« Les trains sont une passion pour moi !

- Et bien quelle passion pourrie tu as !

- Ha-ha-ha... Trop drôle Ninten. Je dois tenir ça de mon père. Tu sais, il possède le permis pour multiples véhicules ! Je te les énumère ?

- Dit toujours.

- Voiture, moto, camion, bateau, avion, tank, auto-tamponneuse, caddie, sous-marin, soucoupe volante, et train naturellement.

- J'aurais préféré ne pas savoir en fait... »

Lloyd s'accrocha au rebord pour mieux admirer le paysage qui défilait sous ses yeux. En le voyant étirer sa ceinture au maximum, une femme qui passait dans la même allée lui donna un coup de sac à main sur le crâne.

« AÏE !

- Petit malotru ! Tu sais que tu te mets en danger en faisant ça ?!

- Mais... Heu―

- Fais attention à l'avenir ! »

Ninten se cacha dans son foulard pour ricaner stupidement, mais Lloyd ne sembla pas le remarquer.

« Hey ! Tu me dis quand la femme revient, d'ac ?

- Oui-oui... Bien sûr. »

Il sortit un magazine tandis que Lloyd se remis dans sa position pour admirer l'allure que prenait le train sur la voie ferrée.

« Tu sais qu'il existe un bar musical à Valentine ?

- Attends ! Je viens de voir passer une voiture !

- Hum. Dans ce cas-là tu dois en voir passer beaucoup !

- J'essaye de les com― »

VLAN !

« M― AÏE !!

- Tu recommences ?! »

Ninten releva la tête en sursaut. La femme n'avait absolument plus l'air commode, enfin pus que d'habitude, et avoir sa tête juste au-dessus de lui ne le charmait pas.

« Tu connais le nombre de morts à cause des personnes qui ne se tiennent pas normalement sur un siège ?!

- Mais je veux juste regarder le paysage...

- Alors prends ça si tu es trop petit. »

Elle lui tendit un rehausseur.

« Voilà ! Tu ne pourras plus te plaindre !

- Uh― »

Avec l'aide de la dame, Lloyd se positionna en hauteur, la ceinture auprès de son abdomen.

« C'est serré !

- Il ne fallait pas chercher, petit ! »

Et elle s'enfonça dans la voie.

« Elle m'a appelé... PETIT !! Tu te rends compte !! Je ne suis qu'un PETIT !!

- Oui, c'est bien, mais arrête de me postillonner dessus.

- Pfff... »

Le voyage continua lentement sous le regard pointilleux de la femme replète. Elle prenait presque tout le champ de vision des deux garçons.

« D'ailleurs, qu'est-ce que tu lis toi ? »

Ninten releva la couverture de son magazine pour lui-même la voir.

« Rien de spécial.

- Une revue pour adolescent... Hein-heeeiin... Ça aussi c'est mauvais pour les jeunes ! »

Elle le lui arracha des mains.

« Mais―

- Prends plutôt ça ! »

Et elle l'échangea contre un livre dont toutes les pages étaient moisies et qui traitait des gerbilles.

« À charge de revanche...

- Tais-toi Lloyd.

- Si vous êtes sages je vous donnerai quelques chocolats. »

Ninten se pencha, mais en réalisant que son ami était surélevé, il dût redresser vivement la tête :

« Je ne sais pas d'où sort cette femme, mais elle est vraiment bizarre !

- T'inquiète !

...

OH ! Fais gaffe ! Elle nous fixe !

- De quoi parliez-vous ?

- De rien ! »

Tout à coup le train cala. Il y eut un tel contrechoc que Lloyd, bien qu'attaché, fut propulsé en avant et s'écrasa deux banquettes plus loin.

« T-TU VAS BIEN ?!

- Mff-ui ! »

Ninten voulut se jeter héroïquement sur son camarade, mais la grosse femme le devança pour relever le garçon, en écrasant bien l'autre au passage.

« Ne vous gênez pas surtout !

- Ces jeunes, toujours à râler ! Tu vas bien toi ? Tu as fait un vol plané, continua-t-elle en se retournant ver Lloyd. »

Il rajusta ses lunettes :

« Hu― Hui. Euh... OUI.

- Tant mieux ! Des deux, tu es celui que je préfère !

- Hum-hum ! Madame ! »

Elle se redressa en tenant son rescapé comme un pantin.

« Vous pouvez me lâcher ?

- Oh ! Oui, pardon. »

Ninten posa sa main sur l'épaule de Lloyd :

« Viens ! Il faut qu'on aille voir pourquoi nous nous sommes arrêtés aussi brutalement.

- Ça, c'est le rôle des contrôleurs !

- On ne vous a pas sonné madame ! »

Et ils décampèrent parmi les rangées de sièges. Une fois à l'avant, ils furent pris en proie à un spectacle que leur cœur d'enfant aurait préféré éviter.

