Chapitre 10



Depuis la fenêtre qui donnait sur le fabuleux Hyde Park, Luna repensait à son week-end et la situation dans laquelle elle avait dû se mettre pour aider Luke.

Malgré les désagréments, Luna était nostalgique en songeant à ce magnifique domaine. Dans la nuit qui avait précédé sont départ Luke l'avait rejoins dans sa chambre pour l'informer que son frère avait cédé. D'abord satisfaite de sa mission accomplie Luna avait douté de la bonne foi de Roderik Willar avant de rapidement estomper ses doutes. Après tout elle s'était montrée convaincante lors de la visite de Johanne et c'est probablement pour cette raison qu'il avait fini par céder.

Le lendemain, Luna avait supplié Luke de partir avant le petit-déjeuner dans l'espoir de ne pas croiser son terrible frère. Hélas, il s'était présenté à eux avec son éternelle expression grave et dénuée d'émotions.

《 Au revoir Monsieur le Duc, lui avait-elle dit sans même le regarder. 》

Adieux ce magnifique manoir, avait-elle pensé en le regardant une dernière fois tout en se promettant de ne jamais oublier le jardin qu'elle n'avait pas eu l'occasion de fouler ou de ce beau chandelier aux pendeloques en cristal...

Depuis, Luke l'avait invité à diner pour la remercier. Une invitation qu'elle avait dû refuser par crainte d'éveiller en lui des illusions.

Avec un soupir tremblant elle se tourna vers sa salle de classe et observa les enfants dessiner afin d'explorer leur imagination créative.

- Regardez miss Moor ! S'écria Arthur en agitant son dessin devant elle.

Luna le prit et ne put s'empêcher de sourire.

- C'est un hippopotame jaune !

- Je vois ça ! Lui dit-elle en se mettant à sa hauteur ; Sais-tu où vivent les hippopotames ?

Le petit garçon fronça des sourcils en réfléchissant le doigt sur la bouche.

- Dans l'eau ?

- Essentiellement oui, répondit-elle en jetant un coup d'œil sur l'horloge.

Plusieurs parents attendaient déjà devant l'entrée de sa classe. Luna annonça l'arrêt de l'atelier et les aida à retirer leur tablier. Peintures, crayons à couleurs et pastels, Luna commença à ranger les tables rondes sous les retrouvailles émouvantes des enfants et leurs parents.

La plus sensible, June attendait sa maman devant l'entrée en essayant tant bien que mal à mettre son manteau.

Âgé de trois ans, la petite fille pleurait chaque matin lorsqu'elle devait quitter sa mère le temps d'une journée. Luna se rappelait encore des cris et des larmes qu'elle avait versé à cette période et comprenait la douleur de l'enfant mieux que quiconque.

- Regarde qui arrive, murmura-t-elle en l'aidant à vêtir son manteau.

- Maman ! S'écria la petite fille en courant vers elle.

Luna sourit devant cette éteinte adorable et agita sa main dans sa direction.

- À demain June !

- À demain miss Moor, cria-t-elle en agitant sa main.

Luna rit doucement en retournant dans la classe à la fois heureuse et morose que cette journée ce soit achevée aussi rapidement.

Roderik entra dans l'école maternelle et scruta les lieux avec attention. Il avait attendu patiemment que la foule de parents sortent de toute part avec leurs enfants turbulents agrippés à eux.

Deux jours...voilà deux jours qu'il avait cru pouvoir faire disparaître Luna Moor de sa tête sans succès. Il l'avait humiliée de façon odieuse et elle était partie au petit matin sans même le regarder. Pire encore...s'il se persuadait que cette idylle avec son frère était une piteuse mascarade Roderik était maintenant empli de doutes après que l'un de ses gardes du corps lui rapporte qu'elle avait passé la nuit chez Luke.

À ce moment-là Roderik avait senti une violente colère l'envahir. Une colère qu'il ne s'expliquait toujours pas.

- Monsieur le Duc ! S'exclama une femme vêtue d'un tailleur ; Mon dieu est-ce que vous aviez prévu une visite officielle dans notre école ?

Roderik toisa la directrice avec humeur.

- Non, en réalité je cherche mademoiselle Moor, pouvez-vous m'indiquer sa salle de classe ?

La surprit se peignit sur ses traits.

- Oh...euh oui c'est au deuxième étage, porte numéro sept, bafouilla-t-elle décontenancée.

Roderik se contenta de la remercier d'un vague mouvement de la tête et se dirigea vers les escaliers.

Une fois parvenu à sa salle de classe Roderik sentit une forte odeur de peinture. Pendant un bref instant il songea à son enfance avant qu'une bouffée de désir s'empare de lui. C'était mal, incongru, intolérable, Roderik enfonça ses mains fermées en poings dans les poches de son pantalon en s'exhortant de revenir à lui.

Mais la tentation de la regarder fut trop forte.

