Chapitre 12



Luna avait l'impression que le temps s'était arrêté. Elle chercha en vain dans son regard pour déterminer la véritable nature de tels propos. Hélas, il demeurait impassible mais une lueur sincère passa dans son regard.

- Pourquoi ? S'entendit-elle demander alors que le serveur venait de se matérialiser devant eux pour déposer leur entrée.

Le Duc attendit son départ pour lui répondre.

- Vous êtes intrigante, admit-il en se redressant ; Je voulais apprendre à mieux vous connaître.

- En êtes-vous sûr ? J'ai plutôt l'impression que vous essayez de fouiller en moi pour découvrir si je ne suis pas une chercheuse d'or.

- Est-ce le cas ? S'enquit-il d'une voix énigmatique.

- Non, je ne suis pas une chercheuse d'or, sinon je serais déjà mariée à votre frère.

- Vous marquez un point, admit-il en levant un sourcil entendu.

La gorge nouée, le ventre palpitant elle dut baisser les yeux sur son assiette pour fuir son regard profondément troublant.

Elle secoua imperceptiblement de la tête pour chasser ce trouble.

Bon sang ! Avait-elle perdue la tête ? Était-elle trop stupide pour ne pas remarquer qu'il était là dans le but de la tester ?

- Mangez maintenant, ordonna-t-il en saisissant son verre de vin.

- Est-ce encore un ordre ? Osa-t-elle demander.

Le temps s'arrêta de nouveau.

Ses yeux brillaient d'une flamme ardente...

- Si c'était vraiment un ordre, vous seriez déjà en train de l'exécuter, finit-il par répondre.

Luna se pinça les lèvres puis se mit à manger sous un air de musique douce et classique.

En l'espace de deux heures elle avait reçu de multitudes d'informations qu'elle peinait à assimiler. D'abord le mensonge du Duc puis ses révélations sur son mariage soldé par un divorce. D'ailleurs elle n'en revenait pas que cet homme se soit marié un jour.

- C'est bientôt Thanksgiving, je suppose que vous serez parmi nous ?

Luna faillit s'étouffer.

- Thanksgiving ? Les anglais ne fêtent pas Thanksgiving.

- De proches parents sont américain, ils tiennent chaque années à le fêter avec nous, c'est devenu une tradition, Luke vient chaque année.

Luke avait pourtant été très clair...

Après ce week-end Luna pourrait retourner à sa vie. Il lui avait même promis qu'elle croiserait plus jamais son frère. Il s'était trompé.

- Je ne sais pas, je vais y réfléchir.

- Il n'y a pas à réfléchir, rétorqua le Duc en posant ses couverts avec une lenteur délibérée ; Vous êtes la fiancée de mon frère et votre présence est indispensable.

- Pour qui ? Je ne suis pas sous contrat il me semble, s'emporta Luna en peinant à maîtriser les tremblements naissants dans sa voix.

Le Duc se rembrunit subitement.

- Vous avez peine à comprendre dans quelle famille vous êtes tombée mademoiselle Luna.

- Vraiment ? Éduquez-moi je vous prie...

Roderik sentit un fourmillement familier naître au creux de ses reins. Dieu ! Cette femme était bel et bien différente de celles qu'il avait jadis connu. Elle était naïve et pourtant si intelligente...avec une pointe d'audace qui parvenait toujours à le surprendre.

Elle tremblait littéralement de peur comme si elle craignait qu'il la brise de n'importe quelle façon.

Roderik devait l'admettre il n'avait pas l'habitude d'être autant troublé.

D'ordinaire les femmes se révélaient à lui de façon extravagante dans l'espoir d'attirer son attention. Certaines d'entres elles allaient même jusqu'à escalader la façade du manoir pour l'apercevoir.

Et devant lui, se tenait une jeune femme timide et craintive qui ne cherchait même pas à le séduire....mais peut-être l'avait-elle fait avec lui.

- Nous sommes des aristocrates miss Moor, il y a un protocole strict et qui doit être respecté, expliqua-t-il en s'efforçant de garder une voix calme ; Quand les paparazzi trouveront Luke ils vous trouveront. Au début vous serez dans les petites carrés des magazines people avec pour titre " Une nouvelle conquête ! " Puis ensuite, comme votre histoire est sérieuse vous serez en première page, il est donc absolument hors de question que Luke soit prit en photo seul lors de réunion familiale.

Roderik scruta attentivement sa réaction. Le visage blême, ses beaux yeux verts se mirent à parcourir la salle du restaurant à la recherche d'une porte de sortie.

