Chapitre 14
— Hey, on se voit ce soir ?
Je sursaute lorsque Pye pause sa main sur mon épaule, à la pause déjeuner. Je me retourne vers lui et passe mes mains autour de son cou.
— Je ne peux pas, je travaille au bar ce soir, je te l'avais dit, en plus.
— Ah oui, c'est vrai j'avais oublié.
Il fait la moue, mais ça ne l'empêche pas de poser ses mains sur mes hanches.
On est très proches l'un de l'autre physiquement, et mentalement aussi, mais malgré toutes mes tentatives, il ne m'a toujours pas embrassé. Ni demander de sortir avec lui, d'ailleurs. Alors nous sommes de plus en plus proches chaque jour, mais notre relation reste coincée entre meilleurs amis et petits amis. Et cela fait trois semaines qui ça dure, depuis que j'ai eu une conversation au bar avec Chloé.
Et également trois semaines depuis que l'homme a essayé de me tuer dans mon sommeil. Mais depuis ces trois semaines, il ne se passe plus rien. J'ai voulu en parler avec Pye, mais à chaque fois, soit je n'y pensais pas, soit il faisait semblant de ne pas m'écouter. Et c'est la seule chose que je lui reproche, avec le fait de ne pas prendre les devants.
—Et on se verras quand du coup ? me demande-t-il, toujours avec une petite moue sur le visage.
— On a qu'à se voir ce week-end ? Je propose.
— Avec plaisir. Samedi après-midi ?
— Ça marche !
C'est ainsi sur cette fin de conversation que je rejoins Chloé.
Le soir, je rejoins le bar à pied. Pour ce début de mois de mars, il fait étonnement bon. Je n'ai pas revu Pye depuis ce midi, je ne l'ai pas trouvé et je ne voulais pas arriver en retard au travail. C'est mercredi soir et il y a souvent du monde. Lorsque j'arrive, tout le monde me salue et je me dirige tout de suite dans la remise pour me changer. Enfin, j'enfile juste un simple t-shirt noir avec un éclair jaune sur le sein droit, avec mon nom écrit dessus. Puis je me dirige au bar où le patron m'explique les tables qui ont commandé et celles qui ne l'ont pas fait. Me mettant tout de suite au travail, je commence par servir les tables qui ont commandé car elles sont moins nombreuses. Enfin, "nombreuses" est un grand mot. En réalité, il n'y a que quatre personnes qui n'ont pas été servies, alors qu'il y en a cinq qui attendent pour passer commande. Une fois toutes les personnes servies, je me dirige vers les tables n'ayant pas commandé. Un homme rentre dans la salle, me sourit et va s'asseoir au bar. Je reconnais tout de suite. C'est le garçon de la dernière fois lorsque j'étais avec Chloé, le brun aux yeux bleus. Il vient tous les jours au bar. Après avoir servi tous les autres clients, je me dirige derrière le bar et me met en face de lui.
— Bonjour ! Qu'est-ce que je vous sers ? je demande très poliment.
— Bonjour, un déca s'il te plait. Et tu peux me tutoyer, on doit avoir quasiment le même âge.
Il me sourit et je me mets à bloquer sur son sourire. Il est canon quand même. Non, il ne faut pas que je pense à ça, j'ai Pye.
— Ça marche !
Je me retourne pour lui faire son café et le patron viens se mettre à côté de moi.
— Eli, il y a des clients qui voudrait que tu nous fasses une petite chanson, et ils n'osaient pas te demander. Comme là il n'y a pas trop de monde je peux m'occuper des clients pendant 5 minutes. Tu serais d'accord ?
— Je ne sais pas trop, patron... Je suis là pour travailler vous savez.
— Allez, s'il te plait, juste une chanson !
— Si vous insistez, je lâche avec un léger sourire poli.
Un peu à contre cœur, je me dirige vers la petite estrade et tous les regards se tournent vers moi. Le groupe de client, le même qui était présent le jour de mon anniversaire, se met à crier et à demander une chanson. Malgré tout, cela me fait très plaisir et je ris avec eux.
— C'est bon, c'est bon, d'accord !
Je me mets en place et la musique commence. J'ai décidé de chanter "I’m still Standing » d’Elton John. Et ça à l'air de faire son effet. Un couple se lève et se met à danser, tout le monde rigole. C'est vrai qu'il y a une très bonne ambiance ici, et je m'y sens comme chez moi. A la fin de la chanson, je m'incline sous leurs applaudissements et je rejoins le bar, et tout redeviens comme avant.
