Chapitre 1
13 ans plus tard
Assise au sommet de la plus haute tour du quartier des alters maléfiques, Myra regardait la ville en contrebas.
À ses pieds s’étendaient les secteurs pauvres de la cité. Ceux où étaient envoyés les alters qui n’avaient pas assez mal agi pour être tués lorsqu’ils étaient petits, mais qui n’étaient pas assez sages pour être désignés comme le bon enfant. L’alter sage et bienveillant gagnait le droit de mener une vie convenable alors que son frère ou sa sœur devait aller vivre dans les bidonvilles. Là où du sang s’écoulait constamment dans les caniveaux, où les ordures traînaient à même le sol parce que les éboueurs craignaient de s’aventurer dans leurs quartiers. Son regard passa rapidement sur les toits en tuiles grises qui s’assombrissaient au fur et à mesure que des nuages s’amoncelaient dans le ciel. Ils annonçaient une nuit pluvieuse et plus le ciel s'obscurcissait, plus elle avait l’impression que la soirée allait mal se dérouler. Néanmoins, le rire des enfants qui jouaient en bas de la tour lui arracha un sourire.
L’ancienne princesse observa quelques secondes le mur qui séparait ceux qui avaient une vie simple et facile de ceux qui n’avaient pas eu cette chance. Les gentils et les méchants… c’était complètement ridicule de décider qui était bon et qui était mauvais à cause du comportement qu’avait un individu lorsqu’il était enfant. Qui avait toujours bien agi de sa naissance à ses dix ans ? Personne. C’était révoltant. Myra n’avait qu'une envie, mettre fin à ce système.
Ce mur servant de séparation était noir, haut d’une vingtaine de mètres, avec des soldats postés à intervalles réguliers pour empêcher les deux populations de se mélanger. Il n’y avait que deux endroits qui n’étaient pas protégés. Le plus connu, à l’ouest de la ville, où les bons alters, avides d’aventures, passaient pour visiter les quartiers où ils n’avaient pas le droit d’aller. L’autre, beaucoup moins connu, était celui par lequel Joshua l’avait sauvée et amenée ici.
Ses yeux violets passèrent outre le Mur et fixèrent avec mépris le reste de la capitale du royaume. Même la couleur des toits des maisons montrait qu’ils étaient privilégiés. D’un blanc éclatant, sans aucune tache ni trou qui laissait entrer la pluie dans les bâtiments les soirs de tempête. De là où elle était, elle apercevait, petites marques noires au loin, des calèches se diriger vers le palais, sans doute conviées à un bal par le roi, la reine et la princesse.
Le palais. La princesse. Le roi. La reine. Du mépris, ses prunelles passèrent à la haine totale. Ceux que Myra appelait autrefois sa famille. L’endroit qui était auparavant sa maison. Elle examina la tour où elle dormait étant petite, les pierres grises qui maintenaient la structure et le toit en tuiles d’or. Rien n’avait changé en treize ans, si ce n’était la sécurité du palais, qui avait été renforcée. Les souverains avaient essayé de tuer leur fille, aînée de sept petites minutes, et pourtant, tout était encore pareil dans le château, elle en avait la certitude.
Le garde qui l’avait laissé s’échapper parce qu’elle l’avait frappé avait été puni en privé. Un contact de Joshua qui vivait de l’autre côté du Mur leur avait rapporté cette information une semaine après son évasion. Ses parents, s’ils pouvaient vraiment être appelés ainsi, n'avaient pas ébruité sa fuite. Pour tous les habitants du royaume, la princesse aînée était morte. Enfin, pour tous, sauf pour ceux de son quartier.
En contrebas, les bambins qui jouaient avec une boîte de conserve commencèrent à se disputer. Alertée par leurs cris, Myra s’arrêta dans ses ruminations pour leur prêter attention. Une petite brune aux cheveux longs était assise par terre et le bruit de ses sanglots parvenaient jusqu’à Myra. En face d’elle se trouvaient deux blondinets. Des jumeaux. Myra sourit. Au moins, de ce côté-ci du Mur, les familles n’étaient pas séparées. C’était toujours ça de gagné. L’un des garçons rigolait en regardant son ami alors que l’autre haussait les sourcils.
— Arrête de pleurnicher, Neva, disait le plus joyeux. On n’est pas chez les gentils ici. On doit être costauds pour survivre.
