Chapitre 12

Le vendredi suivant arrive rapidement. Mon père était déjà aux fourneaux quand je suis rentrée des cours avec Pye.

— Salut les jeunes ! nous lance-t-il de la cuisine.

Nous lui avons répondu avant de nous diriger tous les deux vers ma chambre.
Je n'ai pas reparlé à Arthur depuis notre rendez-vous au restaurant. Chloé non plus d'ailleurs. Je l'avais appelée le dimanche après-midi, on avait discuté toute l'après-midi ! Elle a même commencé à peter un plomb quand je lui ai raconté ce qu'il s'est passé.

"-Qu'elle enflure ! " m'a-t -elle dit. " T'avoir repoussé comme ça, après tout ce qu'il t'a fait espérer ! Je ne l’aurais pas cru aussi lâche !
— Calme toi Chloé.
— Non je ne me calmerai pas ! D'ailleurs toi tu es trop calme ! Tu t'es faite repoussée par le garçon dont tu es amoureuse ! Ça devrait être à moi de te calmer et pas le contraire. "

Je n'ai pas osé lui dire qu'en réalité, ce qui m'a le plus énervée, c'est la scène qui s'est produite après le restaurant. Bien sûr que le fait qu'il me repousse ne m'a pas fait plaisir, mais j'en ai ressenti une certaine satisfaction, comme si désormais, j'étais plus libre.
Chloé s'est embrouillée avec Arthur, car même s'il m'a blessée, par rapport à moi, il y a aussi sa relation à eux. Elle estimait qu'il aurait pu lui parler de sa relation avec Léa, et il lui aurait répondu qu'il avait bien le droit à une vie privée et qu'il n'avait pas à lui raconter tout ce qu'il faisait. Même si d’un côté, il a raison, ce n’est pas une excuse pour nous mettre toutes les deux de côté, et ça l’a mise dans une rage folle.
En revanche de mon côté, plus le temps passe, plus les paroles de mon père tournent dans ma tête. Pye. Qu'est-ce que je ressens pour lui ? Une chose est sûre, c'est qu'il me plait. Mais de là à ce que j'en sois amoureuse ? Naaaan. Enfin... À vrai dire je n'en sais rien. Je n'ai jamais été vraiment amoureuse, à part d'Arthur. Surtout, je ne sais pas ce que LUI, ressent pour moi.
Mais cela ne m'empêche pas de passer de plus en plus de temps avec lui. Même le soir de la rencontre avec Sarah, la nouvelle petite amie de mon père (Même s'il ne l'a pas officiellement déclarée ainsi), il vient chez moi pour m'aider à réviser. Même si, depuis quelques jours, on passe plus de temps à rigoler et discuter que réviser. Et ce soir, cela n'échappe pas.

— Et là il s'en va, alors que c'est à cause de lui qu'elle a perdu son copain et sa meilleure amie ! Tu te rends compte !

Tous les deux allongés sur mon lit, lui adossé au mur et les pieds sur ma chaise de bureau et moi les jambes contre le mur, je lui raconte la fin du dernier livre que j'ai lu.

—Et bien, me répond -il. Ça a l'air d'être un excellent livre !
—Oui, j'ai hâte de lire la suite.

Il a l'air vraiment intéressé par ce que je lui raconte et ne m'interromps pas un seul instant lorsque je lui parle de mes lectures.

— Tu as l'air de beaucoup aimer lire.

Je tourne la tête vers lui, même si je le vois de travers.

—C'est une passion comme une autre. Mais quand je lis, j'ai la sensation de pouvoir m'évader. D'être dans un autre monde, comme si... Comme s’il pouvait se passer mille et une choses fantastiques. Comme si, j'étais dans la peau de quelqu'un d'autre, comme si je vivais dans un autre monde. Comme ça je peux vivre des aventures que je ne vivrais pas dans la vraie vie.

Il me regarde, un air sérieux collé au visage.

— Je sais ce que tu ressens, me lance-t-il au bout d'un moment.

Je lui souris et me relève pour lui faire face. C'est à ce moment-là que choisit mon père pour rentrer dans ma chambre.

— Ma puce, Sarah va bientôt arriver.

Puis, après m'avoir lancé un regard en coin, il se tourne vers Pye.

—Tu veux rester manger à la maison ?
—Papa ! je crie.
— Quoi ?

