Chapitre 38
Les yeux emplis de sollicitudes, la jeune femme aux yeux verts le regardait sans bouger. Roderik fit en sorte que son regard soit encore plus dur et menaçant mais elle ne bougeait toujours pas.
- Je n'ai pas l'intention de bouger, dit-elle d'une voix ferme.
Roderik fit claquer sa langue entre ses dents.
- Es-tu en train de réaliser ce que tu es en train de faire ? S'enquit-il d'une voix toujours aussi dure ; Je ne peux rien t'apporter je suis mauvais Luna et cette fois-ci, je ne me montrerais égoïste !
- Je peine à te comprendre Roderik ! S'écria Luna en le fusillant du regard alors ses yeux étaient couverts d'un voile brillant ; Il y a trois jours tu m'as dit que tu avais fait un choix et maintenant, tu ne veux plus de moi parce que...
- Parce que c'est un choix égoïste et je m'y refuse, pendant des jours j'ai tenté d'oublier mais Luke à raison, je ne peux pas avoir d'enfant et tôt ou tard soit c'est toi qui me quitteras soit c'est moi qui serais obligé de le faire quand je ne supporterais plus de te voir regarder les enfants des autres en te demandant pourquoi toi tu n'en a pas.
Luna retint son souffle à la fois déchirée et heureuse de l'entendre parler de leur futur comme s'il envisageait sérieusement un avenir avec elle.
Refoulant les sanglots qui lui nouaient la gorge Luna tenta de lui faire face mais ça lui était impossible. Il semblait affreusement souffrir, comme s'il n'était pas un homme complet et elle comprit alors pourquoi il était si dur, si intransigeant et froid.
Il souhaitait éloigner les personnes de lui et aujourd'hui il voulait l'éloigner.
Perdue dans un tourbillon de pensées, Luna se posait mille et une question et l'une d'entre elles revenait sans cesse...
Était-elle capable de vivre sans lui ?
Cette question paraissait totalement dérisoire.
Ils se connaissaient que depuis un mois et pourtant, Luna était irrémédiablement amoureuse de lui.
Luna osa enfin le regarder et s'aperçut avec douleur qu'il ne la regardait plus...
- Tu ne veux plus de moi ? Demanda-t-elle d'une voix voilée de tristesse.
Il ferma les yeux, mâchoires serrées mais ne dit rien.
Mon dieu, elle en voulait terriblement à Luke d'avoir tout gâché elle aurait préféré ne rien savoir.
- Je...Roderik si je descend de cette voiture, tu ne me verra plus jamais.
Luna marqua une pause pour déglutir.
- Je te le jure sur ce que j'ai de plus précieux au monde, c'est-à-dire mes parents...je ne te laisserais plus jamais m'approcher.
Malgré la tristesse qui s'emparait d'elle Luna ne se défila pas pour autant même si cette décision lui déchirait le cœur.
Elle retira sa ceinture de sécurité et ouvrit la portière. Une vague d'émotions lui noua la gorge lorsque sa main recouvrit la sienne et referma la portière d'un geste précipité.
- Au manoir Cliver, ordonna-t-il en refermant la vitre teintée.
La voiture démarra pour s'engager dans le trafic. Luna sentit son souffle caresser sa peau, il glissa son index sur son menton pour qu'elle le regarde. Son désespoir et sa tristesse lui déchirèrent le cœur.
- Tu es folle, comment peux-tu songer à rester avec moi ?
- Comment as-tu pu envisager que cette révélation suffirait à me faire fuir ?
- Luna...
Frissonnante, Luna ferma brièvement les yeux en entendant cette voix l'implorer.
- Tout ce que je veux c'est vivre mon histoire avec toi peu importe où elle nous mène mais je ne fuirais pas parce que tu ne peux pas avoir d'enfant.
- Pourtant tu devrais, lâcha-t-il les dents serrées.
La douleur inscrite sur ses traits était difficile à regarder. Luna ignorait comme s'y prendre et comment lui faire comprendre.
- Alors pourquoi avoir refermé la portière ?
Il plongea ses doigts dans ses cheveux, le regard ancré dans le sien.
- Parce que ça m'est impossible même si je le voulais, avoua-t-il comme si cela lui coûté ; C'est la première fois que ça m'arrive, je n'y parviens pas.
Soudain, un soulagement inespérée lui ôta un poids au cœur. Elle ferma les yeux pour mieux assimiler les paroles de Roderik qui s'insinuaient en elle.