Sur cette phrase bien trop sérieuse pour un enfant de son âge, il montra ses biceps et mit un coup de pied dans la conserve ouverte. Celle-ci partit en direction de la petite. Elle pencha la tête pour l’éviter mais le couvercle érafla sa joue, qui se mit à saigner. Myra fronça les sourcils.
À l’évidence, le petit n’avait pas vu qu’elle était là, sinon il n’aurait pas agi de la sorte. La trahison de ses parents l’avait endurcie et à l’âge de douze ans seulement, épaulée de Joshua et de son meilleur ami, elle s’était décrétée princesse de ce côté de la ville pour essayer de faire régner un minimum d’ordre. Quand il y avait de gros problèmes, c'était elle que les « méchants alters » venaient voir pour les régler. Elle avait interdit les mises à mort et, même si personne ne l’avait prise au sérieux au départ, la correction qu’elle avait infligée du haut de ses douze ans à la première personne qui n’avait pas écouté ses ordres avait incité tout le monde à l’écouter. Elle s’entraînait à se battre depuis qu’elle avait été sauvée et avait étrangement réussi à prendre le dessus. Le fait de s’en prendre à une fillette qui pleurait faisait aussi partie des choses qu’elle avait interdites.
Elle se leva et mit ses mitaines. Elle avisa la corde qui pendait à côté d’elle. C’était le seul moyen de monter au sommet de la tour et l’unique façon de redescendre. Enfiler ses mitaines était le seul moyen de ne pas se retrouver avec les mains brûlées. Elle prit le cordage de la main droite et l’enroula autour de son poignet avant de se laisser descendre. Elle atterrit souplement à quelques mètres de la petite. Le garçon qui avait lancé la conserve pâlit en voyant sa dirigeante. Il savait qu’il n’avait pas le droit d’agir comme il l’avait fait. L’autre enfant déglutit. De son côté, la fille s’essuya les yeux pour ne pas paraître faible devant la princesse déchue.
Myra avait posé des règles, certes, mais elle détestait les personnes qui se montraient faibles et tout le monde le savait. La fille devait penser que Myra se moquerait d’elle si elle la voyait pleurer.
— Qu’est-ce qui se passe ici ? demanda Myra, les mains sur les hanches.
— Rien du tout, s’empressa de dire l’un des blonds. On s’amusait.
— Vous criez quand vous vous amusez, vous ?
Pendant que les enfants cherchaient une explication plus plausible, un détail attira l’attention de Myra. Une goutte d’eau était tracée sur la deuxième joue de la bambine. Cette marque la fit déglutir.
Encore une.
— Dis-moi, petite, est-ce ton choix ? La marque sur ta joue, précisa-t-elle.
La concernée pâlit mais se releva, essayant de prendre un air fier.
— Oui. Je veux y aller.
Myra fixa la gamine dans les yeux, soupira puis se tourna vers le blond le plus violent des deux.
— Profite de ton amie au lieu de lui jeter des objets dessus. Quand elle sera partie, elle ne pourra jamais revenir. Filez.
Elle regarda les petits s’éloigner en courant, serrant les poings. Les trafiquants d’enfants. Son plus grand fléau. Ils sévissaient depuis plusieurs années et endoctrinaient les enfants les plus naïfs en leur faisant croire qu’ils auraient la belle vie de l’autre côté du Mur. Les petits avaient donc envie de partir. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’ils allaient servir de domestiques, traités comme des moins que rien, comme des esclaves par leurs employeurs. Et comme les enfants étaient d’accord, Myra ne pouvait rien faire contre l’homme qui tirait les ficelles. Il le savait. C’était bien pour cela qu’il marquait les enfants avec son sceau, pour la narguer. Et aussi pour montrer aux acheteurs les origines de leur nouvelle main d’œuvre.
— Myra ? l'interpella une voix masculine qu’elle reconnut de suite.
Elle se retourna, un sourire léger aux lèvres. Une silhouette émergea de l'ombre d'un bâtiment délabré. Un adolescent aux cheveux noirs coiffés grossièrement au sommet de sa tête et aux yeux brillants de malice s’approcha d’elle. Le nouveau venu épia les enfants puis ébouriffa les cheveux de Myra.
— Tu penses à un moyen d’arrêter Jorik ?
Elle hocha la tête, son sourire remplacé par une moue anxieuse.
— Je ne peux rien faire, la petite veut passer de l'autre côté.
— Elle pense le vouloir, gronda le jeune homme. Jorik lui a embrouillé l’esprit. On sait tous les deux qu’elle ne le veut pas vraiment.
