Mon refuge, ma maison, ma paix
Mon visage se loge dans son cou, mes bras autour de sa taille. Sarah se laisse aller contre mon torse, à tel point que je me demande si elle est encore capable de tenir debout. Je ne sais pas si rester planté là, dans le jardin, est vraiment une bonne idée après les exercices que nous venons de faire dans l'une des chambres.
— Tu veux rentrer ?
Elle secoue la tête et serre ses doigts autour de mes bras sur son ventre. J'insiste :
— Tu devrais t'asseoir.
Sans un mot mais avec un soupir agacé, Sarah se retourne dans mes bras et passe les siens autour de mon cou pour m'accorder un baiser. Mes mains glissent jusqu'à ses fesses et la pressent contre moi. Mon refuge. Je ne sais pas comment je vais faire pour passer les prochaines semaines loin d'elle.
— Je vais bien, Kyle, souffle-t-elle son front contre le mien. Ce soir, je veux juste profiter de ce qu'il me reste.
Le sourire qui s'étirait sur mes lèvres disparaît d'un coup. Mes sourcils se froncent et je vois bien qu'elle se rend compte que ses paroles ne me plaisent pas, mais elle plonge son visage dans mon torse et soupire d'aise. Je ne mords pas à l'hameçon cette fois.
— Ce qu'il te reste ?
J'attrape son menton pour la forcer à me regarder. L'ombre dans ses yeux me fair froid dans le dos et tord mon estomac.
— Je veux juste profiter de cette soirée, d'accord ? Je ne veux pas me prendre la tête. Pas ce soir.
Son regard suppliant est sincère, mais je n'arrive pas à comprendre ce qu'elle veut me dire. Mon sourcil gauche se dresse.
— Je te prends la tête ?
— Kyle...
Son grognement d'avertissement me fait serrer les lèvres. On ne va pas se disputer ce soir et je compte bien faire en sorte qu'on ne se dispute plus jamais. Avec plus d'effort que je ne le pensais nécessaire, j'étire un sourire sur mon visage et pose mes lèvres sur son front, mes bras autour d'elle pour la serrer contre ma poitrine. Là où est sa place.
— Un bâton chacun, annonce Iris en nous tendant un cierge magique. Il est presque minuit, les amoureux, rapprochez vous du feu.
Sarah se décolle de mon étreinte et s'approche du brasier que Jake et deux autres mecs surveillent depuis un moment. Dans le froid de l'hiver, la chaleur se propage avec difficulté. L'esprit embrouillé par un tas de questions que je me retiens de poser à Sarah, je m'approche du feu avec elle et passe un bras protecteur autour de ses épaules quand tout le monde se met soudain à crier :
— Dix !
Le sourire qui grandit sur le visage de mon ange me fait oublier un instant que ma poitrine est douloureuse. Elle est heureuse, elle en a l'air en tout cas. Et pour l'instant, c'est tout ce qui compte.
Les invités continuent à crier le décompte, et plus nous nous approchons du zéro plus les cierges magiques s'allument dans le flammes du brasier. J'approche le mien lorsque tout le monde crie « bonne année » et juste au moment où il commence à faire des étincelles, Sarah se tourne vers moi et saisit mon visage pour m'embrasser avec fougue. Je gronde et me laisse emporter par la sensation de son corps contre le mien, sa langue douce et conquérante. Ma maison. Jamais je ne me suis senti autant à ma place que lorsqu'elle est dans mes bras.
— Je t'aime, mon ange.
Elle sourit, les yeux brillants, et m'embrasse de nouveau avec encore plus de désespoir. Je sens le feu me consumer de l'intérieur. Ma main libre s'accroche à sa hanche, le souffle court, je pose mon front contre le sien et ravale ma douleur face à son large sourire heureux. Elle me manque déjà alors que je ne suis pas encore parti à l'université.
— Vous êtes trop mignons ! s'exclame l'une des colocataires d'Iris en nous montrant la photo qu'elle vient de prendre de nous.
Je souris poliment alors que Sarah s'exclame avec joie et lui demande de lui envoyer sur le champ.
Je la laisse papoter et prendre d'autres photos alors que Jake vient m'offrir une accolade. Puis Iris, et d'autres gens que je ne connais même pas. Très vite, je me fais emporter plus loin et perd Sarah de vue.
J'essaye de ne pas me laisser emporter par la panique. Elle ne risque rien, elle n'a pas besoin de moi chaque seconde pour veiller sur elle. Je me sens mal et les battements effrénés de mon cœur me donnent le tournis. Une main contre le mur de la maison pour tenir debout, je masse mes paupières du bout des doigts.
— Tu vas bien ?
Mes muscles se relâchent et avant même d'ouvrir les yeux, j'encercle Sarah de mes bras et plonge mon visage dans son cou.
— Kyle ? s'étonne-t-elle avec une pointe d'inquiétude.
Ses mains frottent mon dos, mes bras, elle essaye de s'écarter pour voir mon visage, mais j'attrape déjà son menton et pose mes lèvres sur les siennes. Ma paix.
— Kyle, répète-t-elle plus bas en poussant ses doigts dans mes cheveux.
Elle s'accroche aux mèches sur le haut de mon crâne et je la laisse faire, voulant à tout prix éviter son regard pour ne pas lui laisser voir ma faiblesse. Ma peur de ne pas passer assez de temps avec elle et de la perdre.
— Je veux rentrer, décrète-t-elle sans appel.
