Une clope, un whisky et toi

Et toi ? Tu t'en souviens ? Parce que moi oui. Je sais pas comment. Je sais pas si c'est un coup du destin ou un truc du genre, je sais pas si c'est pour se foutre de ma gueule ou pour m'offrir une deuxième chance. Peu importe ce que c'est, peu importe la raison, je suis là et je m'en souviens.



La première fois que mes souvenirs ont commencés à me revenir, c'est quand je suis arrivé à l'orphelinat. J'ai vu maman Mélanie et je me suis mis à pleurer comme une madeleine sans comprendre. Et au moment où elle m'a serré dans ses bras en me disant que désormais, ils étaient ma famille, des flashs me sont parvenus. Ça m'a frappé comme un vogue-sable, j'ai cru que je m'étais pris plusieurs tonnes de métal sur la gueule. Ça m'a coupé le souffle. Maman Mélanie croyait que c'était l'émotion qui m'empêchait de parler. Mais c'est surtout les souvenirs des atrocités que j'ai commises qui m'empêchait de dire le moindre mot.



Le pire, c'est la nuit. Ce sont pas des rêves, ce sont des souvenirs. Et ça fait encore plus mal. Je me suis retrouvé à mordre dans mon oreiller comme un dératé pour m'empêcher de laisser échapper le moindre son. Je pouvais pas laisser les autres m'entendre. Je les avais déjà inquiété dans une vie, je pouvais pas faire la même chose dans la seconde. Ce n'était pas que des souvenirs mais également des sensations. Toutes les expérimentations de l'œil de Michael, tous les combats que j'ai mené, seul ou à tes côtés. J'en suis venu à craindre la nuit. Parce que j'avais peur de ces sensations, mais sans doute moins que mes souvenirs.



Ma mémoire était pire que ma mémoire corporelle. Parce que j'ai tué tant de gens. No man's land ne pardonne pas aux faibles. C'est tuer ou être tué. C'est ce que j'avais toujours cru. C'est ce qu'on m'avait enseigné jusqu'à ce que j'en crève. Mais toi, toi et ton putain de sourire, t'es resté en vie sans en prendre une seule. Et je t'admirais pour ça. Parce que je m'en savais incapable. J'avais les mains déjà trop salies lorsque l'on s'est rencontrés. Alors autant continuer comme ça. J'avais des cernes de six pieds de long. Mais les cauchemars c'est habituel pour les orphelins, surtout ceux qui ont perdu leurs familles dans des circonstances tragiques.



Peu importe ma vie, il semblerait que l'univers se soit mis d'accord pour me refuser des parents et une vie stable. Mais au fond, je m'en foutais un peu. Parce que ma famille, c'est l'orphelinat et maman Mélanie. Pas des personnes qui m'ont donné la vie mais dont je ne sais rien, pas même jusqu'à leur visage.



Quand Livio a débarqué, j'ai pas pu m'empêcher de lui coller la plus grosse baigne que j'ai jamais foutu à quelqu'un. Tout le monde était sous le choc, d'un côté moi aussi, je m'attendais pas à m'emporter de cette façon. D'autant plus que de leur point de vue, ce petit gamin chétif, je le connaissais même pas. Ce qui les a choqué aussi je pense, c'est le câlin qui a suivi et les larmes que j'ai versé. Maman Mélanie a tenu à ce que je vois un psy après ça, pas étonnant.



Livio, il s'en souvient pas. Je suis le seul. Même si c'est dur d'être le seul et de n'avoir personne à qui en parler en rigolant doucement sur tous ces combats féroces où l'on essayait de s'entretuer en voulant prouver son point de vue dans la guerre fratricide dans laquelle on a été plongés. J'aurais voulu partager un verre avec lui en se marrant et en se cognant l'épaule comme deux cons qui partagent une anecdote de jeunesse où ils ont un peu trop déconné. Mais je ne veux pas lui imposer ça. J'ai déjà du mal à dormir, je ne veux pas rajouter le fardeau qu'il a aussi dû porter.



