Chapitre 11
Luna sentit le feu lui monter aux joues si vite qu'elle crut fondre sur place.
C'était pour ainsi dire la première fois qu'il arborait un sourire charmeur voire amusé.
- Hum ? S'enquit le Duc en levant un sourcil révélateur...comme si la raison l'emportait sur le mensonge.
Car que pouvait-elle rétorquer à ça ? N'avait-elle pas frémi d'excitation comme une adolescente à sa demande qui n'en était pas une ?
- Je ne peux pas dîner avec vous, refusa Luna en récupérant ses affaires ; Je dois me lever tôt demain et puis je ne suis pas présentable.
Pour toute réponse il lâcha un rire sec.
- Je dois l'admettre, personne ne m'a tenu tête comme vous le faites, cela devient un peu barbant, d'autant plus que je ne suis pas quelqu'un qui baisse les bras aussi facilement.
Luna se mit à fuir son regard rembruni et quitta sa salle de classe suivie de près par cet homme aussi énigmatique qu'incompréhensible.
- Je peine à comprendre, il y a deux jours de ça vous aviez qu'un seul but me faire disparaître et aujourd'hui vous désirez sympathiser avec moi, comment est-ce possible ?
Luna s'engagea dans le couloir tout en inspirant imperceptiblement.
- Je suis sceptique quant aux intentions qui motivent mon frère, je vous l'ai dit qu'il n'y avait rien de personnel, expliqua-t-il de sa voix si naturellement rauque.
- Vous aimez contrôler ce qui vous entoure n'est-ce pas ?
- Cela évite de mauvaises surprises, comme par-exemple une femme avide de pouvoir espérant duper un Duc.
Luna s'arrêta dans sa course folle, l'obligeant à en faire de même.
- Oh...je...
- Je suis solide, la coupa-t-il froidement ; Elle montrait ce que le monde voulait voir d'elle mais dans les coulisses les choses étaient différentes.
Luna baissa brièvement les yeux avant de les relever.
- Elle me tapait sur le système nerveux et n'aspirait pas au même désirs que moi, notre mariage a pris fin un an et demi plus tard sous une foule de journalistes prêts à tout pour vendre mon histoire.
Sans aucune émotion perceptible sur le visage, il haussa des épaules puis reprit ;
- Heureusement j'ai eu l'intelligence de lui faire signer un contrat, bref, ainsi voilà pourquoi j'aime contrôler mon monde, cela me permet d'anticiper les problèmes qui pourraient nuire à ma famille.
Luna se sentait peinée pour lui puis offensée.
- Je suis nuisible monsieur Willar ?
- Willar ? Répéta-t-il en levant un sourcil ; Voilà qui est intéressant...
À force de rejeter sa tête en arrière Luna sentait naître de vilaines douleurs à la base de sa nuque.
- Non, je ne pense pas que vous soyez nuisible et puis de toute façon, nous allons bientôt pouvoir le découvrir.
- Que voulez-vous dire ?
- Le mariage bien-sûr, vous vous êtes présentée comme la fiancée de mon frère autrement dit, je songe au mariage pas vous ?
Luna déglutit avec difficulté et réprima une grimace. Maudit soit Luke de l'avoir entraînée dans cette histoire !
- À ce titre je dirais que je suis votre beau frère, alors pouvons-nous aller dîner ma très chère belle-sœur ? Conclut-il sans une once de moquerie dans la voix.
Luna cilla et reprenant son chemin. Il fallait réfléchir et vite !
- Je doute qu'il y ait un mariage dans les prochaines semaines vous voulez savoir pourquoi ? Lança-t-elle sans le regarder.
- Je n'attend que ça miss Moor.
- Parce que c'est trop tôt.
- Il n'est jamais trop tôt ou trop tard pour se marier.
Luna cilla, les jambes tremblantes.
Il venait de dire mot pour mot ce qu'elle avait dit à Luke.
- Peu m'importe ! Je n'ai pas l'intention de me marier demain matin !
- Vous m'en voyez ravi, soupira-t-il en la prenant par le coude ; Venez dîner maintenant.
Tous deux venaient de franchir la sortie de l'école et le froid s'engouffrait déjà sous son manteau.
Elle aperçut une luxueuse voiture garée juste devant et quelques passant n'avaient pas mis longtemps à le reconnaître.
- Je vous l'ai déjà dit je ne suis pas habillée pour !
- Vous êtes parfaite, assura-t-il avec une sincérité nettement visible dans les yeux.
- Personne n'est parfait, s'entendit-elle dire d'une murmure.
- Certaine personnes frôlent la perfection sans le savoir, répliqua le Duc en l'entraînant jusqu'à la voiture.
Sans avoir le temps de réagir elle se retrouva assise sur un luxueux siège en cuir.
- Ne soyez pas si nerveuse, je vous emmène dîner pas à l'abattoir, marmonna-t-il lorsque le chauffeur se mit en route.
Malheureusement rien ne pourrait la rendre moins nerveuse. Elle se recula jusqu'à toucher la portière alors qu'il pianotait sur son téléphone avec cette gravité éternelle dans le regard.
- Où allons-nous ? Demanda Luna en serrant son sac à main contre son ventre.
- Vous verrez...
- Ce n'est pas la réponse que j'espérais entendre.
