Chapitre 13

J'ouvre les yeux. Je ne suis pas dans mon lit.

Enfin, plus dans mon lit, du moins. Je me relève et baisse le regard sur mon corps. Je ne suis plus en pyjama, mais je porte une petite robe noire, accompagné de talons de la même couleur que je m'empresse de retirer. Je ne sais pas qui m'a mis ces escarpins, mais des talons dès le matin, non merci. Alors je les retire et je me lève en regardant tout autour de moi. Je suis dans un champ de roses. Plus exactement, de roses bleues. Et ce champ s'étale à perte de vue. Sans savoir où je vais, et surtout, pourquoi, j'avance dans cet océan de fleurs. Etrangement, il n'y pas de ronces. Je continue d'avancer. Je ne sais pas depuis combien de temps je marche, mais je finis par arriver à un chemin. Alors que je pose mon pied nu sur la terre, un vent remplit de sable m'entoure et je me baisse pour cacher mon visage. Le sable me fouette et me brûle la peau. Lorsque je ne sens plus rien, je me relève. Mon environnement a changé. Je suis dans une sorte de désert, mais tout est sombre. Juste à côté de moi, un unique lampadaire m'éclaire, moi et 1 mètre carré de sable autour de moi. J'entends soudain un rire derrière moi, et je me retourne en sursautant. Un homme se tiens face à moi. Il porte un long manteau noir, ainsi qu'une capuche qui cache son visage baissé. Je reste immobile. En réalité, c'est plutôt mon corps qui refuse d'obéir plutôt que moi qui ne fais aucun mouvement. Pourtant, des mots sortent de ma bouche.

— Qui es-tu ?

Second rire. Je continue de le regarder. Soudain il commence à relever la tête et j'aperçois ses yeux. Ils sont rouges, comme je m'y attendais.

— Et toi, me répond -il de sa voix rauque. Qui es-tu ?
—Très drôle, je réponds sans contrôler mes mots, qui sortent tout seuls de ma bouche. Tu sais très bien qui je suis.
— C'est vrai, finit-il par lâcher.

J'attends qu'il continue, qu'il me dise qui il est, et quel est son but. Je le vois afficher un sourire mauvais, et il se rapproche pour me murmurer à l'oreille.

— Je suis celui qui te tueras.

Ces mots me font l'effet d'un coup de jus. Un frisson parcourt mon corps. L'homme lève une main vers moi et caresse ma joue avec le dos de sa main. Ma tête m'ordonne de fuir, et cette fois mes membres lui obéissent. Je le repousse violemment et me met à courir le plus vite possible, le plus loin possible, malgré la tempête de sable qui ne fait qu'augmenter. Je l’entends rire et me crier quelque chose, mais je fais de mon mieux pour ne pas l'écouter. Je dois fuir, alors je continue de courir. Soudain, je n'entends plus ses pas derrière moi, mais par peur, je ne m'arrête pas de courir. Je ne dois pas m'arrêter. Mais je suis épuisée et mes jambes commencent à ne plus pouvoir me porter. La plante de mes pieds est en sang à force de courir. Je jette un coup d'œil derrière moi : Il n'y a personne. Il ne me poursuit plus. Pas tout à fait sûre de moi, je m'arrête et cherche partout autour de moi, mais il n'y est pas. Je souffle un bon coup, pliée en deux, me soutenant à mes genoux.

— Elisabeth ?

Je me fige. Je reconnais cette voix à la seconde où elle prononce mon nom. La tempête de sable s'arrête d'un coup, et je me tourne vers elle. Je me retrouve en face de ma mère. Je retiens mon souffle lorsqu'elle me sourit.

— Maman. C'est bien toi ... ?
— Oui ma puce, me répond -elle avec la voix douce avec laquelle elle me consolait quand j'étais triste ou malade. C'est bien moi.

Les larmes me montent aux yeux et je ne peux pas me retenir de me jeter dans ses bras. J'enfouis ma tête dans son cou, et d'ici, je sens l'odeur de l'adoucissant combinée à celle de ses cheveux. C'est la première fois depuis presque quatre ans que je sens son odeur, et cela augmente les larmes qui coulent déjà de mes yeux.

— Maman, tu m'as tellement manquée !
— Toi aussi ma puce, tu me manques beaucoup, mais...

Elle semble hésiter, et lorsque je relève la tête pour la regarder dans les yeux, j'y lis de l'inquiétude.

— Maman ?
— Il faut que tu partes, Elisabeth. Que tu t'enfuisses avant qu'il n'arrive.
— De qui tu parles maman ?

