Chapitre 10

- Non pas celle-là.

Je soupire une énième fois. Une serviette sur la tête pour mes cheveux mouillés, un short et un simple débardeur, je montre différentes tenues à Chloé et à Pye. L'une assise sur mon lit et l'autre assis sur ma chaise de bureau avec Olympe sur les genoux, ils me disent leurs avis sur chaque robe, chaque jeans, et chaque haut que je leur montre pour me trouver la tenue parfaite pour mon rendez-vous de ce soir avec Arthur. Je jette un coup d'œil à l'horloge. Il est 19h 05. Cela fait un peu plus d'une heure que Chloé est là pour m'aider. Pye est arrivé chez moi à 14 heures pour réviser et donc il est resté quand Chloé est arrivée, car comme elle dit, rien de mieux que l'avis d'un garçon.

- Tu devrais mettre une robe Eli !
- Mais on est en hiver ! Il fait froid !
- Tu seras dans un resto ! Tu seras au chaud.

Je regarde ma meilleure amie, exaspérée. Quant à elle, elle me fait un grand sourire. Mécontente, j'attrape une robe bleue sur le paravent et je glisse derrière pour me changer à l'abris de leurs regards. Lorsque je sors de derrière le paravent, je vois le visage de Pye s'éclairer d'un sourire.

-Tu es superbe, me dit 'il.

Je lui souris en le remerciant. Toute la journée je n'ai pas pu m'empêcher de repenser à ce qu'il s'est passé hier. Est-ce bien d'y repenser alors que ce soir je sors avec un autre ?

- Non, dit simplement Chloé.
- Quoi ?! Je m'écris.
- Certes tu as mis une robe, continue t'elle sans même me regarder. Mais je ne pense pas qu'elle soit appropriée.

Je me tourne pour faire face à la glace. C'est une robe à manches longues, au col rond, serrée au niveau de la taille et évasée sur la jupe. Je vois la serviette enroulée autour de mes cheveux et repense au compliment de Pye, qui me fait rougir. Je tourne vers Chloé.

-Je la trouve très belle. Elle fait sage, la matière est chaude et je suis très à l'aise dedans.
- Justement, reprend ma meilleure amie. Elle fait TROP sage. Tu as 18 ans merde ! Soit plus sexy !
- Je suis très bien comme ça Chloé. Et même Pye a dit que c'était bon !

Je lui lance un regard et il l'esquive en baissant les yeux en rougissant légèrement. Je tourne à nouveau la tête vers Chloé, mais elle me regarde comme si elle me disait "Ce n'est pas à Pye que tu dois plaire, mais à Arthur." Je soupire et attrape la prochaine robe et retourne derrière le paravent et me change. Lorsque j'en sors, je vois Pye se mettre à rougir et il détourne les yeux.

- Parfait ! s'exclame Chloé.

Je me tourne vers la glace. La robe est plutôt courte, moulante, mais surtout, rouge brillante. Le haut est transparent et à manches longues. Elle est belle et très sexy.

- Chloé, je ne suis pas à l'aise !
- Menteuse. Tu mets cette robe, tes talons noirs et ta veste en cuir. Tu vas être magnifique. N'est-ce pas, Pye ?

Nous nous tournons toutes les deux vers lui, et il s'échappe encore une fois de mon regard.

- C'est vrai, finit-il par dire.
- Tu vois ! Aller retire ta serviette que je te coiffe.

Je m'exécute et m'assoit par terre, dos au lit, tandis qu'elle commence à brosse mes cheveux encore mouillés. Elle me fait une natte africaine et on discute tous les trois. Puis elle se met à me maquiller, légèrement. C'est à ce moment que mon père entre dans la chambre pour me prévenir qu'il s'en va. Quand il me voit il se fige.

- Wow. Où est ma fille ?

Je rigole et me lève pour aller vers lui. Nous discutons un instant puis il s'en va après m'avoir embrassé la joue. Je retourne à mes amis, qui se préparent également à s'en aller. Chloé me souhaite une bonne soirée et s'en va, et je me retrouve face à Pye. Qui me sourit tristement.
Il se rapproche doucement de moi et pose sa main sur mon bras. Ce contact me donne des frissons et je prie intérieurement pour qu'il ne s'en aperçoive pas.

