Chapitre 44



Elle l'avait dit, enfin...Luna sentit les battements de son cœur résonnaient en elle si violemment qu'elle crut suffoquer. Il venait de mettre un terme à la danse à la seconde où elle avait prononcé ces quelques mots d'une voix tremblante d'émotions.

Il la dévisageait, sans un mot ni même un sourire...son expression paraissait voilée par quelque chose de mystérieux.

Son silence interminable la mit mal à l'aise, Luna se mit à dévisager la piste de danse à la recherche d'une sortie de secours.

- Partons d'ici, dit-il enfin sur un ton doux qui suffit à la rassurer.

Luna le suivit à l'extérieur, les jambes tremblantes, le cœur battant à la chamade.

- Je m'attendais à une autre réponse, bredouilla-t-elle une fois installée dans la voiture.

Roderik contempla la femme assise à ses côtés, tête baissée, les yeux larmoyants. À cet instant précis Roderik se maudit d'avoir été si idiot. En réalité, il en avait perdu ses mots à la seconde où elle lui avait ouvert son cœur d'une façon inattendue. Luna était parvenue à franchir les barrières impénétrables qu'il avait mis des années à dresser autour de son cœur. Pas une minute ne passait sans qu'il puisse contrôler le flux d'émotions qui le submergeait chaque fois qu'elle se trouvait à ses côtés. Alors pourquoi diable n'arrivait-il pas à lui dire ce qu'il ressentait ?

Le visage impassible de son défunt père lui apparut comme un flash qu'il s'empressa de chasser.

Oui, son père était la cause de cette barrière qu'il peinait à franchir. Chaque jour de sa vie passée à ses côtés son père s'était assuré qu'il ne ressente aucune émotion. Roderik se passa une main sur le visage en réalisant à quel point son père avait eu un sérieux impacte sur sa vie et aujourd'hui il était temps pour lui de le faire taire.

- J'ai été pris de court, déclara-t-il en essayant de lui prendre la main mais la jeune femme refusa son geste en la ramenant sur ses genoux.

- J'ai fini par réaliser que dans ta famille l'amour n'a pas de place, peu de déclaration, rien d'autre que le devoir.

- Dicté par mon père, murmura-t-il d'une voix tendue.

Irrité par son refus qu'il lui prenne la main, Roderik serra les mâchoires étant le seul coupable à blâmer. Dans la nuit noire, faiblement éclairée il put néanmoins distinguer son regard fermé.

- Je viens de te dire que je t'aimais Roderik et tu m'as laissée sans réponse, comme une idiote, murmure-t-elle d'une voix tremblante ; Est-ce que je suis avec toi pour....

- Ne t'avise pas de poursuivre ! La coupa-t-il d'une voix qu'il aurait voulu moins tranchante : Tu sais que c'est faux, seulement je ne peux pas m'empêcher de craindre l'avenir même si je te veux.

Enfin, elle releva la tête, le regard empli de fureur.

- Je n'ai pas la moindre envie de revenir sur le sujet !

- Moi non plus, compléta Roderik en inclinant sa tête ; Va-t-on avoir notre première dispute ?

- Cela dépend que de toi Roderik, répondit-elle sans fléchir ; Tu n'es qu'une brute ! Tu es buté et...

- Je manque d'air quand tu n'es pas à mes côtés, lâcha-t-il d'une voix grave, le regard plongé dans le sien.

La jeune femme lâcha un hoquet de surprise, les yeux brillants, lèvres entrouvertes.

- Tu m'es aussi indispensable que l'air que je respire, je te demande pardon pour ne pas avoir su réagir tout à l'heure.

Luna luttait tant bien que mal contre les larmes qui roulaient déjà sur ses joues. Enfin il s'ouvrait à elle...et sa déclaration lui serra le cœur.

Luna le regarda s'agiter nerveusement et une telle agitation révélait qu'il lui était difficile de s'ouvrir à elle. Alors Luna préféra garder le silence...

- Je n'ai jamais ressenti ça auparavant, je me suis toujours persuadé que je ne n'étais pas fait pour ce genre de sentiments et encore moins après avoir su que je ne pourrais jamais avoir d'enfants, poursuivit-il en la regardant droit dans les yeux comme s'il cherchait quelques choses en elle...comme s'il voulait absolument se convaincre qu'elle avait menti lorsqu'elle lui avait dit que ça lui importait peu.

- Il existe l'adoption Roderik...

Il secoua de la tête, les yeux emplis de noirceurs.

- C'est diffèrent pour moi Luna, tu ne sembles pas comprendre ce que je ressens.