—Et bien, en plus d'être super jolie, tu as du talent.
Je me retourne vers le garçon aux yeux bleus, toujours assis au bar, et je rougis inconsciemment.
— Merci beaucoup...
— Je m'appelle Harry.
Il me tend la main, et après une micro seconde d'hésitation, je finis par la lui serrer.
— Elisabeth.
— Je sais.
Je me fige.
— Comment ?
Il lève un sourcil et sourit.
— Ton nom est écrit sur ton badge.
Je jette un œil au petit éclair, et je me sens soudain très bête.
— Ah oui, c'est vrai.
Harry se met à rire et je fini par l'imiter.
— Non, vraiment, tu as une sacrée voix, tu as déjà pensé à te lancer dans la chanson ?
— Non, c'est plus un passe-temps, je ne me vois pas en faire mon métier.
— Tu sais je pense que tu devrais y réfléchir à deux fois.
Il sort une petite carte de sa poche et me la tend.
— Mon père est agent et il serait très heureux d'avoir une fille comme toi dans son équipe.
Je regarde la carte et y vois le nom de son père, Monsieur Hellish. « Hell », comme « Enfers » Hum, pas très accueillant comme nom. Mais pas de numéro de téléphone. Étrange pour une carte de visite.
— Si jamais tu changes d'avis, tu n'as qu'à m'appeler ou te laisser un message.
Il attrape la carte que j'ai posé sur la table, sors un stylo de je ne sais pas où et note un numéro de téléphone au dos de la carte, qu'il me tend une nouvelle fois avec un grand sourire.
— Merci, j'y réfléchirais.
Il me regarde un instant dans les yeux et je n'ose pas bouger. Puis il laisse un billet de 5 euros sur le bar attrape ses affaires et se lève.
— Garde la monnaie, ça me fait plaisir. Et n'hésite pas à m'appeler, même si ça ne concerne pas la musique.
Il me fait un clin d'œil et s'en va en me lançant un " A bientôt" et sors du bar alors que je reste bloquée sur la porte. Je ne peux pas m'empêcher de penser à Pye et de me dire que comparé à lui, Harry, lui, sait montrer que je lui plais.
Je n'ai pas arrêté de penser, malgré moi, à Harry toute la soirée. Même si j'avoue que je m'en veux un petit peu pour ça car j'ai déjà Pye. Ils sont tous les deux le jour et la nuit, le ciel et la terre, l'ombre et la lumière.
— Eh, tu te réveilles Eli ?
Je me tourne vers Chloé qui me regarde, son sandwich dans les mains, arrête à mi-chemin entre la table et sa bouche.
— Excuse-moi je pensais à quelque chose.
— Tu pensais à Pyeeeee ? me demande-t-elle avec une vois langoureuse beaucoup trop exagérée.
Je lui réponds par un rire et me replonge dans mon déjeuner. En parlant de Pye, je n'ai pas de nouvelle de lui depuis hier midi quand on s'est donné rendez-vous pour ce week-end. Avec Chloé on mange dans la cour parce qu'exceptionnellement on n’a pas cours cette après-midi. J'ai prévu d'aller travailler au bar, mais j'aurais voulu le voir avant d'y aller. C'est pour cela qu'après avoir terminé de manger, je pars à sa recherche.
Et c'est au bout de 20 minutes que je le trouve. Malheureusement, je sens mon cœur se briser devant la scène qui se déroule devant moi. Pye et Amandine en train de rire ensemble, pendant qu'elle passe ses mains partout sur les bras de Pye. Jusqu'à maintenant je ne savais pas ce qu'était de ressentir de la jalousie, et j'aurais préféré ne jamais connaitre cette sensation. Folle de rage, je n'hésite pas un instant à me diriger vers eux. Lorsqu'ils me voient, Amandine me lance un sourire narquois alors que je ne vois que de la gêne sur le visage de Pye.
—Ça va je ne vous dérange pas ?! Je lance d'une voix qui se veut calme, malgré le fait qu'elle laisse transparaître mon agacement.
— Elisabeth, commence Pye, visiblement étonné de me voir ici. Mais...