Je vois son regard se perdre derrière moi, et son expression change du tout au tout.

— Trop tard... souffle-t-elle.

Je me retourne pour suivre son regard, et comme je m'y attendais, l'homme est là.

— N'oublie jamais que je t'aime, Elisabeth.

Je me retourne brusquement vers ma mère pour l'empêcher de partir, de me laisser une nouvelle fois, mais son regard a une nouvelle fois changé. Il n'est plus celui d'une mère aimante, mais un regard plein de haine. Ce n'est plus le regard vers émeraude de ma mère, mais le regard rouge feu de l'homme qui semble vouloir ma mort.
Ma mère, possédée par l'esprit de mon ennemi, attrape ma gorge de ses deux mains. J'essaye de m'en défaire, mais je suis incapable de la frapper au visage, elle reste ma mère, ou du moins, elle reste juste son apparence. J'essaye de la repousser, mais plus je me débats, plus ses mains serrent mon cou, et je fini par de plus avoir de souffle. J'ouvre la bouche en grand pour tenter d'avoir le plus d'air possible, mais j'ai l'impression que ça à plutôt l'effet inverse. Le visage de ma mère devient de plus en plus flou, et je l'appelle désespérément une dernière fois, avant de ne plus rien voir. Dans un dernier souffle, et malgré les mains sur mon cou, j'hurle une dernière avant de tomber dans l'inconscience.

Je me surveille en sursaut. Mon père est assis sur mon lit et me tient les mains. Visiblement, il essaye de me réveiller depuis un moment.

—Papa ! Je crie en me plongeant dans ses bras.

Je regrette immédiatement d'avoir élevé la voix. Une vive brûlure me prend au niveau de la gorge. J'avale ma salive avant de me passer la main sur la nuque.

— Est- ce que ça va chérie ?
— Ça va mieux maintenant, je réponds.

Je jette un coup d'œil à mon réveil, il est 6 h du matin.

Je discute un petit moment avec mon père, mais je refuse de lui raconter mon cauchemar, parce que je n'ai pas vraiment l'impression que c'en était vraiment un. J'ai la sensation d'avoir réellement, le temps d'une nuit, rejoint ma mère, et que ce qu'il s'est passé là-bas était vrai. Et malheureusement, cette hypothèse se valide quelques minutes après, lorsque que je me rends dans la salle de bain dans le but de me passer de l'eau sur le visage, et que je découvre avec horreur que des bleus ornent mon cou, comme pour me montrer que cet homme essaye bel et bien de me tuer, et que cette nuit, il a presque réussi.

— Ma chérie, Chloé viens d'arriver ! me crie mon père derrière la porte.

Je lâche un soupir avant de vérifier ma gorge dans la glace. J'ai camouflé les marques de strangulation grâce à du maquillage. Je suis plutôt fière du résultat : Non seulement les bleus ne se voient plus, et en plus le maquillage n'est pas trop voyant. Mais pour être sûre que personne ne le voit, j'ai mis un gros pull a à col roulé et une écharpe.
Ce matin, après mon cauchemar, j'ai reçu un message de Chloé, qui me disais qu'elle voulait qu'on aille faire du shopping toute les deux cet après-midi, et on s'est donné rendez-vous à 14h, et la voilà devant ma porte à 14 heures tapantes. J'attrape mon sac et je la rejoins, puis nous partons pour le centre-ville.

— Il est tellement gentil, et mignon, et...
— Je sais ça fait 15 mille fois que tu me le dis.

J'interromps Chloé dans son discours sur " La perfection de Timothé". Elle voulait m'annoncer qu'elle sortait avec lui, c'est pour ça qu'elle voulait qu'on se voie.

— Je suis désolée de t'embêter avec ça.

Il est 17 heures lorsque l'on rentre au " Foudre de Zeus", les bras chargés de sacs. Des sacs appartenant pour la plupart à Chloé, d'ailleurs.

— Ce n'est pas grave, je lui réponds après que nous nous soyons installés à une table. C'est normal que tu sois contente que vous deux ce soit officiel.

Je ne sais même pas si mes propres paroles sont destinées à ma meilleur amie ou si en vérité je me parle à moi-même. Chloé semble d'ailleurs s'en apercevoir.

— Qu'est-ce qu'il se passe avec Pye, il ne t'a pas demandé de sortir avec lui ?
— Non, il ne fait rien, en fait. C'est comme si tous les deux on était ensemble, il se comporte tout comme en fait. La seule différence c'est qu'il ne me dit pas qu'il m'aime et qu'il ne m'embrasse pas. Il n'a même pas fait sa demande !
— Tu ne l'a jamais embrassé ?
— Non, je n'ai jamais embrassé de garçon et c'est pour ça que je voudrais qu'il prenne l'initiative de le faire, mais il l’air d'attendre que ce soit moi qui le fasse. Que ce soit moi qui fasse le premier pas.
— Et ça fait combien de temps que ça dure comme ça ?