— Je le sais, Côme. Mais j’ai créé des lois quand j’ai voulu restaurer un minimum d’ordre ici. Si je ne les respecte pas moi-même, elles ne serviront plus à rien. Plus personne ne les respectera. Je ne peux rien faire tant que je n’ai pas de preuves de ses actes.
Son meilleur ami leva les yeux au ciel en soupirant. Myra savait ce que Côme pensait de cet argument. Il trouvait qu’elle était encore trop droite pour pouvoir vivre de ce côté de la ville, qu’elle avait trop de valeurs. Elle s’était fait beaucoup d’ennemis, mais ne faisait rien contre eux s’ils n’agissaient pas les premiers. Il était persuadé que cela mènerait à sa mort. Il n’eut cependant pas le temps de lui dire qu’elle était idiote de suivre ses propres règles quand le petit garçon blond et gentil de tout à l’heure revint vers eux. Côme fronça les sourcils et d’un geste de la tête, fit signe à Myra de regarder derrière elle, puisqu’elle lui tournait le dos.
Quand le petit s’aperçut que Myra le regardait, il ralentit l’allure, soudain peu sûr de lui.
— Qu’est-ce qu’il y a, gamin ? l’interrogea Côme.
Le bambin rentra la tête dans les épaules, apeuré par cette grande personne qui lui avait parlé méchamment. Myra secoua la tête en direction de son ami. Il avait fait peur à l’enfant.
― Doucement, Côme. C’est un gosse.
Elle s’agenouilla devant le petit pour paraître moins imposante, même si son mètre quarante ne l’était pas déjà pas beaucoup.
— Pourquoi t’es revenu ? C’est au sujet de ton amie ? demanda-t-elle d’un ton pressé et impérieux.
Côme haussa les sourcils. Elle s’adressait au gamin exactement de la même façon que lui, à défaut qu’elle s’était accroupie. Mais il comprenait pourquoi l’adolescente agissait de cette manière. Ils allaient peut-être avoir une occasion de coincer cette enflure de Jorik.
— Elle ne veut pas partir, avoua le blond d’une petite voix. Le monsieur qui lui a fait la marque a menacé ses parents pour qu’elle accepte. Il lui a fait promettre de faire croire à tout le monde qu’elle était d’accord.
Un sourire victorieux naquit sur les lèvres de la jeune fille. Elle tenait le trafiquant. Enfin. Elle remercia le petit qui partit en courant. Ensuite, elle se redressa, les mains sur les cuisses, et se tourna vers Côme, dont un rictus mauvais étirait maintenant les lèvres.
— Alors, ma Reine, qu'est-ce qu’on fait ?
Elle détestait qu’on l’appelle de cette façon, il le savait. Pourtant, elle ne lui offrit pas le coup de coude habituel à l’évocation de ce surnom. À la place, un désir ardent brillait dans ses yeux.
— On lui fait la peau, à cet enfoiré, déclara-t-elle.
— Tu es sûre ? La parole de ce gamin est une preuve suffisante ?
Une étincelle légèrement rieuse persistait au fond de ses yeux alors que la vengeance prenait place dans ses prunelles brunes.
— Absolument pas, mais c’est la meilleure preuve qu’on est depuis deux ans. La dernière fois qu’on l’a arrêté, on a dû le relâcher parce qu’on en avait pas assez. Cette fois, il n’en sortira pas vivant. J'en fais la promesse.
Elle se tut quelques secondes.
― Le groupe d’enfants de la semaine dernière était le dernier qu’il faisait passer clandestinement, reprit Myra.
Côme sourit devant la détermination de Myra. Il ne savait pas ce qu'elle comptait faire à Jorik, mais il savait que ça n'aurait rien de beau à voir.
Au-dessus d'eux, les nuages continuaient de recouvrir le ciel. Myra leva les yeux et quand la première goutte de pluie lui tomba sur le front, elle sourit.
— Allons chercher de quoi nous occuper de notre cher trafiquant d’enfants.
Côme hocha la tête et s’approcha d’une maison. Il plia les genoux pour prendre de l’élan et sauta, attrapa la gouttière qui plia quelque peu sous son poids et se hissa sur le toit. Les bras croisés sur la poitrine et haussant un sourcil, Myra le regarda se pavaner sur la toiture. L’homme qui vivait dans la bâtisse sortit la tête par la fenêtre pour hurler sur le voyou qui faisait le pitre sur ses combles mais son sermon mourut dans sa gorge quand il vit Myra. Il retourna à ses occupations en silence. Cela fit rire Côme.