Le conducteur était en train de liquider un paquet de bonbons "Harry beau".

« Hum... Pourquoi nous sommes nous arrêtés si près de Snowman ?

- Un ours s'est installé sur la voie pour hiberner. Nous attendons qu'il se réveille et libère de lui-même la route !

- M― MAIS ! C'est insensé ! Je ne sais pas, forcez-le, déplacez-le, stimulez-le ou dans le pire des cas écrasez-le !

- Tu sais, c'est dangereux ces bêtes la ! Alors soit cool ! Fais comme moi gamin ! Mange tes bonbons préférés !

- Mais je ne veux pas bouffer alors qu'un extraterrestre menace de DÉTRUIRE notre terre !!

- Oulah ! Tu fumes trop toi... Non, justement, ne te la joues pas cool !

- Bon, dans ce cas ! C'est moi qui irai réveiller votre ours ! »

Le conducteur éclata de rire, mais en voyant réellement Ninten sortir sa batte et descendre par la porte, il paniqua :

« NON ! MAIS ! ATTENDS ! JE RIGOLAIS ! TU NE VAS PAS TOUT DE MÊME FAIRE ÇA ??!! »

Trop tard.

Il se tourna cette fois-ci face à Lloyd, mais celui-ci haussa les épaules, puis partit à son tour.

« Ces gamins sont fous... »

« À nous deux ! Vile créature !

- Tu en fais un peu trop là !

- Ha ! Lloyd. Bon... Aide-moi.

- Tu comptes faire quoi pour son cas ?

- Juste le déplacer.

- M―

- Je sais qu'un ours... Bah. C'est dangereux et agressif... Je ne suis pas idiot. Mais je compte essayer de le faire bouger sans le réveiller.

- Comment ?

- P... S... I... Tu connais ces trois lettres ?

- OOOH ! HAAA !

...

non...

- Bon, ok. Pour résumer, ce sont des pouvoirs psychiques.

- Tu me prends pour un abruti Ninten ?

- Tu verras. »

Il se concentra et plaça ses mains de tel qu'elle forme une coupole au-dessus du ventre de l'animal.

« PK DIMENSION WARP ! »

L'ours fut projeté comme un vieux sac à patate contre le dos de la falaise.

« Woh... Wat... WHAT ? Qu― Mais qu'est-ce que tu as fait Ninten ? Depuis quand tu― ?!

- Si je te le disais tu ne me croirais pas... »

Il se pencha :

« Depuis trois jours ! »

Mais les réjouissances furent courtes.

La bête se réveilla.

Elle était furibonde.

« UUUUUUUUH !

- Qui a crié ?! L'ours, ou...

- C'est moi Ninten ! COURS !!! »

Il lui attrapa le poignet :

« Bien que tu maitrises des pouvoirs complètement délirants... Tu n'es pas de taille à affronter un tel monstre ! Monte dans le train ! »

Une fois dedans, ils coururent jusqu'au tableau de bord et touchèrent à tous les boutons.

« HÉ !! QU'EST-CE QUE VOUS FAITES ?!

- Vite ! démarrez !!!!

- Pourquoi ?

- L'OURS !! »

Il eut un silence, que par ailleurs l'animal ne se gêna pas de combler.

« VIIIIIIIIIIIITE !

- O-OUI ! D'accord ! »

Le train vrombit avant de partir en trombe. Ninten et Lloyd furent propulsés.

« Ouf... C'était moins une... Un peu plus et l'ours...

- Je ne vous le fais pas dire. Vous savez, c'est très irresponsable ce que vous avez fait tous les deux ! Ne reco― Héééé ! C'est mon paquet de bonbons !

- Désolé. C'était trop tentant ! »

En retournant chercher leurs affaires restées sur leurs sièges, la femme vint les revoir.

« Ha tient... Je l'avais oublié celle-là !

- Ignore...

- Je suis désolé d'avoir été fâcheuse avec vous deux.

- Hum...

- Vous savez... Je ne suis plus toute jeune. J'ai dépassé la vingtaine.

- Ce n'est pas très vi―

- Chut Lloyd !

- J'ai compris que vous alliez à Snowman ! J'ai là-bas une petite cousine. La dernière fois qu'elle est venue chez-moi, elle y a oublié son chapeau préféré. Si vous pouviez le-lui ramener ! Les habitants la connaissent bien, vous ne peinerez pas à la localiser !

- Vous pouvez compter sur nous. »

Ils descendirent, la tête pleine d'aventure.

La poudreuse coulait en flot contre leurs fins vêtements, et la glace sourdait de leurs souliers. Mais à ce moment, une seule pensée leurs vint à l'esprit.

Ce n'était seulement la "Ligne Paradis".