Il ne semble pas se rendre compte que sa demande est déplacée. Qu'il considère Pye comme mon petit ami devant juste moi, ce n'est pas grave. Mais qu'il agisse de la même façon devant lui, je ne suis pas d'accord.
Mais Pye ne semble même pas le remarquer.

— Oh, je ne voudrais pas rester ici et vous gêner.
— Oh mais tu ne nous gêne pas. Et puis j'ai fait beaucoup trop à manger pour seulement trois seulement. Et puis tu es le bienvenu parmi nous.

J'essaye de cacher le fait que je suis mal à l'aise. Pye va refuser. Il doit refuser. Non pas que je ne veuille pas passer encore plus de temps avec lui, au contraire, mais il ne se sentirait surement pas à sa place.

— Bon bah dans ce cas, j'accepte, merci.

Oh non. Il ne manquait plus que ça.

— Ça va comme ça ?
— Tu es très jolie, mais tu sais que ton père a dit que ce n'était pas nécessaire, hein ?

Je me tourne devant le miroir. J'ai enfilé la robe bleue de la dernière fois et je me suis fait une queue de cheval sur le côté, histoire de faire bonne impression, même si mon père juge cela inutile.

—Je veux faire bonne impression.

Je le vois dans le miroir s'approcher de moi, jusqu'à passer ses bras autour de mes hanches et à poser son menton sur mon épaule. À nous voir comme ça, on dirait un vrai couple. Cette pensée me fait monter le rouge aux joues.

—Tu sais que tu ferais bonne impression à n'importe qui, même avec un sac à patate sur le dos.

Il me sourit à travers le miroir.

— Oui, à tout le monde sauf à Amandine, je rétorque.

Pye lâche un petit rire avant de me lâcher à son tour. Il pose ses mains sur mes épaules et me fait pivoter vers lui, en me regardant dans les yeux.

— Elle est jalouse, c'est tout.

C'est à mon tour de lâcher un rire. Sauf que le mien est sarcastique.

—Je ne vois pas de quoi elle pourrait être jalouse. Elle est plus jolie que moi, à de meilleurs résultats...
— Mais elle n'a pas ton état d'esprit. Elle n'a pas ton caractère qui fait que personne, à part elle, ne peut te détester. Elle n'a pas cette chose que tu as qui fait que c'est toi que j'ai choisie et pas elle.

Mon souffle se fait plus court, alors que nos visages se rapprochent. Nos fronts sont les premiers à se toucher, puis ce sont nos nez. Je ferme les yeux, et désormais je ne sens plus que son souffle contre mes lèvres. Ses mains sont descendues jusqu'au miennes, et je sens nos doigts s'entremêler. Et soudain, je me rends compte, que ce n'est pas de l'attirance que je ressens envers lui, mais de l'amour. Je suis amoureuse de lui, et ça depuis la première fois où j'ai posé mon regard sur lui.
J'attends qu'il m'embrasse, mais il ne le fait pas. Seulement, je suis incapable de faire le premier pas de moi-même. Je n'ai jamais eu de vraie histoire d'amour, et donc je n'ai jamais embrassé quelqu'un. De plus, j'ai peur de me méprendre sur ses sentiments à lui. Après tout, je ne sais pas comment réagit un garçon amoureux. Ce qu'il se passe entre nous, c'est peut-être mon imagination. Mais comme s'il lisait dans mes pensées, il se rapproche de façon à coller son corps au miens. Peu importe comment ça termine, je veux juste être avec lui.

Il s'est écoulé exactement 5 minutes et 23 secondes depuis que mon père nous a laissés jusqu'à ce qu'il nous appelle pour nous annoncer l'arrivée de Sarah. J'avoue que je stresse un peu. Mais je suis sûre qu'elle aussi. Sentant probablement le trouble qui s'empare de moi, Pye attrape ma main pour la serrer dans la sienne. Je lui lance un sourire et je lis dans son regard qu'il est avec moi. C'est ainsi que je rencontre Sarah, la nouvelle petite amie de mon père.

—Et c'est comme ça que ton père et moi on a commencé à se côtoyer.