Luna déglutit péniblement. Elle voyait exactement ce qu'il voulait dire.

- J'ai vingt-cinq ans Roderik, je n'ai jamais songé à avoir un enfant et...

- En effet, la coupa-t-il en reposant son regard sur elle ; Peut-être que tu es trop jeune pour y songer maintenant mais un jour tu auras peut-être envie d'être mère et...

- Je t'aime Roderik, pourquoi tu ne l'entends pas ?

Lèvres serrées, son amant lui exposait pour la première fois une douleur insupportable à regarder. Puis enfin, il combla l'espace qui les séparait pour prendre son visage en coupe.

- Moi aussi je t'aime, articula-t-il avec force.

Le cœur serré, Luna ferma les paupières, laissant les larmes rouler sur ses joues.

Il posa sa bouche ses lèvres tremblantes, les embrassant avec urgence.

- Roderik je...

Luna sentit son souffle se bloquer dans sa poitrine. La secousse fut d'une telle violence qu'elle poussa un cri avant que la voiture s'immobilise brutalement.

Roderik replia son avant-bras qu'il avait posé contre la vitre pour amortir le choc. Une odeur de soufre l'aida à reprendre peu à peu ses esprits. Leur voiture venait d'être percutée par une autre et sa première pensée fut de savoir si Luna allait bien.

Le cœur battant à tout rompre il écarquilla les yeux d'effroi alors qu'elle se cachait le visage contre son épaule.

- Luna ! Est-ce tu vas bien ?

Lentement, elle releva la tête en grimaçant. Une légère entaille barrait son front, le bras avec lequel elle s'était protégé était recouvert de coupures. Les yeux injectés de sang, Roderik dévia son regard sur la portière enfoncé et sa respiration se mua en un grondement de rage lorsque l'auteur de l'accident prit soudain la fuite dans un crissement de pneus.

- Monsieur le Duc ? Est-ce ça va ? S'écria son chauffeur qui grâce au ciel n'avait rien.

- Je vais bien ! Rugit-il en sortant Luna du véhicule.

Délicatement, il l'allongea sur le bas-côté de la route et l'examina.

- Je vais bien, lui dit-elle en portant sa main à sa tête.

Fou d'inquiétude il l'examina de la tête aux pieds à la recherche d'une quelconque blessure avant qu'elle se redressa en se retenant à ses épaules.

- Je vais bien Roderik je t'assure que tout va bien ! C'est juste quelques égratignures.

Luna repoussa la force de son amant qui voulait l'obliger à se rallonger et l'examina à son tour.

Grâce au ciel il n'avait pas l'ombre d'une blessure.

- Qui c'était Cliver ? L'avez-vous vu ?

- Un paparazzi, répondit son chauffeur en sortant son téléphone portable.

Luna l'entendit jurer entre ses dents. Encore sous le choc elle se releva avec son aide pour constater avec effroi les dégâts.

- Mon dieu, est-ce qu'il la fait exprès ? S'enquit-elle d'une voix affaiblie par les douleurs lancinantes qui lui vrillaient la tête.

Roderik serra Luna contre lui, prêt à accueillir le malaise qui manquait de la faire tomber. Comme prévu, la jeune femme tourna de l'œil et s'évanouit dans ses bras. Sans plus attendre il la souleva dans ses bras, serrant rageusement les mâchoires.

Pour la première fois de sa vie Roderik ressentit de la peur....une véritable peur lui creuser l'estomac.

La peur insupportable qu'il puisse lui arriver quelques choses.

À leur arrivée au centre hospitalier le plus proche, Luna fut prise tout de suite en charge à son plus grand soulagement. Hélas il n'eut pas le droit de l'accompagner et se contenta d'une série de questions posées par la police.

- D'après le premier rapport ce n'était pas volontaire, déclara l'un deux ; Nous avons relevé des traces de pneus, un signe évident que l'individu a tenté de freiner.

- Cela ne suffira pas à apaiser ma colère je le crains, dit-il froidement ; Il a pris la fuite, sans même daigner appeler les secours, ma femme aurait pu mourir.

Roderik se passa un main nerveuse dans les cheveux, irradié par un sentiment mystérieux lorsqu'il avait prononcé le mot " Femme "

- Je comprends monsieur le Duc et nous allons faire notre possible pour savoir qui c'est.

D'un vague mouvement de tête il se retourna pour arpenter le couloir d'un pas nerveux. Au delà de toute la colère qui bouillonnait en lui, Roderik était saisi d'une myriade d'émotions puissantes presque douloureuses.

Car il prenait peu à peu conscience qu'il aurait pu la perdre pour toujours...

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