Chapitre 19
Luna s'était recroquevillée sur le banc, le regard rivé sur la lune claire. Il faisait froid, terriblement froid et pourtant, pour rien au monde elle aurait raté ce fabuleux spectacle. Seulement, la lune ne suffirait pas à apaiser ses craintes et les humiliations qu'elle avait subie ce soir.
Chamboulée par les propos de Luke elle sentit une larme s'échouer sur sa joue. Pourtant elle n'avait aucune raison de se mettre dans un état pareil. Luke n'était qu'un enfant gâté et désireux d'obtenir toutes les femmes à sa portée.
" Tu n'aimes pas t'amuser ? "
Luna étouffa un rire amer en se rappelant cette phrase qui n'avait pas la même signification pour Luke. Il était temps de se le dire, songea-t-elle en inspirant profondément : Elle n'avait aucune expérience en matière d'hommes et ignorait si un jour elle éprouverait les émotions et les sensations qui éteignaient une femme éprise d'un homme quel qu'il soit.
Quittant un peu trop tard ses songes Luna sentit un laine recouvrir ses épaules.
- Est-ce bien raisonnable de contempler la lune alors qu'il neige ?
Luna se redressa maladroitement, le cœur battant à tout rompre. La grand silhouette du Duc vint s'installer à ses côtés en se frottant les mains.
- Je...je n'avais même pas remarqué qu'il neigeait, bredouilla-t-elle en fixant les contours de sa mâchoire.
Lune détourna les yeux et vit un flocon s'échouer sur elle.
- Je suis vraiment désolé pour tout à l'heure, déclara le Duc en tournant son regard sur elle.
Luna contempla son visage ciselé dans les reflets de la lune et une seule chose lui vint à l'esprit...la peur.
- Je vous ai fait peur, Mary vient de me le dire, ajouta-t-il doucement.
S'efforçant de rester sereine envers et contre tout Luna baissa les yeux car il est vrai qu'elle s'était vaguement confiée à Mary lorsque celle-ci avait remarqué ses tremblements. Sa voix grave, ses yeux noirs de fureur, sa hauteur étourdissante l'avaient quelque peu inquiété.
- En effet, j'ai eu peur, admit-elle enfin.
- La question est maintenant de savoir si je vous fait peur tout le temps, s'enquit-il plus doucement.
Luna se risqua un regard dans sa direction et ne sut quoi répondre.
- Qui n'a pas peur de vous ? Répondit-elle alors avec un sourire en coin.
Roderik observa attention la jeune femme merveilleusement belle et se mit à songer à ses dernières conquêtes. Sophistiquées, toujours bien habillées, sachant comment entretenir une conversation même les plus ennuyeuses, toutes ces femmes se rejoignaient sur un point.
La peur.
Elles avaient eues toutes peur de lui pour de diverses raisons. Il avait pu le lire dans leurs yeux et il s'en était ravi...
Il revoyait encore son ex-femme trembler comme une feuille lorsqu'il avait demandé le divorce...
Depuis ce jour, Roderik s'était juré de ne plus tenter d'éprouver des sentiments pour une femme. Il avait dressé un mur, érigé des barrières autours de son cœur afin de se protéger de ces femmes avides et profiteuses...
Mais aujourd'hui il ne voulait plus voir cette lueur craintive dans les yeux verts de cette jeune femme. Il n'éprouvait aucune satisfaction de la voir apeurée, en réalité il détestait ça et il en était le seul et unique coupable.
Il lui avait demandé de le détester...aujourd'hui il le regrettait.
- Je ne vous ferais aucun mal Luna, je ne suis pas un homme violent...du moins pas avec les femmes.
- Je vous crois, répondit-elle d'une voix à peine audible.
- Je n'ai pas aimé l'attitude de mon frère à votre égard et je ne voulais pas qu'il prenne le volant dans cet état.
- Je sais, murmura-t-elle en reportant son regard émeraude sur la lune.
Roderik serra les mâchoires convulsivement sans la quitter des yeux. Est-ce qu'elle savait au moins qu'il était partit avec une autre femme ?
- Une amie l'a raccompagnée.
La jeune femme ébaucha l'ombre d'un sourire.
- Avec Christina ? S'enquit-elle d'une voix qui n'exigeait aucune réponse.
- Pourquoi vous restez avec lui ? S'enquit-il d'une voix plus sèche qu'il l'avait voulu ; Pourquoi vous infliger une telle humiliation ? Vous valez mieux que ça Miss Moor.
Luna sentit des émotions contradictoires lui serrer le cœur.
- Pourquoi vous me dites tout ça ? S'entendit-elle répondre ; Toutes les femmes qui sont entrées dans la vie de Luke ont reçues des chèques et des menaces concises ; Pourquoi vous êtes différent avec moi ?
- Parce que vous différente alors je me dois d'être différent avec vous miss Moor, répondit-il la seconde suivante ; Vous êtes jeune, vous êtes belle et incroyablement intelligente est-ce cette vie que vous désirez au fond de vous ? Mettre des œillères et continuer à faire comme si Luke était parfait alors qu'il...
Luna réprima un sursaut quand elle vit ses yeux s'assombrir.
- Venez, il fait glacial ! Ordonna-t-il en se levant.