- C'est...ridicule, bredouilla-t-elle en massant sa tempe droite.

- Bienvenue dans notre monde miss Moor, lâcha Roderik en refermant sa main sur son verre pour la quatrième fois.

Elle se mit à battre des cils, les joues rouge et son pouls palpitait à la basse de son cou.

- Allons, calmez-vous, tout va bien, murmura-t-il en la voyant tourner de l'œil.

Il se leva précipitamment pour saisir la carafe d'eau et lui servit un verre.

- Buvez, ordonna-t-il en glissant le verre à ses lèvres.

Luna s'en empara alors que des minuscules particules noires dansaient devant ses yeux. Le parfum virile du Duc vint chatouiller ses narines. Il se tenait debout devant elle avec un sourire rassurant aux lèvres.

Luna venait de lui tendre le bâton pour se faire battre. Il fallait absolument qu'elle contacte Luke au plus vite avant que la situation dégénère.

- Ça va mieux ? S'informa-t-il en reposant son verre sur la table.

- Ou...oui..

- Vous êtes vraiment différente, je dois l'avouer, murmura-t-il en se rasseyant ; N'importe quelle midinette aurait sautillée de joie à cette idée.

- Pas moi, dit-elle d'un souffle.

- Cessons de parler de ça, décréta le Duc d'une voix troublante...aussi troublante que la lueur de compassion qui illuminait ses yeux sombre ; Profitez de votre repas et oublions tous le reste.

- Oui, je suis d'accord, murmura-t-elle en pressant ses mains sur ses joues.

Et il avait tenu parole. Ils avaient fini leur dîner dans une ambiance détendue et elle avait même réussie à lui arracher un sourire.

Cependant, Luna restait sur ses gardes. Luke n'avait aucune idée de ce que son frère lui réservait dans deux jours et elle craignait ne plus pouvoir feindre la jeune femme amoureuse plus longtemps.

Dans la voiture qui la ramenait à son appartement Luna se surprit encore une fois à l'observer dans la lune claire de la nuit. Il donnait l'impression d'être un démon émergeant des ténèbres et pourtant il venait de lui offrir une belle soirée qu'elle n'oublierait jamais.

- Luke ne m'a jamais emmené dîner, révéla Luna à la plus grande surprise du Duc qui tourna son regard sévère dans sa direction.

Un lourd silence tomba dans l'habitacle.

- Vous m'avez avoué un mensonge je vous en dois un, reprit-elle en baissant les yeux sur ses mains jointes.

Il resta silencieux alors elle tourna la tête tristement vers la fenêtre.

- Personne ne m'a jamais emmené dîner, c'était la première fois.

Elle se tourna vers lui et croisa son regard ciselé dans un faisceau lumineux des phares d'une voiture.

- Alors je tenais à vous remercier pour ce dîner.

- C'était un plaisir, murmura-t-il en fronçant légèrement des sourcils comme s'il songeait.

Luna esquissa un mince sourire puis reportant son attention sur la route. Certaines rues étaient déjà illuminées de belle lumière signifiant l'approche de noël. Une larme de tristesse manqua de rouler avant qu'elle s'empresse de l'effacer.

- Nous sommes arrivés c'est mon immeuble, dit-elle en se redressant.

Le chauffeur s'arrêta juste devant.

- Je vais vous raccompagner, décréta le Duc sans lui laisser le temps de refuser.

Luna sentit son cœur s'accélérer.

- Ce n'est pas nécessaire vous savez ?

Sans lui répondre, il glissa sa main dans son dos pour l'enjoindre d'avancer.

- Vous avez peur que je trouve mon frère ? S'enquit-il une fois dans l'immeuble.

- Aucun risque là-dessus ! S'exclama Luna un peu trop vite.

- Voilà une information intéressante...

Luna rougit violemment.

- Je tiens à garder mon intimité, se défendit-elle d'une voix ferme.

Il garda le silence tout en grimpant l'escalier. Bien-sûr Luna le soupçonnait de connaître son numéro de porte.

- Vous voilà arrivée miss Moor, déclara le Duc en s'arrêtant à la bonne porte.

Luna esquissa un sourire timide et ouvrit sa porte avec une folle et dangereuse proposition en tête.

- Vous désirez boire un café ? Lâcha-t-elle d'un bégaiement chaotique.

Un sourire mystérieux aux lèvres le Duc inclina sa tête.

- J'en serait ravi miss Moor...

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