A chaque fois, tout le temps, je pense à toi. Ça m'énerve parce que ça revient en boucle. Je peux pas te sortir de ma tête. Et même que des fois, j'ai pas envie de te sortir de ma tête. A l'époque, on s'est jamais dit les choses. Parce qu'il n'y avait rien à dire et parce qu'on pouvait pas le faire. A quoi ça aurait servi de toute façon ? Se proclamer un amour éternel tout en crevant dans un coin la semaine d'après, tués par les sbires de ton cinglé de frangin.



Je t'ai jamais rien dit. Mais est-ce que tu as déjà remarqué les regards que je te lançais, la façon dont je te regardais ? J'ai souvent fait passer ça pour de l'hostilité, pour de la colère. Mais ça, c'était quand tu regardais toi aussi, quand tu me surprenais. Parce que, quand tu ne me surprenais pas, je sais que je te regardais comme une gamine qui regarde le garçon trop beau qui habite à côté de chez elle. A No man's land, l'amour est toujours plus intense, parce que la vie est toujours plus intense. On peut crever de faim à tout moment si un réacteur s'arrête alors ça pousse à vivre sa vie à fond. A commettre des crimes, aussi, mais ça faut pas le dire.



Mais pour nous, ça servait à rien de se dire quoi que ce soit. La situation était différente. Je m'en voulais aussi un peu d'un côté. J'avais l'ordre de te conduire directement à ton frère, directement dans la gueule du loup. Et au final, quoi ? Je tombe amoureux du type que je suis censé amener à la mort. J'ai fait un bien piètre tueur, ça on peut le dire. Chapel avait peut-être bien raison.



Je suis aussi con que toi, tu sais. Et comme un con, je pense que c'est ton sourire et ton rire qui m'ont fait plonger. J'aurais dû accomplir ma mission, comme un bon chien au service des Gung-oh-Guns, mais non. Comme un gros con, j'ai pas pu m'empêcher d'aimer ton rire et la vue de ton sourire aussi éblouissant que ce putain de soleil qui a dû cramer mon sens de la raison en cours de route. Comme un énorme con, je m'y suis raccroché au point d'en faire ma croix et ma bannière. Un sacré prêtre que j'étais, à placer ma vie au creux de la chaleur de ta gentillesse plutôt que l'omniscience d'un quelconque Dieu.



C'est paradoxal parce que j'ai jamais été forcément très croyant. Mais l'œil de Michael l'était. J'ai eu des cours approfondis de religion en même temps que des cours approfondis d'assassinat. Aimez votre prochain qu'ils disaient dans le bouquin. Je crois qu'ils ont sauté quelques passages. Dans cette ancienne vie, je me disais que si un Dieu existait réellement, ça devait être un beau connard. Parce que pour laisser l'une de ses créations souffrir de cette manière, tout ça pour servir une organisation dont j'ai jamais trop compris le but, faut bien être un salaud de compétition. Je suis quasiment sûr que leurs pseudos croyances en un Dieu tout-puissant servaient uniquement d'excuse pour leurs armes, dont le Punisher qui m'a autant accompagné que mes traumatismes.



Mais bon, la religion, c'est l'une des seules choses que je connaisse vraiment. Dans cette vie, on a pas de souci pour boire. On a pas de souci pour manger. Même des orphelins comme nous reçoivent des subventions de l'État. On a un toit sur la tête, on est habillés, nourris, logés, blanchis. On va même l'école. Putain, l'école, ça c'est quelque chose. Pendant longtemps, j'ai souhaité te rencontrer à nouveau à cette période. On serait encore jeunes. On pourrait passer encore plus de temps ensemble.



La première fois qu'on s'est connus, t'étais trop vieux et j'étais trop jeune. Rien n'allait dans nos âges déréglés. Mais maintenant, dans cette vie où on peut pas vieillir à base de médicaments et d'expérimentations. Dans cette vie où on peut pas avoir plus de 150 balais et en paraître seulement la vingtaine. Dans cette vie, on devrait réussir à se croiser sans trop de différences. Mais le destin, je l'ai jamais compris. Il a fait en sorte qu'on se croise jamais pendant la scolarité. C'est peut-être pas plus mal. Quand on est gosses, on est encore plus cons que ce qu'on était dans le désert.



Il faut du temps pour se comprendre, pour apprendre à découvrir la vie et se découvrir soi-même. Et peut-être que le destin voulait nous laisser ce temps-là. Qu'on revienne l'un vers l'autre quand on aura suffisamment digéré la pilule de tous les crimes qu'on a commis dans cet ancien monde sans foi ni loi.