- Passe une bonne soirée alors.

Je le remercie et il part à la suite de Chloé. Je me retrouve seule, et me rend compte que depuis le départ de Chloé, je ne respirais plus. J'expire un grand coup et jette un œil à ma montre. Il est 20 heures piles. Comme pour le montrer, la sonnette retentit. Je sais que c'est Arthur, alors j'enfile ma veste en cuir et lui ouvre la porte toute sourire. Lorsqu'il m'aperçoit, je vois sa bouche former un "O" et le rouge lui monter aux joues. Il me sourit et je vois un air gêné sur son visage qu'il n'arrive visiblement pas à camoufler.

- Tu es superbe... me glisse t'il en prenant mon bras après que j'ai refermé la porte et avoir glissé les clés dans ma petite pochette.

Je le remercie et le regarde discrètement. Comparé à moi il porte des vêtements simples, en effet il ne porte qu'un jean et une chemise blanche. Même avec mes talons, il fait toujours quelques centimètres de plus que moi. Il me conduit jusque sa voiture, m'ouvre la porte et je monte côté passager. Il me rejoint et démarre. On roule en silence pendant près de dix minutes. Ce silence est étrange, mais surtout pesant. Comme s'il était entièrement fait de non-dit et de cachoteries. J'essaye de ne pas y penser car je ne sais pas si cette impression viens de moi, qui au lieu de penser au garçon assis à côté de moi, je n'arrive qu'à penser à Pye. Nous arrivons au restaurant. La serveuse nous installe sur une table dans un coin du restaurant. L'établissement est très joli et il n'y a pas beaucoup de monde à l'intérieur. Nous discutons de tout et de rien, sans en venir à la vraie raison de ce rendez-vous. La serveuse nous apporte nos plats et ça fait déjà bientôt une heure que nous sommes là. Et je commence un peu à m'ennuyer.
Je sais que c'est mal de penser ça, mais je suis sûre qu'avec Pye, je ne m'ennuierais pas.

Je secoue la tête comme pour retirer cette pensée de ma tête et me reconcentre sur la conversation avec Arthur. Tout en l'écoutant, j'avale mon plat. Délicieux, au passage !

Le temps passe lentement, mais malgré tout on en vient au désert. Je commande juste un thé tandis qu'il commande des profiteroles. Soudain il me regarde et semble gêné.

- Tu sais, je t'ai invité ici pour te parler de quelque chose.

Mon cœur s'emballe dans ma poitrine pendant que je porte ma tasse à mes lèvres. C'est enfin le moment fatidique de la soirée.

- Je t'écoute.

Je repose ma tasse et l'entoure de mes paumes, comme pour me réchauffer les mains alors que le liquide est déjà tiède.

- Je ne sais pas trop comment te dire ça... Commence t'il.

Il a vraiment l'air gêné lorsqu'il essaye de me parler et je ne sais pas pourquoi cela me fait le même effet.

- Vas-y. Tu sais que tu peux tout me dire.

Je ne sais pas ce qui me prend mais ma main lâche ma tasse pour se poser au-dessus de la sienne. Il relève la tête et plonge mon regard dans le miens. Il déglutit. Je le sais car je vois sa pomme d'Adam monter et redescendre.

- Je suis amoureux.

Il ne me regarde plus dans les yeux et retire doucement la main de la mienne alors que mon cœur s'emballe dans ma poitrine. Je ne sais pas quoi penser. Cela fait une éternité que j'attends ce moment et il est enfin là.

- Et de qui ? Je réussis à dire dans un souffle

Il semble hésiter et continue de ne pas me regarder en face.

Je n'attends qu'une chose, c'est sa réponse. Quand il finit par relever son visage vers moi, il semble désolé.

- De Léa.

