Je ne pensais pas que mon mariage rassemblerait autant de personnes. Pour être honnête, juste ma famille et celle de Sarah m'aurait suffit. Mais rien n'est trop beau pour ma guerrière. Sarah voulait un mariage de rêve, alors on l'a fait. Dans le grand jardin du manoir de Sebastian, les talents de Tess et Kate ont fait des merveilles. Devant moi se dresse une allée blanche, encadrée de rangées pleines de chaises en bois blanc, décorées de fleurs violettes et de gros noeuds. Les arbres supportent des lanternes et des pétales qui semblent figés dans leurs chutes.

— C'est encore le moment de t'enfuir, s'amuse Jake alors que je triture le chapelet dans ma poche.

Mon frère m'a donné le chapelet de notre mère pour l'occasion. Il pense qu'ainsi, elle sera avec moi aujourd'hui. J'ai eu du mal à y croire, et peut-être que ce n'est qu'un effet placebo, mais sentir les billes rouler entre mes doigts m'apporte un sentiment de calme et d'assurance, même si mon meilleur ami essaye de me taper sur les nerfs.
Mon regard noir se tourne vers lui, mais un rire nerveux m'échappe. Je ne compte pas m'enfuir, du moins, pas sans être marié. Ensuite... advienne que pourra. Je serais capable de la kidnapper et terminer cette journée comme nous l'avons commencé. Juste elle et moi.

J'ai abandonnée Sarah il y a quelques heures pour qu'elle se prépare et par quelques stratagèmes imparables, j'ai réussi à la rejoindre il y a une heure pour lui voler un baiser entre deux portes. Mais ma fiancée est gardée comme la reine d'Angleterre. Sous les réprimandes d'à peu près tous nos proches, Sarah s'est arrachée à moi et m'a promis de me rejoindre devant l'autel. Comme si j'en doutais ! Cette femme est à moi, autant que je suis à elle. Et rien ni personne ne changera cela. J'ai tellement hâte de la retrouver, de faire d'elle officiellement ma femme et de vivre le reste de mes jours à ses côtés. L'excitation fait grésiller mes entrailles. Le brouhaha des conversations m'est à peine audible. Mon regard ne quitte pas l'angle d'où elle va apparaître, à la sortie du salon du manoir, entre les deux buissons de roses.

— Tu paries combien ? s'amuse mon frère planté juste à côté de moi, en face de Jake.

— 50 ? réplique mon meilleur ami sans le moindre doute.

— Tenu, réplique Drew en lui serrant la main.

Mon regard quitte l'allée pour se poser sur leurs sourires faussement innocents.

— Je ne veux même pas savoir.

Il éclatent de rire et Drew presse mon épaule en signe de soutien. Ou pour se foutre de moi. Je ne sais pas trop.

— Il n'est pas l'heure ?

J'aimerai regarder ma montre ou mon téléphone pour le savoir mais ils m'ont été confisqués. Mon regard accusateur se tourne donc vers mon frère qui prend tout son temps pour sortir mon téléphone de sa poche et regarder l'heure.

— Je pense qu'on peut déjà rejoindre nos cavalières, dit-il avec tant d'arrogance que je dois rassembler toutes mes forces pour ne pas le tacler et récupérer mon portable.

Je sais que Sarah a été prévenue que je n'y ai plus droit. D'après Drew, Tess et sa mère lui on confisqué le sien aussi pour s'assurer qu'on ne communique plus.

— Si l'un de vous retarde cette cérémonie, je l'empale sur le foutu pied de micro, dis-je entre mes dents.

Derrière moi, le prêtre se racle la gorge et je me tourne à peine en marmonnant « désolé mon père » avant de lancer un dernier regard d'avertissement à mes témoins. Leurs petits signes de la main sont encore plus énervant que leur attitude.

Un vent de calme surplombe soudain le jardin alors qu'une musique douce se fait entendre. N'est-ce pas... « Next to me » de notre groupe préféré, Imagine Dragons ? Un large sourire s'étend sur mes lèvres alors que Drew et Tess arrivent face à moi, et le regard de ma belle sœur en dit long. Sa robe aux dégradés de violet virevolte a chacun de ses pas et donne l'impression qu'une fée se tient à côté de mon frère dans son costume beige. Je ne serai pas étonné si elle se met à pleurer. Je me demande encore comment ils étaient à leur mariage, eux qui se sont éclipsés à Vegas pour le faire sur un coup de tête.

