Chapitre 43



Alors qu'ils pénétraient dans la salle des enchères, Luna sentit dans le regard de son amant qu'il semblait préoccupé. Elle soupçonnait Luke de s'être excusé pour obtenir une contrepartie. N'était-il pas parti avec un sourire satisfait aux lèvres ?

- Ta discussion avec ton frère c'est bien passée ? Osa-t-elle demander alors qu'ils s'installaient pour le début des enchères.

- Comme d'habitude, répondit-il en haussant des épaules avec désinvolture ; Il s'est excusé pour mieux me demander de l'aide.

Luna ferma brièvement les yeux en secouant de la tête.

- Je commence à être habitué à ses caprices, poursuivit-il en se carrant contre le dossier de la chaise ; Peut-être qu'un jour il changera.

- Je pensais qu'il était sincère, si j'avais su...

- Allons, ce n'est pas de ta faute, la coupa-t-il en posa sa main sur sa cuisse ; Tu ne pouvais pas savoir.

Luna sentit de la peine lui serrer le cœur. Comment était-ce possible qu'un frère se montre aussi cruel ? Elle avait l'impression qu'il y avait pas de sentiment dans cette famille ? Même Abigail semblait insensible au bonheur comme si cette famille était entièrement brisée et dépourvue de sentiments. Sa gorge se serra soudain, ayant la crainte absolue que ce soit aussi le cas pour Roderik.

Non, impossible, songea-t-elle en inspirant profondément.

Roderik était sincère et elle gardait espoirs...l'espoir qu'un jour Roderik lui exprime enfin ses sentiments.

Soudain, une question se mit à tarauder son esprit.

Roderik ne parlait jamais de son père ?

Peut-être que cet homme était à l'origine des tourments qui constituaient une partie de sa vie ?

Prudemment, elle releva son regard dans sa direction. Impassible, ses traits semblaient former deux fissures impénétrables.

Alors Luna dut se résoudre à se taire même si une question lui brûlait les lèvres.

Heureusement, sa torpeur prit fin lorsque les enchères débutèrent dans une ambiance des plus sérieuses. En fait, Luna ignorait pourquoi Roderik tenait tant à y assister ni même pourquoi il semblait déterminé.

Un long moment passa dans lequel de nombreux tableaux de peintres renommés furent vendus à des prix exorbitant.

- Tu es fatiguée ? Demanda-t-il en se penchant discrètement.

- Plutôt désorienté par toute ces enchères affolantes, chuchota-t-elle avec un sourire en coin.

- C'est bientôt fini.

- Et je remarque que tu n'as rien acheté pas même un tableau, lui fit-elle remarquer.

- C'est parce que je ne suis pas intéressé par les tableaux mais autre chose.

Luna plissa son front en observant les derniers objets restant.

- Le diamant brut ! S'exclama Luna en peinant à maîtriser les échos de sa voix même en chuchotant.

- Oui, affirma-t-il en faisant mine d'être absorbé par la dernière vente avant celle qu'il voulait acquérir.

- Mais pour quelle raison ? Enfin je veux dire c'est un beau caillou mais que vas-tu en faire ?

Luna sentit ses joues s'empourprer quand il se mit à rire dans sa barbe.

- C'est une pièce unique et je la veux c'est tout.

Abasourdie, Luna secoua imperceptiblement de la tête. Était-il fou ? Luna allait pas tarder à le savoir.

Lorsque le diamant brut fut présenté à la salle, des exclamations s'élevèrent un peu partout et les enchères se mirent immédiatement à démarrer. Le cœur battant contre ses tempes Luna peinait à suivre les enchères à mesure qu'elle augmentait dans une lutte sans merci.

- Trente millions.

Quand la voix rocailleuse de son amant s'éleva dans la salle, Luna se tourna vers lui en réprimant toutes expressions qui auraient pu le mettre dans l'embarras. Il affichait une mine déterminé, il se battait avec acharnement. En face de lui, trois hommes se disputaient le joyaux. Un prince arabe, un italien et un vieux bougre fortuné qui levait sa pancarte sous la pression de sa femme six fois plus jeune que lui.

- Quarante millions, lança le prince en fixant Roderik avec la même détermination.