Mon monde s'écroule autour de moi. Je déchante. Mes jambes flanchent et si je n'étais pas assise je tomberai surement. Ma mâchoire m'en tombe et je suis étonnée qu'elle ne se décroche même pas. J'espère sincèrement avoir mal entendu.

- Pa...Pardon ? Je bégaye.
- Je suis amoureux de Léa... Et ce n'est pas tout...

Le rouge lui monte aux joues et il continue.

- Je sors avec elle.

Je le regarde, presque choquée. Je ne comprends pas. Il y a encore deux semaines qu'il manquait de m'embrasser dans ma cuisine et là il en aime une autre ?

- Depuis quand ? Je parviens à demander.

Mon ton est froid, presque glacé.

- Depuis mercredi.

Malgré le fait que je le fixe, il ne me regarde pas dans les yeux. Je crois qu'il n'en a pas le courage.

- Et tout ce qui s'est passé entre nous ?
- Je sais c'est dingue, dit-il comme pour se défendre, Je croyais vraiment être amoureux de toi !

A ces mots mon cœur se serre.

-Mais depuis que je me suis mis à lui parler, j'ai compris que c'était juste... Une attirance.

Aie. Une dizaine d'année d'amitié et quelques mois d'amour pour n'être qu'au final, qu'une attirance. Je le regarde et je n'ai pas l'impression d'être avec mon meilleur ami. En même temps j'ai toujours su que c'était une mauvaise idée de tomber amoureuse de lui, mais je pensais vraiment que ça marcherait. IL m'a fait penser que ça marcherait.

- Mais depuis quand tu lui parles ?
- Le dimanche qui suivait ton anniversaire, commence t'il. Ses parents ont invité les miens à déjeuner. Nos pères sont de vieilles connaissances d'école et ils se sont croisés par hasard. J'ai donc passé l'après-midi avec elle, et on s'est aperçu qu'on avait plein de point en commun. Depuis on n'a pas arrêté de se parler.

Je repense aux jours suivant la rentrée où il était bloqué sur son téléphone. C'était donc avec elle qu'il parlait. Je savais que quelque chose n'allait pas.

- Et... J'hésite un instant. Ce qu'il s'est passé entre nous ensuite ?

Je ne sais pas pourquoi je pose cette question, alors que je sais très bien que la réponse va me faire mal.

- Je voulais vérifier si ce que je ressentais pour toi était vrai, mais je me suis rendu compte que c'était à Léa que je pensais, et pas à toi.

Double Aie. Il sait qu'il me fait mal. Et je sais qu'il me dit ça pour me blesser pour ne pas que je m'accroche à lui. C'est exactement son genre.

Je ne sais pas quoi répondre. Je n'ai même pas envie de rester là. Alors c'est ce que je décide de faire. Je sors ma pochette et sors un billet de 20 de mon portefeuille. Je sais bien que ce n'est franchement pas assez, mais je m'en fiche. Je le pose sur la table puis me lève, en attrapant ma veste. Je vois une lueur de panique traverser son regard.

-Qu'est ce tu fais ? Me demande t'il.
- Je m'en vais. Je n'ai plus rien à faire ici. Aurevoir.

J'enfile ma veste et part sans le regarder. Je l'entends m'appeler mais je sors du restaurant. Je ne connais pas bien ce quartier, mais je me rappelle des quelques fois où j'y suis passée. De plus, la colère me fait agir sans vraiment réfléchir.

Je m'éloigne le plus rapidement possible du restaurant. J'avance dans la rue faiblement éclairée par les lampadaires. Plus je marche et plus j'ai l'impression que je m'enfonce dans la ville. Je ne sais pas où je suis et encore moins où je vais, mais la colère me persuade que je vais retrouver mon chemin.