Luna s'empressa de le suivre à l'intérieur en claquant des dents. Il ferma la porte coulissante et tira les rideaux de sa chambre.
Luna remarqua que son chocolat chaud était complètement froid autant que l'était son corps.
- Vous êtes tellement différente que vous voilà transit de froid, gronda-t-il en ramenant le plaide contre elle.
- Je voulais observer le clair de lune, se défendit-elle sans oser le regarder dans les yeux.
D'un geste autoritaire le Duc frictionna ses épaules pour la réchauffer. Ce geste suffit à réveiller en elle cette sensation inopportune mais pourtant si agréable.
- Il se fait tard, déclara-t-il en jetant un coup d'œil à sa montre ; Vous devriez dormir maintenant.
Luna avait fini par s'habituer à ses changements d'humeur.
- Est-ce un ordre ou un conseil bienveillant ? Osa-t-elle demander avec un sourire qu'elle voulait sarcastique.
Les lèvres dures et sensuelles du Duc se mirent à frémir en un sourire retenu.
- C'est un ordre, répondit ce dernier en se dirigeant vers la porte.
Luna le regarda partir le cœur serré. Elle avait honte et cette honte la rongeait de l'intérieur. Pourquoi ? Parce qu'elle avait honte d'elle-même. Cet homme usait de son énergie pour lui faire comprendre que Luke n'était pas pour elle, visiblement presque convaincu qu'elle était bien sa fiancée. De toute sa vie jamais personne ne s'était aussi préoccupé d'elle et de ce qu'elle méritait en tant que femme. Cette comédie n'avait d'ailleurs plus d'intérêt, songea-t-elle en serrant le plaide contre elle.
Roderik avait pris la décision d'abandonner la fusion. Il n'y aurait ni mariage ni contrainte. Le Duc avait honoré toutes ses promesses alors pourquoi continuait-elle à jouer ce rôle ? Pourquoi s'infliger cette humiliation constante ? Pourquoi continuait-elle à lui mentir ?
Luna essuya les larmes qui ruisselaient sur son visage et s'avança jusqu'à la porte laissée ouverte et sortit dans le couloir. Un long couloir dont les dédales de chemin lui donnaient le tournis. Heureusement, le Duc poursuivait son chemin sur la ligne droite et pourtant si profonde qu'elle dut se racler la gorge pour s'éclaircir la voix.
- Tout est faux ! S'exclama-t-elle aussi fort que sa voix lui permit de faire.
Le Duc s'arrêta aussitôt et se retourna dans la seconde néanmoins sans bouger.
- Qu'est-ce qui est faux ? Demanda-t-il en plissant son front.
Les jambes tremblantes Luna fit quelques pas dans sa direction puis leva sa main pour l'interdire d'en faire autant.
- Non s'il vous plaît ! Restez ici !
Aucunement habitué à recevoir des ordres Roderik obtempéra lorsqu'il vit un éclat de peur dans ses yeux verts.
- Qu'est-ce qui est faux Luna ? S'enquit-il d'une voix aussi douce que possible.
- Je...j'ai fait la rencontre de votre frère à la Fac, commença-t-elle d'une voix tremblante ; Mais ça s'arrête là...
Roderik sentit son sang se répandre dans son cerveau à une vitesse folle.
- Que voulez-vous dire ? Demanda-t-il en s'efforçant de rester à sa place.
La jeune femme arborait une expression si triste qu'il comprit qu'elle était en train de lui révéler l'abominable vérité.
- Il est venu me voir à mon travail il y a une semaine pour me demander de jouer sa fiancée le temps d'un week-end pour empêcher ce mariage avec Johanne et j'ai accepté, je....j'ai...
Luna ne parvenait même pas à le regarder dans les yeux, devinant aisément qu'il bouillonnait de colère.
- Il m'avait juré que cela durerait deux jours et qu'ensuite il attendrait quelques mois pour annoncer notre rupture, il était persuadé que son plan marcherait.
- Mais vous vous êtes sentie dépassée n'est-ce pas ? S'enquit-il d'une voix étrangement calme.
Roderik tenait enfin la vérité et au lieu d'en esquisser un sourire de satisfaction il sentit sa bouche se déformer en un rictus amer.
- Je suis vraiment navrée monsieur Willar, murmura-t-elle en osant enfin le regarder, les yeux larmoyant ; Je comprendrais votre colère envers moi, j'ai menti et je vous ai laissé croire que tout était vrai parce que j'avais peur.
Roderik fit un pas en avant et elle en fit en arrière tout en reniflant.
- Demain matin je partirais et vous n'entendrez plus jamais parler de moi.
La jeune femme se retourna pour se réfugier dans la chambre.
- Pourquoi ? Demanda-t-il si fort qu'elle s'arrêta ; Je connais les raisons de mon frère mais je ne connais pas les vôtre. Pourquoi avez-vous accepté cette comédie ?
La jeune femme tourna la tête vers lui avec un sourire tremblant et presque déchirant à regarder.
- Parce que l'espace d'un instant j'ai voulu ressentir rien qu'une fois ce que ça faisait.
- Quoi ? Demanda-t-il au plus vite.
- D'avoir encore une famille...
Roderik n'eut pas le temps de bondir en avant qu'elle disparut dans la chambre et s'y enferma, le laissant seul et presque honteux de ne pas l'avoir compris plus tôt...
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