Je me suis déjà demandé ce que je ferais si tu ne t'en souvenais pas. Est-ce que je forcerai les choses, en restant à tout prix à tes côtés pour essayer de retrouver un semblant de la proximité tout aussi forcée que l'on a connu à l'époque ? Est-ce que je te laisserais tranquille en te laissant vivre une vie insouciante pendant que je m'éloignerais et finirais ma vie seul, parce que je ne veux personne d'autre que toi et ton rire ? J'ai retourné la question dans tous les sens. Et peu importe la réponse qui me venait, je finissais forcément avec les larmes sur les joues, à regarder dans aucune direction en particulier.



Je pense que tu sais aussi bien que moi à quel point les souvenirs sont douloureux. Alors, est-ce que tu peux me pardonner d'avoir recommencé la clope à un si jeune âge ? La cigarette m'avait toujours aidé à faire face. Même avant, je crois que je l'ai commencé super jeune, je peux pas me souvenir à quel âge précisément parce qu'à ce moment-là, mon âge était devenu un flou persistant. La nicotine apportait un réconfort. On se dit qu'il y a quelque chose pour nous faire tenir. On se sent classe, une clope au bec, la fumée et les cheveux dans le vent, en se disant que si l'on meurt, on voudra s'en griller une petite dernière.



J'avais vu, au détour d'un couloir un peu sombre, des gamins plus vieux que moi, qui essayaient d'imiter les grands et fumaient en cachette. En crachant bien évidemment leurs poumons parce qu'ils n'étaient pas encore habitués aux sensations. Je souriais quand je les regardais. Parce que pour eux, c'était un geste enfantin, sans forcément d'autre conséquence que celle de se faire engueuler. Mais pour moi, c'était bien plus. C'était un rappel que je ne voulais pas perdre de mon ancienne vie. Parce que peu importe à quel point c'était de la merde, je t'ai connu. Parce que peu importe à quel point c'était de la merde, on s'est bien marrés tous les deux autour d'un verre, entre toutes les fois où je devais sauver ton cul suicidaire.



Bah tiens, l'alcool, parlons-en. Ça aussi, j'ai absolument tenu à le conserver. A cette époque, l'alcool, ça nous permettait de nous évader quelques minutes de l'endroit sans échappatoire qu'on appelait notre planète. Pourtant, on l'aimait notre planète. Mais la Terre, celle qu'on connait là maintenant, elle est quand même vachement mieux que No man's land. Mais je continue de boire. Parce que j'espère qu'un jour, tu seras à côté de moi, avec ton sourire débile, à me tendre ton verre pour trinquer avec moi à une raison aussi stupide que celle d'être en vie. Parce que j'espère qu'ici, tu serais un poids léger et que tu deviendrais vite pompette, à t'affaler sur mon épaule, n'arrivant plus à te maintenir droit, les joues rouges et me lançant le même type de regard que je te lançais.



Tu sais, ça donne pas une très bonne image, un prêtre qui fume et qui boit. Mais c'est tout ce que je sais faire après tout. Enfin, à part tuer mais ce n'était pas une option maintenant. Ici, ça ne sert plus à rien de tuer pour vivre, ça n'a pas de signification, c'est un crime, on peut aller en taule. Alors, je suis devenu prêtre. Parce que c'est tout ce que je sais faire. Et entre les offices, je fume, je bois, en t'imaginant à mes côtés en me réprimandant, le sourire aux lèvres, parce que ce n'est pas l'image que je devrais donner. Si tu me le demandais, je quitterais les ordres. Si tu me le demandais, je pourrais ouvrir une boutique d'antiquités. Si tu me le demandais, je parcourrais la terre entière pour te retrouver et tomber dans tes bras comme je n'ai jamais pu le faire.



Mais le destin n'est pas si cruel que ça, même si on dirait pas. C'est pour ça qu'en déménageant dans une nouvelle paroisse, qu'en visitant une nouvelle ville, qu'en passant devant un joli petit fleuriste, j'entends une voix. C'est pour ça que j'entends une voix que je n'espérais plus. Une voix qui hurle mon nom depuis l'autre bout de la rue. C'est pour ça que, lorsque je me retourne, si rapidement que j'ai l'impression que je vais me péter la nuque, je vois un manteau rouge qui agresse ma rétine. C'est pour ça que ma clope me tombe du bec quand je lève les yeux du manteau pour croiser un sourire si flamboyant qu'il agresse ma rétine encore plus que le soleil au-dessus de nos têtes.