« Bien sûr ! » Me crie ma conscience. « Tu t'es crue dans un film ou quoi ?! »

Je soupire avant de m'arrêter à cause de la douleur que je ressens au niveau des pieds. Mais quelle idée en même temps de porter des talons de 12 centimètres ! Je me baisse pour me masser les chevilles et soupir d'aise. Si j'avais pu, j'aurais retiré mes chaussures, mais il fait déjà assez froid comme ça. Je frissonne et attrape ma queue pour détacher ma natte. Mes cheveux sont maintenant secs, et mes cheveux ont bouclés. Et lâchés sur mes épaules, mes cheveux me tiennent au moins chaud au niveau de la gorge. Je marche doucement et j'arrive dans une petite rue encore moins éclairée que le reste des rues que je viens de traverser. Pour cause, un des deux seuls lampadaires présents clignote.

- Super...

Des bruits se font entendre d'une rue alentour, surement d'un bar. Soudain j'entends des rires et des pas qui se rapprochent. Je jure intérieurement.

- Eh ma jolie, tu es toute seule ? Me lance un homme qui arrive derrière moi.

Il a une cinquantaine d'année et ne semble pas très sobre.

- Pas si vite, ajoute un autre homme juste à côté de lui alors que j'essaye de m'échapper discrètement.
- Non, je balbutie. Je rejoins mon petit ami. Bonne soirée !

Tout en parlant je me retourne pour partir, mais je me cogne dans quelque chose de dur. Je relève la tête en me grattant le front. Je me fige. Un troisième homme me sourit, mais son sourire n'a rien d'amical. Je recule et essaye de partir sur le côté mais impossible, pour la simple et bonne raison que je me retrouve encerclée par ces trois hommes.

- Eh merde...

Ils avancent tous les trois vers moi et je regrette tout de suite d'être partie du restaurant comme ça. Les hommes se rapprochent de moi et je me retrouve collée au mur pendant qu'ils continuent d'avancer. Les deux sur les côtés attrapent mes poignets et me les bloquent de chaque côté de ma tête.

J'essaye de respirer normalement pour ne pas leur montrer que j'ai peur, mais j'avoue avoir du mal. L'homme qui ne me tient pas s'approche de moi, un rictus mauvais collé au visage. J'essaye de me débattre, mais comment faire quand deux hommes de chacun le double de votre poids vous retiennent ? Alors que l'homme pose ses mains sur mes hanches je tente le tout pour le tout.

- Lâchez moi ! je hurle. Laissez-moi tranquille !
- Certainement pas ! me répond -il en descendant ses mains jusqu'au bas de ma robe.

Sans pouvoir rien faire, je sens que je me mets à pleurer. Je ne vais rien pouvoir faire. Ils vont s'en prendre tous les trois à moi, et vont me laisser pour morte.

Alors qu'il remonte doucement le bas de ma robe, comme pour faire durer ma torture, et que je me dis que s'en est fini pour moi, j'entends crisser des pneus et je me fais éblouir par des phares de voiture. Les hommes me lâchent pour se cacher les yeux et j'entends une portière claquer. Je ne vois rien, mais j'entends des pas précipités venir vers nous. J'aperçois une ombre foncer vers mes agresseurs. Il ne fait rien, mais les trois hommes se reculent, comme effrayés, avant de s'enfuir en courant.

L'ombre se rapproche de moi et je plisse les yeux pour pouvoir voir qui c'est. L'ombre se rapproche.

- Eli, ça va ? me demande la personne.

Je reconnais la voix en même temps que mes yeux reconnaissent la personne.

- Pye !

Je me jette à son cou et il m'enserre de ses bras. Je sens mes larmes brulantes couler sur mes joues.

- Dieu merci, tu vas bien, me chuchote t'il.
- Grace à toi... je réponds.
- Aller, monte dans la voiture.

Il me lâche et je me dirige vers la portière côté passager. Alors que je m'installe dans la voiture, je regarde en direction de Pye, resté là où j'étais encore quelques seconds avants. Je soupire, encore sous le choc, avant de voir quelque chose qui me glace le sang. Pye se tient droit comme un piquet et regarde fixement en direction de là où les trois hommes se sont enfuit. Et à leur place, se tient un seul homme, grand, tout vêtu de noir. Mais ce qui retient mon attention c'est surtout ses yeux, d'un rouge éclatant, ses yeux qui me suivent et m'effraient depuis maintenant un mois.

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