Roderik remit son téléphone dans sa poche intérieure sans lui répondre. Chaque fois qu'il posait son regard sur elle, Roderik sentait tous ses sens s'éveiller dangereusement. Pire encore elle lui avait confirmé ce qu'il avait osé lui dire dans la forêt. Ainsi voilà l'impression qu'elle avait de lui ?
Serrant rageusement les poings, il aperçut le restaurant dans lequel il avait l'habitude de dîner seul apparaître sous son regard assombri.
- Vous voici saine et sauve mademoiselle Moor, ironisa Roderik en quittant la voiture.
Il attendit qu'elle sorte pour poser sa main dans son dos. Le restaurant était petit et chaleureux, ici personne ne venait le déranger.
- C'est très beau, murmura-t-elle d'une voix empreinte d'émerveillement.
- Je suis ravi que cela vous plaise, dit-il lorsqu'ils furent accompagnés à leur table.
Très vite il vit ses lèvres frémir comme si elle s'empêcher de sourire. Jamais il n'avait vu des lèvres aussi bien dessinées, songea-t-il avant de reporter son attention sur le serveur.
- Vous avez la tête de quelqu'un qui n'a jamais été dans un restaurant, fit-il remarquer ; Mon frère ne vous a jamais emmenée dîner ?
Elle rougit tout en ouvrant sa carte pour s'y perdre.
- Si bien-sûr que si..mais celui-ci est particulièrement chaleureux.
Roderik se forçait à la croire mais son regard était tant révélateur qu'il la soupçonnait de mentir avant que lui revienne en mémoire la nuit qu'elle avait passée chez Luke...
- Choisissez ce que vous voulez, faites-moi le plaisir de manger.
Elle lui glissa un regard incrédule.
- Mary n'a pas apprécié que vous refusiez de manger ses plats.
- Ce n'était pas contre elle, je n'avais pas d'appétit.
- À cause de moi ?
- Il faut dire que je n'ai pas été accueilli à bras ouverts.
Luna abaissa les yeux sur la carte alléchante et fut tenté de se faire plaisir. La situation devenait presque risible.
Luke qui était son ami ne l'avait jamais emmenée dîner avant sa subite demande à leur retour de York et voilà que son frère l'invitait dans un restaurant hors de prix alors qu'il la connaissait à peine.
- La grosse entrecôte me fait envie, lâcha-t-elle tout haut.
Cette information ne passa pas inaperçue et très vite le Duc prit leur commande.
Tendue, le dos droit elle continua à fuir son regard par peur de ressentir à nouveau cette chaleur incongrue.
- Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir maîtresse d'école ?
Luna tourna sa tête vers lui et aurait pu jurer avoir entendu de la douceur dans sa voix.
- J'adore les enfants, j'aime les accompagner dans cette période de leur vie. Ils se découvrent des passions, se développent, ils apprennent à se découvrir.
Il se contenta de hocher vaguement de la tête l'air songeur.
- Et vous ? Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir Duc ? S'enquit-elle en riant à sa propre question.
- Le devoir avant toute chose, répondit-il en se frottant le menton ; Honorer mes ancêtres et leur travail accompli pour l'Angleterre. Certaines personnes pensent que ce statu est un privilège mais il nécessite énormément de sacrifices et de travail.
- Comme le mariage arrangé ? Osa-t-elle demander.
Il planta son puissant regard dans le sien.
- Oui, admit-il en saisissant son verre de vin ; Mais ce n'est plus à l'ordre du jour puisque j'ai abandonné l'idée.
- Mais pas l'idée de vous prouver que Luke n'a pas changé ?
- J'en reste effectivement persuadé.
- Pour quelle raison ?
Il darda sur elle un regard qui la fit frémir et se carra dans sa chaise bras croisés...révélant de puissant biceps.
- Parce que Luke n'est pas à Los Angeles...
Luna réprima un hoquet sans le quitter des yeux avec la désagréable impression d'avoir été piégé.
- Qu...
- Je ne l'ai pas envoyé à Los Angeles, j'ai menti pour voir votre réaction.
- Comment osez...
- Vous êtes seule, ici, avec moi pendant que lui vaque à des occupations de débauche, seulement j'ignore pourquoi vous vous persuadez qu'il peut changer.
Sa voix avait été si tranchante qu'elle en perdit ses mots.
- Vous essayez de me piéger ?
- Seulement à vous éviter des souffrances inutiles, répondit-il si vite qu'elle perdit son souffle.
Il se pencha au-dessus de la table, sans la quitter des yeux.
- Vous valez mieux que ça mademoiselle Moor...
Luna retint son souffle. Il semblait si sincère...
- Malheureusement je ne peux pas vous empêcher d'avoir des sentiments pour lui, reprit-il en se redressant l'air dépité ; Et j'espère que bientôt la raison l'emportera sur cette illusion.
Étourdie, avec l'étrange sensation qu'il voulait la protéger Luna sentit son cœur se serrer. Si seulement elle pouvait lui dire la vérité songea-t-elle avant de vite revenir à la raison.
- M'avez-vous menti sur autre chose monsieur le Duc ?
D'un sombre et absent regard il répondit à brûle-pourpoint ;
- Oui, je n'étais pas seulement venu pour m'excuser miss Moor, je voulais aussi vous revoir...
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