Roderik sentit son sang pulser dans ses veines lorsque le prince posa son regard sur Luna. Il se redressa sur la chaise, alors qu'une effusion de sang lui montait au cerveau. Il était hors de question pour lui de repartir sans le diamant. Les grands yeux verts de la jeune femme se posèrent sur lui. Ils reflétaient de l'incrédulité et de la vulnérabilité comme si elle vivait un véritable supplice d'être ainsi dévisagée. D'ordinaire habitué à jouer avec ses adversaires, Roderik décida de mettre un terme à cette enchères au plus vite.

- Cent millions !

Un brouhaha se mit alors à résonner dans la salle des enchères. Le prince arabe se fissura, mâchoires serrées.

- Cent million une fois ! Deux fois ! Adjugé vendu !

Luna se pinça les lèvres en dévisageant son amant complément éberluée par cette folie. Elle n'osait même plus bouger ni même se retourner...devinant aisément que tous les regards étaient dirigés vers eux.

- Viens ma chérie, murmura-t-il en se levant d'un mouvement impérieux.

- Je savais que tu étais déterminé mais à ce point, déclara-t-elle d'un souffle tremblant.

De retour dans la salle de bal, Luna avait l'impression d'être oppressée mais curieusement soulagée d'être enfin sortie de cette salle.

- Tu sais à présent de quoi je suis capable, répondit l'homme en attrapant deux flûtes à champagne.

- Maintenant que tu es en possession de ce diamant que vas-tu en faire ? L'exposer au manoir ?

L'homme plongea sa paire d'yeux sur elle, silencieux, volontairement mystérieux.

- Monsieur le Duc, lança une voix volontairement lente dont l'accent prononcé lui laissait présager que c'était le prince...

Luna fit volte-face et se mit à côté de Roderik.

- Luna, laisse-moi te présenter le prince D'elhazar.

Forçant un sourire, Luna s'inclina respectueusement non sans constater la tension palpable qui planait au-dessus de leurs têtes.

- Je voulais vous féliciter pour votre acquisition monsieur le Duc, je dois dire que je me sens frustré.

Le prince marqua une pause.

- Je déteste perdre.

- C'est pour ainsi dire la même chose pour moi, je déteste perdre, répliqua Roderik d'une voix qui manquait cruellement de chaleur.

- On m'avait laissé entendre que vous étiez coriace, implacable, maintenant que j'en ai la confirmation, il ne me reste plus qu'à m'incliner.

Luna déglutit péniblement incapable de déterminer si le prince était sincère ou non.

- Vous êtes chanceux, ajouta-t-il en se tournant vers elle.

Il inclina sa tête en avant.

- Mademoiselle, la salua-t-il avant de les quitter accompagné par une horde de garde du corps.

Grisée par le parfum subtile de sa belle, Roderik en oubliait presque sa confrontation avec le prince et l'entraîna sur la piste de danse.

Il l'enlaça étroitement contre lui.

- Tu ne t'es pas amusée n'est-ce pas ? La questionna-t-il en plantant un baiser sur son front.

- Te dire que oui serait un mensonge, ce n'est pas mon monde, j'ai énormément de mal à m'y sentir bien.

- Es-tu prête à l'accepter ? Même s'il ne te convient pas ? S'enquit-il d'une voix tendue.

Un éclat brillant passa dans ses yeux.

- Oui, bien-sûr, tout ceci n'est qu'un moment éphémère, ce monde noyé dans l'opulence ne reflète pas ce que tu es toi.

Roderik se pencha alors pour l'embrasser devant la foule d'invités.

- Tu es sûre Luna Moor ? Insista-t-il en levant sa main pour effleurer sa joue.

- Absolument sérieuse, chuchota-t-elle en penchant sa tête sur le côté.

Roderik la fit pivoter sur la piste de danse sans la quitter des yeux.

- Tu es la première femme à me dire détester ce qui fait partie intégrante de ma vie.

- Pour quelle raison devrais-je te mentir ?

Luna sentit sa gorge se serrer, luttant contre les larmes qui lui montaient dangereusement aux yeux. Roderik était si fermé quand il s'agissait d'exprimer clairement ses sentiments, comme si l'idée d'un déballage affectif le rebutait. Après tout c'était trop rapide pour ce genre de déclaration, seulement...Luna n'arrivait plus à le regarder dans les yeux alors qu'elle était éperdument amoureuse de lui.

Et même s'il se voulait rassurant sur leur avenir Luna avait ce besoin irrémédiable de lui dire...

Terrifiée à l'idée qu'il réagisse mal, Luna préféra baisser la tête.

- Je n'aime pas ton monde, mais je...t'aime suffisamment pour le supporter.

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