C'est pour ça que tu as failli te faire renverser quand tu as traversé la route à toute vitesse pour finir par t'écraser dans mes bras, sans même prendre en compte que je ne puisse pas me souvenir. C'est pour ça que je laisse échapper une larme quand je te serre contre moi pour la première fois et que c'est la première fois que j'ai l'impression de me sentir réellement entier.



Le destin n'est pas si cruel que ça s'il me laisse, pour la toute première fois, goûter à ces lèvres que j'ai tellement admirées sans jamais pouvoir m'en approcher suffisamment près. Il ne l'est pas s'il me laisse te regarder faire le pitre en travaillant avec ta mère et ton frère qui ne se souvient pas avoir été la cause de tous nos malheurs à l'époque. Il ne l'est pas s'il me laisse contempler ton visage à la lueur du coucher de soleil tout en jouissant de la sainte symphonie de ton rire résonant dans mes oreilles. Il ne l'est pas s'il me laisse prendre un verre avec toi tous les vendredis soirs pour te voir t'effondrer sur la table en rigolant mièvreusement sous l'effet de l'alcool.



Le destin n'est vraiment pas si cruel que ça , me permettant de vivre le rêve éveillé que j'ai tant souhaité après avoir simplement réalisé que tout ce qu'il me fallait au monde était une clope, un whisky et toi.










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Qui s'attendait à ce que sorte sans prévenir un OS sur Trigun et vashwood ? Personne ? Eh ben moi non plus, je vous rassure.


Avec la sortie actuelle du remake de l'anime "Trigun Stampede" et parce que j'ai relu la suite du manga "Trigun Maximum", je me suis à nouveau plongée dans cet univers absolument incroyable et que beaucoup plus de gens devraient vraiment connaitre. Lisez Trigun. Regardez Trigun, vous ne le regretterez pas.

Et bien évidemment, en me replongeant dans Trigun, je me suis replongée dans Vashwood. Et même si j'avais remarqué certaines choses la première fois que je l'ai vu, je pense que je n'avais pas tout saisi à l'époque parce que j'étais encore un peu jeune mais bordel. Le nombre de sous-entendus est hallucinant et l'œuvre crie "GAY" en lettres majuscules, je vous jure.

Rien que l'une des pensées de Vash lors de l'un de ses combats aux côtés de Wolfwood (chapitre 60 de Trimax) "Et j'ai réalisé combien j'aimerais partager avec cet homme un futur serein ... Ça te plairait, Wolfwood ?". Je suis désolée mais une pensée de ce genre n'est absolument pas hétérosexuelle. Il y a d'autres choses mais c'est cette phrase qui m'a vraiment frappé le plus fort, ils sont tellement dingues l'un de l'autre.


Et parce qu'ils n'ont pas eu le droit au bonheur dans la chronologie normale, j'en recours donc aux UA (réincarnation ou autre) pour qu'ils puissent trouver un semblant de bonheur. Non mais sérieux, protégez-les, chérissez-les, ils méritent tellement plus que ce qu'ils ont eu. Est-ce que je vais écrire d'autres choses sur eux ? J'aimerais énormément mais je verrais mon imagination et ma motivation. Mais ils sont incroyables, qui ne voudrait pas écrire sur eux ?


Pour revenir rapidement au titre, je connais Matmatah depuis l'enfance et c'est l'un de mes groupes préférés en plus de m'avoir accompagné toute ma vie. Je n'ai pour l'instant pas écrit de song-fic sur l'un de leurs morceaux parce que je n'ai rien trouvé qui me motive et me fasse tilt. Mais cette phrase, juste cette phrase, ça faisait très longtemps que je voulais l'utiliser comme un titre, sans forcément en faire une song-fic. Mais je n'avais jamais trouvé qui que ce soit à qui ça corresponde comme je le voulais. Mais voilà que débarque vashwood pour mon plus grand bonheur.


Sinon, comme d'habitude, en espérant que ça vous ait plu ^^


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