La musique reste sans parole, mais donne de l'entrain à la cérémonie. Une fois devant moi, Drew embrasse la main de Tess et ils se séparent, mon frère à ma gauche et ma belle sœur à ma droite. Puis vient le tour de Jake et Iris. Dans une robe similaire à celle de Tess et un costume identique à celui de Drew, mes amis s'avancent avec une sérénité que je n'étais pas sûr de revoir sur leur visage un jour. Pas en ma présence du moins. Mais nous sommes revenues de loin. Je suis revenu de loin. Et je n'en ai jamais été aussi heureux. D'un hochement de menton, mon meilleur ami essaye de me rassurer comme lors de nos missions, parce que nous faisons désormais parti de la même caserne. Je lui adresse un clin d'œil, comme à chaque fois et le sourire qui pointe au coin de ses lèvres se reflète encore plus largement sur le visage d'Iris.

Une bouffée d'anxiété commence à crépiter dans mon estomac. Je sais que Sarah va venir, je sais qu'elle va être époustouflante et que je ne vais pas m'en remettre. Nerveusement, je lisse ma veste et croise à nouveau les mains, essayant de cacher mon impatience. Mais ce n'est pas encore à Sarah d'arriver. C'est l'autre amour de ma vie qui s'avance avec un sérieux hilarant.

Ma filleule est certainement l'enfant la plus adorable de la planète. Dans sa petite robe violette, un flot dans les cheveux, elle jette joyeusement et méticuleusement des pétales de fleurs sur le chemin blanc. Je regrette de ne pas avoir mon téléphone pour la photographier en cet instant, mais je ne doute pas que l'un des deux photographes engagés par Tess ne manqueront pas de clichés. Lorsqu'elle arrive devant moi, très sérieuse, je m'accroupis à sa hauteur et tend les bras pour lui faire un câlin. Elle se jette à mon cou avec joie et je la serre si fort qu'elle se met à glousser.

— Merci ma chérie.

— J'étais bien ?

— Parfaite !

Son large sourire fait fondre mon cœur et je pose un baiser sur son front avant de la laisser partir vers sa mère.
Mon cœur bat plus fort. La musique change et une collègue de Sarah se met à chanter le refrain. Mon regard ne lâche pas l'allée malgré mon étonnement. Un vent électrique fait grésiller ma peau. Toute l'assemblée se lève et pendant une seconde, je cesse de respirer.

Sarah apparaît enfin, merveilleuse. Rayonnante. La plus belle créature de cette planète. Un sourire tremblant sur les lèvres, Sarah s'accroche au bras de son père comme à la dernière branche d'un arbre. Sa longue robe blanche tombe de ses hanches comme une cascade de vapeur qui s'écoule dans son sillage. J'ai envie de poser des baisers sur ses épaules dénudées, de caresse le rose de ses joues, d'embrasser ses lèvres pleines et brillantes. Mes mains sont impatientes de se poser sur la dentelle de son bustier, de l'attirer à moi à jamais. Je me délecte de cet instant, juste quelques secondes où elle ne me voit pas encore. Ce minuscule instant perdu entre l'impatience et l'appréhension.
Je me demande ce qu'elle imagine. Elle n'a pas encore vu ma tenue, le smoking prune choisi par Tess, les fleurs blanches à ma poche, un rappel de son bouquet de mariée. Et pendant ces quelques secondes avant qu'elle ne se tourne, je ne regarde que son visage, le rose de ses joues, le bonheur dans son regard.

Alors que ma fiancée arrive face à moi, elle marque une pause, infime, mais je cesse de respirer en même temps qu'elle, lorsque nos regards se croisent. Le sourire tremblant se transforme, ses lèvres délicates affichent le sourire le plus beau qu'elle ait. Rien qu'à moi. D'un tapotement sur sa main, je comprends que son père lui demande de ralentir. Elle rit et mon cœur cède. Je la revois lutter contre son cancer, je revois toutes les épreuves que nous avons dû traverser. Je revoir le jour où elle m'a quitté et celui où je l'ai retrouvé. Et surtout, je vois le futur à ses côtés. Et comme je m'y attendais, comme Drew s'y attendait également vu le coup de coude qu'il vient de donner à Jake, un sanglot m'échappe. Mon bonheur est tel que je doute de pouvoir l'égaler un jour.

— Ma femme.

Ce n'est qu'un murmure, mais elle sourit et son pas accélère. Les larmes roulent sur mes joues, mais je n'essaye même pas de les arrêter. Je m'en fiche. Tout ce que je veux, c'est la retrouver. Son père a à peine le temps de poser sa main dans la mienne, que Sarah me saute au coup et pose ses lèvres sur les miennes.

— On a loupé quelques étapes, s'amuse le prêtre.

Mon rire contre les lèvres de Sarah se joint au sien et à celui de nos invités alors que mes mains tiennent sa taille sans vouloir la lâcher.
Mienne à jamais. Dans cette vie et les suivantes.