En y réfléchissant bien, ça dure depuis bien longtemps avant que je n'aie le rendez-vous avec Arthur. Depuis presque depuis que je le connais.

— Presque un mois.
— Ah oui quand même. Et tu en as discuté avec lui ?
— Non, je n'ose pas, j'attends qu'il aborde le sujet.
— Et bien prend les commandes !
— Chloé tu écoutes ce que je te dis ? Je ne sais pas comment m'y prendre !
— Sans l'embrasser ou lui faire ta demande, montre-lui que tu veux qu'il le fasse !

S'il ne le fait pas, c'est qu'il ne t'aime pas et qu'il ne veut pas sortir avec toi.

— Merci, tu me rassures beaucoup Chloé.

L'espace d'un instant, j'essaye d'imaginer ce qu'il se passerai s’il avait raison, s’il ne m'aimait pas. Et je ne sais pas comment je ferai, parce que je suis vraiment devenue accro à lui.

—Moi je vais te dire ce que tu vas faire, me dit-elle après avoir remercié le patron qui venait de déposer nos boissons devant nous. Tu vas mettre la petite robe noire qui tu t'es achetée et tu vas l'inviter à passer la soirée avec toi. Tu lui feras à manger et ensuite vous irez jouer à un jeu, ou regarder la télé, et à ce moment-là, PAF, tu le plaque contre un mur, tu te rapproches de lui, tu le regardes dans les yeux, et là avec ta voix la plus sexy possible tu lui dis :" Je t'apprécie beaucoup tu sais, Pye. J'aimerai vraiment qu'on soit plus que des amis." Et là il tombe direct sous ton charme, il t'embrasse et le tour est joué !
— Je ne sais pas comment tu t'y prends avec les hommes mais ta vie de couple doit être super mouvementée.

Nous nous mettons à rire toutes les deux, puis reprenons notre sérieux, j'avale une gorgée de mon chocolat chaud.

— Non, honnêtement Chloé, s'il ne fait rien, il n'est peut-être juste pas prêt, alors je le laisserai faire et il prendra les devants quand il s'en sentira capable.

Nous buvons nos boissons en silence, jusqu'à ce qu'elle émette un rire léger.

— De toute façon, je pense que s'il ne t'aime pas vraiment, tu n'auras pas de mal à trouver quelqu'un d'autre.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Le mec là-bas te dévore complétement du regard, me dit ‘elle en m’indiquant du regard un point derrière moi.

Je me retourne pour suivre son regard et croise celui d'un jeune homme d'environ mon âge, brun aux yeux bleus. Il me sourit et me fait un petit signe et je me dépêche de me détourner.

— Arrête ça, Chloé.
— Ça peut être un bon compromis, me dit-elle. Il est canon !
— Chloé ! Je ne vais pas m’intéresser non plus à tous les garçons que je rencontre dans ce bar !
— Je n’y suis pour rien si tu as des touches !

Elle se met à rire alors que je suis rouge de honte.

Peu avant 18 heures, le patron viens nous voir à notre table.

— Salut les filles, dites j'ai un truc à vous demander.
— Oui bien-sûr, allez-y.
— Comme vous le savez certainement, je commence à me faire un peu vieux et je suis beaucoup moins productif qu'il y a quelques années. Et j'aimerai savoir si vous accepteriez un petit job de serveuse ici.
—Je suis désolée patron, commence Chloé. Mais pour moi ça ne va être impossible, je travaille déjà à la boulangerie à côté de chez moi. Vraiment désolée. Mais je suis sure qu'Elisabeth accepteras, elle !

Ils se tournent tous les deux vers moi et je leur souris.

— Ce sera avec plaisir patron, mais vous savez que j'ai mes cours et que je passe le bac en fin d'année.
— Je le sais bien ça, mais je ne veux pas te prendre tout ton temps libre, juste quelques heures par semaine, le soir après tes cours et le samedi. Tu pourras choisir les horaires que tu veux.

Je réfléchis l'espace d'un instant. Si je viens travailler ici deux heures tous les soirs en quittant directement des cours, ça me laissera presque deux heures de travail personnel chez moi pour mon bac. M'armant d'un véritable sourire, je me tourne vers le patron.

— Vous pouvez compter sur moi.

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