Je rigole en lâchant un regard en coin à mon père, dont les joues ont viré au rouge. J'ai presque dû obliger Sarah à me raconter comment elle et mon père se sont rencontrés, car il refusait de me le dire. Quel grand timide ! Cela fait déjà bientôt deux heures que Sarah est ici et elle est vraiment géniale. Ça m'a fait un choc quand je l'ai vu, car comme je m'y attendais, elle lui ressemble énormément. Elle a les mêmes cheveux blonds et les mêmes yeux verts. La seule grande différence c'est que Sarah à les cheveux bouclés et longs, alors que maman les avait raides et coupés en carrés. Et elles sont toutes les deux aussi belles. Même si ma mère restera la plus belle des femmes pour moi. Je ne veux pas les comparer, mais toujours, elles se ressemblent beaucoup, autant physiquement que mentalement. Elle est aussi très discrète. Elle ne m'a posé aucune question sur ma relation avec Pye. Elle ne m'a pas demandé s'il était mon petit ami, ou un simple ami, même si je pense qu'elle a sa propre idée sur la question, sachant que Pye a pris ma main dans la sienne sous la table.
Plus le temps passe et plus je l'apprécie. À la fin du repas, je l'invite même moi-même à revenir manger à la maison la semaine prochaine. Mon père à l'air surpris, mais très heureux que je m'entende bien avec elle. Et son bonheur fait le mien.  C'est sur cette dernière touche de bonheur que Sarah s'en va. Pendant que mon père la raccompagne jusqu'à sa voiture, je m'étale dans le canapé, suivie par Pye.

— Cette femme à vraiment l'air très gentille, me lance t'il.
— C'est vrai, je réponds toute sourire. Je suis contente que mon père sorte avec elle.
— Elle ressemble à ta mère.

Je ne réponds pas tout de suite, mais lui sourit. J'attrape sa main.

— C'est vrai.

Puis mon père remonte et propose à Pye de le ramener chez lui. Il accepte et ils s'en vont tous les deux. Après lui avoir fait un dernier signe par la porte, je soupire de joie. J'ai vraiment l'impression que notre relation évolue pour le mieux. Même si j'ai vraiment l'impression qu'il attend que ce soit moi qui fasse le premier pas.
Après avoir enfilé mon pyjama en pilou pilou gris (Parce que j'adooore les pyjamas en pilou pilou), je me fais une queue de cheval et m'assois à mon bureau. Je jette un œil à Olympe, qui est assis sur mon lit, là où était Pye tout a l'heure. Il me regarde et semble me demander où est passé son ami. Je lui lance une friandise, sur laquelle il se je jette en couinant, ce qui m'arrache un rire. Puis je me reconcentre sur mon bureau, et plus exactement sur la petite boite qui est posée dans un coin. Je l'attrape et la rapproche vers moi. Je lâche un soupir avant de soulever le couvercle. La boite, de la taille d'une boite à chaussures, déborde de lettres. Toutes sont de ma main et adressées à la même personne. Je farfouille un instant dans le tas d'enveloppe, puis quand je l'ai trouvée, attrape celle qui m'intéresse. Je l'ouvre, tout doucement, et en sort le papier gribouillé de mon écriture. Je relis la lettre en entier.

"Salut Maman.
Il y a un nouveau, dans ma classe. Il s'appelle Pye, et il est vraiment très beau. Désolée de te le décrire comme ça, mais c'est la vérité. Il a plein d'autres qualités aussi, mais je ne les connais pas encore. Mais je n'ai jamais vu de garçon aussi beau, c'en est presque inhumain. Et il est vraiment bizarre. Je veux dire, je l'ai rencontré le jour de mon anniversaire, et depuis, je le croise partout où je vais, comme s'il me suivait. Hier, je l'ai croisée à la patinoire et aujourd'hui, il s'est retrouvé dans ma classe, (ironie du sort, me diras-tu) mais c'est quand même étrange qu'il arrive dans une salle où la seule place vide est à côté de moi. Sans oublier qu'il n'a pas arrêté de me regarder, mais son regard était vraiment étrange, comme si...Comme s’il m'oppressait, tant il est intense. Mais le plus bizarre avec lui, c'est moi. Je me sens avec lui, comme avec quelqu'un que je connais depuis toujours. J'ai l'impression qu'il n'est pas là par hasard, c'est comme un pressentiment... Comme s'il avait un secret. Un secret que j'ai très envie de découvrir.
Je te donnerai des nouvelles de cette affaire, maman, je te laisse. Je t'aime. -Ta fille, Eli. "

J'avais écrit cette lettre le jour même de la rentrée, le soir même où il a dîné chez moi la première fois.
Je soupire. Il semblerait que je sois en phase de découvrir son secret. Enfin, peut-être est-ce pour bientôt. En tout cas, je l'espère.

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