— Tu effraies tout le monde, remarqua-t-il.
— Et toi, tu devrais apprendre à te déplacer sur le sol et pas sur les toits.
Elle sut quel argument il allait avancer avant qu’il n’ouvre la bouche. Se déplacer sur les toits était plus rapide que se déplacer sur le sol. Ce qui était vrai. Sauf quand il pleuvait.
― Voler tel un oiseau est mon plus grand rêve, que veux-tu ?
— Que tu essaies de repérer Jorik le temps que j’aille chercher mes armes, ordonna-t-elle. On se retrouve devant l’église dans une heure.
***
Le temps qu’elle fasse l’aller-retour jusque chez Joshua pour récupérer des armes, Myra était trempée. Ses cheveux pendaient devant son visage quand elle arriva sur le lieu de rendez-vous. Côme l’attendait sous l’arche de l’église, à l’abri de la pluie. Il fallut plusieurs secondes à la jeune fille pour réussir à le discerner à travers le rideau de l’averse et l’obscurité qui était tombée sur la ville entre-temps. Elle le rejoignit, un poignard dans chaque main, prête à en découdre. Quand Côme vit le blason sur le manche des lames, il soupira.
— Sérieusement ? Ne me dis pas que tu y es retournée ! Myra, t’es inconsciente ! Les gardes te cherchent encore et ils continueront jusqu’à ce qu’ils soient sûrs que tu es morte !
— Quand tu auras fini de m’engueuler, je pourrai te dire que non, je ne suis pas allée de l’autre côté du Mur depuis un bon moment et que c’est l’un des informateurs de Joshua qui m’a ramené ces petits bijoux. Il les a volés à un soldat.
Elle sortit un troisième poignard de la ceinture de son pantalon et le tendit à Côme, qui le refusa en voyant qu’elle voulait lui en donner un utilisé par les soldats royaux. Il sortit le sien à la place.
— Les dagues venant de l’autre côté du Mur sont ta marque, Myra. Je ne me battrai pas avec. De toute façon, j’ai prévu de te regarder faire. Je ne vais quand même pas me salir les mains.
Myra secoua la tête, se fouettant avec ses cheveux en même temps et rangea la troisième arme. Elle aurait dû s’en douter.
— Où est Jorik ?
— Dans une auberge, un peu plus loin. On ne va rien pouvoir faire, il y a trop de monde à l’intérieur.
— On ne fera rien dans l’établissement, on va attendre qu’il sorte pour s’occuper de lui.
Côme n’avait pas l’air convaincu. L’auberge se trouvait dans une rue assez fréquentée.
— Et les témoins ?
— Ils se souviendront qu’il ne faut pas me désobéir. Que je ne suis pas une putain de princesse qui reste bien au chaud chez elle. Ce sont peut-être mes origines qui m’ont permis de devenir la cheffe ici mais je n’ai rien à voir avec les incompétents qui vivent au palais. Il est temps de leur rappeler.
Le brun hocha la tête et sortit de son abri pour lui montrer le chemin. Quelques minutes plus tard, ils s'arrêtèrent devant l’auberge en question et Myra se mit à attendre, légèrement cachée dans l’ombre. Jorik n’avait pas peur d’elle, il sortirait même s’il la voyait, il n’était donc pas nécessaire qu’elle se cache. Par contre, il ne devait pas voir Côme, sinon il saurait qu’il avait été démasqué. Lorsqu’elle allait le voir en personne, elle était toujours seule. Cela paraîtrait suspect que son meilleur ami soit avec elle.
Aussi, le brun alla s’installer sur le toit de l’auberge, là où il ne pouvait pas être vu par quelqu’un qui sortait de l’établissement, pestant contre la météo.
Ils n’eurent pas à patienter longtemps. Au bout d’une quinzaine de minutes, Jorik sortit de la taverne. La pluie ayant cessé de battre et éclairci quelque peu le ciel, il vit Myra dès qu’il mit un pied dehors. Elle fit comme si elle ne l’avait pas vu, jouant avec un poignard qu’elle faisait tourner entre ses mains. Le fait qu’elle soit armée ne trompa pas le trafiquant. Il comprit qu’elle était là pour régler un problème. Il ne s’inquiéta cependant pas pour lui. Il avait toutes les raisons de penser qu’elle n’avait pas de preuves sur ses agissements et que, si elle en avait, elle serait venue faire le travail avec son soi-disant meilleur ami. Les mains dans les poches, il s’approcha d’elle, prêt à la narguer sur son incapacité à l’arrêter.