— Mais quoi ? je lui aboie.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive, Elisabeth ? me demande Amandine, amusée de la situation.
— T'as pas l'impression qu’il y a un problème quelque part ?
Mon ton est agressif, mais j'essaye comme je peux de me retenir pour rester le plus calme possible, et j’avoue que j'ai beaucoup de mal à me contenir.
— Bah non, à ce que je sache vous n’êtes pas ensemble.
Sa voix est douce, mais elle me fait l'effet d'un poignard dans le cœur. Et elle ne se cache même pas pour le remuer dans la plaie.
Je me tourne vers Pye et le regarde dans les yeux. Je le supplie inconsciemment de lui répondre le contraire de ce qu'elle avance, mais il fuit mon regard et garde le silence.
— C'est bien ce que je me disais... laisse échapper Amandine, visiblement fière d'elle.
Je soupire, visiblement incapable de faire quoi que ce soit.
— Très bien, fini-je par dire. Alors amusez-vous bien tous les deux.
Puis, après avoir jeté un dernier regard mauvais à Pye, j’ajoute :
— Aurevoir, Pye.
Je leur tourne le dos et m'éloigne. Je les entends parler et le ton monter entre eux, mais je ne fais pas attention. J'essaye de retenir les larmes qui malgré moi menacent de couler sur mes joues. Alors que je sors du lycée, j'entends des pas précipités derrière moi, et je sais très bien qui c'est et c'est justement pour ça que je ne m'arrête pas.
— Elisabeth !
Je continue d'avancer.
— Eli ! me lance t'il en attrapant mon bras pour me forcer à m'arrêter et à le regarder.
— Pour toi, c'est Elisabeth.
Je m'étonne moi-même de rester aussi calme devant lui au lieu de lui balancer ma rage à la figure, et ma main avec. Mon cœur se brise encore une fois en même temps que son visage se décompose.
— Elisabeth, s'il te plait laisse-moi t'expliquer !
— Mais m'expliquer quoi ?!
Cette fois je m'emporte sans pouvoir me retenir.
—M'expliquer que tu te fous de ma gueule depuis près de deux mois ? Que je suis la seule à croire qu'il existe quelque chose entre nous ? M'expliquer que je suis la seule à être amoureuse ?
Je vois une étincelle passer dans ses yeux et un léger sourire se former sur son visage.
— Tu… Tu m'aimes ?
— Je pensais que tu le savais.
Je lui tourne le dos et recommence à marcher. Il me suit.
— Mais moi aussi ! crie t'il derrière moi. S'il te plait ne part pas, j'ai besoin de toi...
Je crois que cette fois c'était le mot de trop. Je m'arrête d'un coup et me retourne pour lui faire face. J'explose.
—Arrête ! m'écriais-je. Arrête ! Arrête de me faire espérer des choses que tu ne me donneras jamais ! Va avec elle puisque tu y tiens tant ! Mais ne viens plus vers moi, je ne veux plus te croire. C'est toi qui venais me parler et maintenant que je crois qu'il existe quelque chose entre nous, je réalise que je me suis trompée parce que t'es pas foutu de dire ce que tu ressens pour moi ! A supposer que tu ressens bel et bien quelque chose pour moi. En fait depuis le début tu ne fais que jouer avec moi et...
— Je n'ai pas joué avec toi Elisabeth ! me coupe t'il. J'étais sérieux dans tout ce que j'ai fait pour toi.
Je sens qu'il va continuer mais je reprends avant lui.
— Alors prouve le Pye ! je crie en faisant un pas vers lui.
Je suis complètement désespérée. Mon visage est maintenant près du siens. Je sens mon cœur battre à une folle allure lorsque son regard dévie sur mes lèvres. Je veux qu'il m'embrasse. Qu'il m'embrasse et qu'il me montre, à moi et à tout le monde, les sentiments qu'il a pour moi. Qu'il me montre qu'il m'aime. Mais au lieu de ça, il soupire et baisse la tête. Une douleur me prend un nouvelle fois le cœur, et je baisse les yeux à mon tour.
— C'est ce que je pensais.
Je fais volte-face et commence à avancer.
—Eli, s'il te plait... se plaint 'il.
-Non Pye, Aurevoir.
C'est comme ça que je le laisse ici, planté devant le lycée, et que je m'éloigne, emportant mon cœur brisé avec moi, le plus loin possible de lui.
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