vas-t-on ? Je finis par demander au bout de plusieurs minutes.
—Dans un endroit que tu vas adorer.
Le mystère qu’il laisse planer autour de notre destination m’effraie, bien qu’une pointe d’excitation pétille au fond de mon estomac. Je lui lance un regard discret pour l’observer : il est concentré sur la route, un sourire en coin collé au visage. Il est assez mignon, quand on s’y penche un peu plus. Ses yeux sont étonnement bleu presque blancs lorsque le soleil filtre à travers les vitres de la voiture pour inonder son visage. Ses cheveux bouclés tombent légèrement sur son front, et une mèche cache légèrement son œil. Dans un sens, il me fait penser à Pye. Physiquement parlant. Il y a un air, même très léger, de ressemblance.
Je secoue la tête. Je refuse de penser à Pye. Visiblement, il n’y a qu’à mes yeux que nous sommes un couple, et je refuse de me laisser abattre de cette façon. J’ai déjà été déçue lorsque Arthur m’a repoussée, alors je refuse de rester atteinte de cette façon. Et Harry semble être un garçon très agréable, alors autant tenter de passer un bon moment en sa présence.
Il finit par se garer dans une petite rue. J’hésite un instant à sortir de la voiture. Même si Harry à l’air très gentil, je ne le connais pas, et je suis montée avec lui en voiture, et nous voilà dans une petite ruelle un peu sombre, où il n’y a absolument personne. La rue me rappelle celle où je me suis fait agresser après ma soirée avec Arthur au restaurant et je ressens un frisson parcourir mon corps. Le temps que je mets à hésiter, Harry ouvre la portière côté passager et me tend la main.
— Tu viens ?
« Au diable, j’y vais ! »
Quitte à prendre des risques, autant y aller. Au rythme où va ma vie en ce moment, j’ai besoin de me sentir vivante, et quelle est la meilleure façon de le faire que de suivre un inconnu dans une ruelle sombre ? Je suis totalement inconsciente, je le sais. Mais une part de moi me pousse à y aller.
Avec un sourire, j’attrape la main que Harry me tend, et il me tire en dehors de la voiture. Je referme la portière derrière moi, et il garde ma main dans la sienne pour me tirer un peu plus profondément dans la ruelle. L’adrénaline monte de plus en plus dans mon corps, mais finit par se calmer lorsque l’on s’arrête devant une porte entourée de néons rouges et violets. Je lui lance un regard, avant qu’il ne pousse la porte et nous rentrons dans ce qui semble être un bar.
Et je ne m’étais pas trompée. Il s’agit bien d’un bar, mais en prime, c’est un bar karaoké. Il y a déjà un groupe de garçon et un groupe de filles installés, tandis qu’un deuxième groupe de filles est déjà installé sur la petite estrade qui sert de scène, en train de chanter et de danser sur la musique de « One way or another » de Blondie à la façon du film Coyotte Girls.
— Bon, il n’y a pas encore grand monde à cette heure-là, mais je me suis dit que ça te ferai peut-être plaisir.
Je lui lançais un regard en coin, avant de lui sauter au cou.
— J’adore !
Harry eu d’abord un mouvement de recul avant de rire. Puis il m’attira vers une table libre et m’invita à m’assoir sur la banquette.
—Je vais nous chercher à boire, qu’est-ce qui te ferai plaisir ?
—Je ne sais pas, qu’est-ce qu’il y a comme Cocktail ?
— Attend, me dit-il avant de me tourner le dos, je sais exactement ce qui pourrais te faire plaisir.
Je le regarde s’éloigner vers le bar et héler le barman. Je me fais interrompre dans mes pensées par un homme vêtu d’une chemise avec le nom du bar sur le torse qui me dépose une carte avec le nom des chansons disponibles au karaoké. Je le remercie et il disparait de mon champ de vision. Je me mets à feuilleter le livret pour repérer un peu les chansons. Je repère tout de suite quelques titres qui me plaisent, et Harry revient avec deux verres et en fait glisser un devant moi. Je repose le livret et observe le cocktail qu'il vient de déposer. Il a une couleur rouge avec un fond légèrement violet.
—Qu'est-ce que c'est ? Je demande, intriguée.
—Spécialité du bar. Ça s'appelle Le Styx. Normalement il n'est pas trop fort en alcool, il a un goût assez fruité.
Je porte le verre à ma bouche et une odeur sucrée empli mes narines. Je plonge mes lèvres sur le verre et le sucre posé sur les bords frétille sur ma langue en rentrant en contact avec le liquide. Un mélange de saveur, mélangeant la douceur des fruits rouges avec l'acidité de l'alcool.
—C'est délicieux ! Je m'exclame lorsque le liquide coule dans ma gorge.
—Je savais que ça te plairait, me lance le jeune homme en portant à son tour son verre à la bouche, sans pour autant me quitter des yeux.
Son verre, quant à lui, révèle un liquide brunâtre, que je suppose être du Whisky. Une boisson d'adulte. Cette pensée me fait penser que je ne connais même pas son âge.
— Je ne t'ai demandé même pas quel âge tu avais ? Je lui lance de but en blanc.
Il manque de s'étouffer avec sa boisson et pouffe.
— Et ça te prend comme ça, d'un coup ?
— Il faut croire.
Je lâche un léger rire en me rendant compte du ridicule de la situation.
— J'ai 21 ans. Toi je suppose que tu as tout juste la majorité ?
— C'est ça.
Un soulagement me prend. En un sens, j'espérais que je n'étais pas en rencart avec un homme beaucoup plus âgé que moi. " Un rencart ? Est-ce que c'en est vraiment un au moins ?"
Je secoue la tête. Peu importe ce que c'est que cette soirée, je suis bien décidée à m'amuser. Je reprends le livret que je pose entre nos deux verres.
—Tu comptes aller chanter ? Me demande t'il en jetant un regard sur le groupe de jeunes filles qui descendent de l'estrade pour laisser place à un homme seul.
— Je ne sais pas encore. Il y a plusieurs musiques que j'aime beaucoup, mais je ne sais pas si j'aurai le courage d'y aller.
— Prend le courage alors. Tu as un très grand talent.
— Peut-être pas non plus...
— Prend un peu confiance en toi ! Au pire des cas, on est là pour s'amuser, et je serai déçu que tu ne t'amuses pas complètement.
Sur ces mots, il me tend un petit papier ainsi qu'un crayon. Je me penche dessus pour lire qu'il s'agit d'une petite fiche d'inscription pour aller chanter.
– Lance toi, me dit -il avec un sourire.
Je claque ma langue à mon palais en attrapant le petit papier posé devant moi. Je le parcours des yeux, et un des titres du livret me saute aux yeux. Un seul regard vers Harry et il m'encourage à me lancer. Je soupire et je dépêche de noter mon nom et e nom de la chanson que j'ai choisi avant de changer d'avis.
Il me fait un grand sourire et attrape le papier pour aller le déposer au DJ. Je soupire en sentant mon cœur s'affoler dans ma poitrine. A part au "Foudre de Zeus", je n'ai jamais chanté devant un public. Harry doit sentir mon stress car il passe la main au-dessus de la table pour attraper la mienne et la serrer.
—Arrête de paniquer. Ce que tu as fait la dernière fois était incroyable, et ce soir ce sera pareil.
Je lui réponds par un sourire. Sentir qu'il croit en moi plus que moi-même me réconforte, et soudain, je me sens plus courageuse. Enfin, jusqu'à ce que j'entende une voix derrière moi.
— Elisabeth ?
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