C'était pour ainsi dire la première fois qu'il voyait ses cheveux détachés. De couleur de chocolat, ils retombaient en cascade contre son dos, à la limite de ses fesses...

Elle effaçait le tableau et ne s'était pas aperçue qu'il se tenait juste derrière elle.

Pourquoi était-il là ?

D'abord pour revoir cette jeune femme intrigante et différente...ensuite parce qu'il refusait de croire qu'elle était la fiancée de son frère et il était déterminé à découvrir la vérité.

- Bonsoir mademoiselle Moor...

Luna suspendit son geste et tout son corps se mit à frémir en entendant cette voix qu'elle s'était promis d'oublier et pourtant...

Lentement elle se retourna les lèvres tremblantes et le vit...là..près de l'entrée.

Son cœur se mit à battre à la chamade lorsqu'elle croisa son regard et revit ses traits figés en une agressivité telle qu'elle frissonna jusqu'à la racine de ses cheveux.

Il portait un costard cravate aussi sombre que l'éclat noir de ses yeux. Seule sa chemise blanche parvenait à éclairer son aura.

- Qu'est-ce que vous faites ici ? S'enquit-elle d'une voix tremblante.

Le Duc la scruta de la tête aux pieds avant de lui répondre ;

- Je suis venu dans l'intention de vous présenter mes plus plates excuses.

- Vous ? S'enquit-elle en faisant mine d'être choquée ; Vous voulez me présenter des excuses ? Mais pour quelle raison ?

Luna le vit se rembrunir et tout son être se figea.

- Dans la forêt, j'ai tenu des propos à votre encontre et...

- Vous aviez raison, coupa-t-elle en reposant la brosse ; Vous accuser de vouloir me séduire était ridicule, deux mondes nous séparent, alors...ne vous excusez pas.

Luna tortillait ses doigts nerveusement sous le regard égaré du Duc.

- Je déteste être interrompu, lâcha-t-il froidement ; Deux mondes nous séparent ? À vous entendre je suis aussi vieux que mon manoir.

- Vraiment ? Quel âge a-t-il ? Répliqua Luna avec un sourire moqueur aux lèvres.

L'homme crispa ses mâchoires tout en contournant les petites tables rondes...des tables qui lui paraissaient minuscules à présent.

- L'humour noire ne va pas miss Moor, murmura-t-il d'une voix mécontente.

Luna buta contre le tableau à mesure qu'il s'approchait.

Grand dieu ! Songea-t-elle en sentant son pouls s'affoler. Était-il là pour s'excuser ou pour la malmener davantage ?

- Que faites-vous ici ? Répéta-t-elle en passant sa langue sur ses lèvres sèches.

- Je vous l'ai dit, pour m'excuser !

- J'accepte vos excuses, à présent vous pouvez partir...

Roderik serra les dents tout en la suivant du regard alors qu'elle cherchait clairement à le fuir. Chaque fois qu'il se trouvait en sa présence de multiples émotions se succédaient en lui à une vitesse folle. La colère, la peine, l'amusement et le désir...

- En réalité j'avais pensé vous emmener dîner ce soir.

La surprise gagna les traits fins de la jeune femme.

- Je ne peux pas, mentit Luna en ramassant les dessins des enfants ; Je dîne avec Luke.

- Vraiment ? Quand ? S'enquit-il avec un vague sourire aux lèvres.

- Oh euh...ce soir dans moins de...de...deux heures.

Roderik sourit intérieurement et appréciant la rougeur perceptible sur ses joues.

- Donc, commença-t-il en consultant sa montre ; Si mes calculs sont exacts il vous reste plus qu'une heure et cinquante-neuf minutes pour fermer votre classe, attraper un taxi pour l'aéroport, prendre un avion direction Los Angeles...une destination qui nécessite plus de deux heures de vol ?

La jeune femme se mit à rougir violemment.

- Vous n'êtes pas très douée pour mentir Miss Moor.

- Comment savez-vous qu'il est à Los Angeles ?

- Parce que c'est moi qui l'ai envoyé là-bas pour affaires, il est temps pour lui de s'investir un peu plus, c'était le prix à payer pour que je lui évite le mariage.

- Comme c'est généreux de votre part, murmura-t-elle en lui tournant le dos.

- Est-ce si horrible que ça de dîner avec moi ?

- Je l'ignore car toute les fois où j'ai eu la malchance d'être avec vous, vous m'avez montrer à quel point je n'étais pas la bienvenue.

- C'est vrai et c'est exactement pour cette raison que je vous invite à dîner, répliqua Roderik en perdant patience ; Alors vous allez dîner avec moi.

La jeune femme leva sa paire d'yeux vert sur lui.

- Pourquoi ai-je l'impression que c'est un ordre plutôt qu'une proposition ?

Roderik s'approcha d'elle et déclara ;

- Pourquoi ai-je la délicieuse impression que vous aimez ça ?

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