- Alors pourquoi tu te fais du mal Roderik ?
Il ne répondit pas, il se contenta de refermer ses doigts sur les pans de son manteau afin de l'attirer doucement à lui. Son nez frôla le sien.
- Merci, dit-il alors d'une voix à peine audible.
Il captura ses lèvres comme si sa vie en dépendait.
- Merci d'être toi, chuchota-t-il entre deux baisers avant de se remettre sur le siège.
Il noua ses doigts aux siens et se plongea dans un silence inquiétant. Peut-être avait-il besoin de réaliser ce qu'il se passait.
Elle aussi d'ailleurs, songea-t-elle en inspirant imperceptiblement.
Elle qui avait crû si longtemps que Roderik Willar était si parfait...elle s'était trompée sur toute la ligne.
La première fois qu'elle l'avait vu, Luna avait pu percevoir cette sombre aura qui l'avait fait frissonner. Elle avait eu la sensation que cet homme renfermait des secrets et ne s'était pas trompée.
Roderik vivait chaque jour avec ce poids sur les épaules. Il vivait chaque jour avec cet insupportable secret. Mais le pire pour elle fut de voir dans ses yeux cette chape de chagrin de se savoir résigner à l'impensable. Celui de ne jamais être père.
Luna réprima une larme et tourna la tête en direction du paysage.
- Je suis vraiment désolé que tu ais dû assister à tout ça et je regrette que tu ais appris la vérité de la bouche de Luke.
Entendre sa voix suffit à la rassurer un peu.
Forçant un sourire dans sa direction elle haussa des épaules.
- Tout va bien, espérons seulement que je n'ai pas perdu mon travail.
- Je ferais le nécessaire pour que cela n'arrive pas, lui dit-il d'une voix ferme.
Malheureusement, son regard éteint le trahissait. Il était évident qu'il souffrait que son secret lui soit révélé et de manière si brutale et surtout qu'il vienne de son frère.
Luke était un monstre. Après tout ce qu'il avait fait pour lui, il s'était montré odieux et sans pitié tout en espérant brisé leur relation.
Et elle était déterminée à lui prouver le contraire.
- Viens, il fait froid...
Quittant sa torpeur, Luna aperçut la volée de marches du manoir et quitta la voiture les jambes en coton.
Roderik la guida à l'intérieur du manoir et sut avec douleur que lorsqu'elle passera cette porte il n'y aurait aucun retour en arrière.
Quelque chose en lui se ravivait, l'espoir peut-être, songea-t-il en pressant ses doigts dans son dos.
Il referma la porte derrière eux ayant l'insupportable impression de la condamner à jamais.
- Luna je...
- Roderik ? C'est toi ?
Interrompu par sa mère, Roderik se tourna vers elle en fronçant des sourcils.
- Qu'est-ce que tu fais ici mère ! Aboya-t-il en ôtant son manteau.
Cette dernière croisa les bras contre sa poitrine en considérant Luna avec incrédulité.
- Sept mille, sept mille commentaires sur le Daily-mail qui vient de poster un article sur toi et sur...miss Moor, puis-je savoir ce qu'il se passe ?
- Oh mon dieu ! S'exclama Luna en portant ses doigts à ses lèvres.
Roderik ferma les yeux en poussant un chapelet de jurons.
- Est-ce que je devrais savoir quelque chose d'important ? Insista Abigail en regardant son fils avec inquiétudes.
- Luna, attend-moi dans le salon je reviens.
Il entraîna sa mère dans le salon privé et referma les portes derrière lui.
- Roderik ? Est-ce que toi et Luna Moor vous...
- Je la fréquente oui, coupa-t-il en fixant sa mère droit dans les yeux.
La réaction de celle-ci ne se fit pas attendre mais fut il surpris par son regard prudent.
- Roderik es-tu conscient de son jeune âge ? De ce que cette relation pourrait engendrer ?
- Je suis suffisamment conscient pour te dire avec certitude que Luna demeura encore longtemps dans ma vie...aussi longtemps qu'elle le désirera.
Abigail semblait sous le choc.
- Roderik mais enfin que t'arrive-t-il ? Tu sembles changé.
Mâchoires convulsivement serrées, Roderik resta de marbre devant sa mère. Oui il avait changé et ce changement il le devait qu'à une seule personne.
Luna.
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