Mon regard remonte vers le sien, le bout de mes doigts enfoncés dans ses hanches parce que je ne veux pas la quitter déjà.
— J'ai envie que tu rentres avec moi.
Un sourire désolé étire ses lèvres mais disparaît aussi vite.
— Tu sais que ce n'est pas possible.
— Rien n'est impossible.
Ma réplique ne l'amuse pas autant que je l'aurais voulu. Ses doigts glissés dans les miens, Sarah ne prononce pas un mot de plus et m'emmène vers l'avant de la maison, où j'ai garé la voiture de Drew qu'il a bien voulu me prêter.
Sarah n'a pas de mal à retrouver le véhicule et plonge la main dans ma poche pour en sortir la clé.
— J'ai un peu l'impression que tu me chasses.
— Je te rends service. Tu me remercieras... un jour.
Elle souffle la fin de sa phrase comme si elle n'y croyait pas elle-même et ouvre la portière pour s'assoir dans la voiture. Un sourcil dressé, j'attends qu'elle soit installée avant de fermer la portière et fait le tour pour m'assoir derrière le volant. Mais je ne démarre pas la voiture. Quelque chose cloche. Quelque chose ne sonne pas juste dans sa voix, son regard, la façon dont elle enroule ses doigts autour des miens. Ma poitrine se serre et dans un coin de mon esprit, je pense que je connais déjà la réponse à mes questions, mais je n'arrive pas à l'admettre.
— Dis-moi.
Je prends son menton entre mes doigts et la force à me regarder avant de répéter :
— Dis-moi ce que t'as peur de m'avouer. Tu ne peux pas me faire fuir. Je peux encaisser, Sarah.
Une larme roule sur sa joue, m'arrache une douleur que j'ai de plus en plus de mal à contrôler, mais avant qu'un autre mot ne passe mes lèvres, Sarah se jette sur moi et réclame un baiser si plein de désespoir que j'en ai mal à la poitrine.
— Sarah...
Mon grognement n'est qu'un souffle contre ses lèvres et il me faut faire un effort surhumain pour interrompre ce baiser et poser mon front contre le sien, son visage entre mes mains. Ses doigts s'accrochent à mes poignets.
— Mon traitement...
Elle secoue la tête, enfonçant une lame dans mon cœur. Son médecin a dit que le traitement agit comme prévu sur sa tumeur. Est-ce que c'était un mensonge ? Est-ce que ce n'est plus le cas ? J'ai à nouveau des vertiges et lutte pour ne pas m'effondrer.
— J'ai de moins en moins de forces, Kyle. Je suis épuisée.
J'essuie les larmes qui mouillent son visage et caresse sa nuque du bout des doigts.
— Ça va être de pire en pire et je ne sais pas...
Sa voix s'éteint dans un sanglot et je réalise qu'une larme s'est échappée de mon œil seulement parce qu'elle presse ses lèvres dessus.
— Je ne sais pas si j'aurais la force de survivre.
Mon regard plongé dans le sien, je laisse d'autre larmes rouler sur mes joues parce que sa douleur me fait suffoquer. Je l'aime tellement, putain ! Je ne peux pas la laisser sombrer. Et pourtant, je suis impuissant, incapable de la sauver. Mes mains tremblent et ma voix n'est qu'un souffle, une supplique.
— Continue à te battre, mon ange. S'il te plaît, ne m'abandonne pas. Je t'en prie.
Mes lèvres se posent sur sa joue, ses paupières, son front, sa bouche. Ses bras autour de mon cou, Sarah pleure comme je l'ai rarement vu. Cette femme si forte, si parfaite, laisse soudain ses forces reposer sur moi. Et je lui donnerai tout ce qu'il faut, tout ce dont elle a besoin pour survivre. Parce que je ne pourrai pas surmonter sa mort. Pas une de plus.
Mes mains autour de sa taille, je la soulève et la ramène contre moi, son visage dans mon cou, elle me chevauche et s'accroche aussi fort que je m'accroche à elle. Mes mains caressent son dos, j'essaye de l'apaiser alors que je suis moi-même en train de pleurer.
— Je suis désolée de te faire vivre ça, sanglote encore mon ange maudit. T'as déjà perdu tellement de chose, Kyle. Je ne devrais... je ne devrais pas... tu ne le mérites pas.
Je la serre encore plus fort, embrasse son cou, son épaule, et recule juste assez pour croiser son regard, son visage entre mes mains.
— Tu ne vas pas m'abandonner, mon ange. Tu vas survire.
Je renifle et repousse les larmes qui essayent encore de couler. Il faut que je sois fort pour elle. Pour nous deux. Elle a besoin de moi, je dois être son pilier, son soutien, tout ce dont elle a besoin pour y arriver.
— Pourquoi t'en es aussi sûre ?
— Tu l'as dit, j'ai déjà perdu trop de choses. L'univers n'a pas le droit de me prendre encore une personne que j'aime. Je veux grandir avec toi, vivre avec toi, t'épouser, te laisser m'engueuler et mener ma vie à la baguette. Plus rien ne peux nous séparer, Sarah.
Son baiser à la goût de ses larmes et la fougue du désespoir. Je ne sais pas combien de temps a duré notre étreinte, combien de mots murmurés, combien de promesses nous avons échangées avant que je ne trouve le courage de la ramener chez ses parents. Et en la regardant disparaître derrière la porte, pendant que je retourne à la voiture, je me fais la promesse la plus importante de ma vie.
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