Myra ne leva les yeux vers lui que quand il fut à quelques mètres d’elle.
— Jorik, l'accueillit-elle.
— Myra. Que fait donc la petite protégée de Joshua dans un quartier aussi mal famé ?
Première pique. Il lui rappelait qu’elle n’avait survécu que grâce à son sauveur. Il le faisait tellement souvent qu’elle n’y prêta pas attention.
— Tous les quartiers de ce côté du mur sont mal famés, mais tu devrais le savoir. Tu vis ici depuis plus longtemps que moi. À vrai dire, je suis là pour affaires.
— Vraiment ? Tu ne laisses pas ton chien le faire à ta place ?
Les jointures des doigts de Myra blanchirent contre le manche du poignard de la jeune fille tant elle serra le poing. Il insultait Côme assez souvent aussi et elle rêvait de pouvoir lui faire ravaler ses paroles.
— Non. Vois-tu, j’ai croisé un groupe d’enfants tout à l’heure et l’un d’eux avait ta marque sur la joue. Tu m’expliques ?
Elle s’avança vers lui, jouant toujours avec son poignard. Elle voulait lui faire penser qu’elle venait juste chercher des explications, il ne devait pas comprendre qu’elle allait en finir avec lui. Elle s’arrêta en face de lui et, du coin de l'œil, vit Côme s’approcher discrètement.
— L’enfant est d’accord pour passer de l’autre côté. Tu ne penses quand même pas que j'enlèverais des enfants ? Je ne suis pas un monstre.
Il se fichait ouvertement d’elle. Tous les deux le savaient. Elle joua néanmoins le jeu.
— Bien sûr que non, si c’était le cas, tu ne les laisserais pas se promener en ville. J’ai tout de même un problème. Un ami de la petite est venu me voir. Il m’a dit que tu avais menacé les parents de la gamine pour qu’elle accepte.
Elle laissa planer quelques secondes de silence avant de reprendre.
― C’était la seule preuve qu’il me fallait.
Avant qu’il ne comprenne pourquoi Myra était là, elle avait attrapé fermement son poignard dans sa main et le frappait à la tempe avec son manche. Son genou droit atterrit dans le ventre de l’homme qui tomba par terre, le souffle coupé et sonné. Côme sortit alors de l’ombre et lui fit une clé de bras pour l’immobiliser. Jorik essaya de se dégager mais Myra le frappa au visage avec son coude.
— Tu m’as cassé le nez, salope ! s’écria la victime dont le nez saignait abondamment.
— Et toi, tu as brisé un nombre incalculable de familles, cracha-t-elle.
— Qu’est-ce que ça peut te foutre ? Tu n’as rien à faire de ce côté de la ville, Princesse. Pauvre petite qui s’est échappée quand ses parents ont voulu la tuer. Tu détestes tes parents, hein ? Alors pourquoi tu portes toujours le prénom qu’ils t’ont donné ? Tu…
Il cria quand Côme lui tordit encore plus le bras. Elle s’agenouilla face à Jorik et plaça son couteau sous sa gorge, appuyant légèrement dessus, assez pour qu’une fine ligne de sang apparaisse. Une étincelle sauvage brillait au fond de ses yeux quand il sentit le sang couler. C’était pour les gens comme lui que ce côté de la ville existait. Elle ne savait pas pourquoi certains étaient tués et d’autres emmenés ici mais elle était sûre d’une chose. Lui, il aurait dû mourir il y a longtemps.
Un éclair zébra le ciel et la pluie se mit à tomber violemment. Elle se releva. Jorik crut qu’elle allait le laisser partir. Il se trompait.
— Je voulais te laisser mourir lentement et douloureusement mais le temps vient de me faire changer d’avis. Tu peux remercier la pluie.
Elle fit signe à Côme, qui relâcha l’homme prudemment. Il se releva sur ses gardes, un rictus vainqueur aux lèvres.
— Tu n’as même pas le courage de finir le travail. Tu n’es qu’une traî…
Elle ne le laissa pas finir sa phrase. D'un geste vif et précis, elle lui trancha la gorge. Du sang l’éclaboussa alors que la vie quittait le trafiquant d’enfants, qui retomba mollement au sol. Elle regarda le cadavre avec un rictus mauvais, sans faire attention au sang qui se trouvait sur elle.
— Je finis toujours le travail, gronda-t-elle.
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