~ ° Chapitre 6 : Speech of a woman with a broken heart ° ~
Une heure s'était écoulée depuis l'annonce d'Erwin, et déjà un grand nombre de soldats s'étaient rassemblés dans le réfectoire. Certains échangeaient quelques mots, tentant désespérément de penser à autre chose, tandis que d'autres restaient seuls, absorbés par leurs pensées. L'ambiance était lourde, presque irréelle, comme si chacun marchait sur un fil invisible tendu entre la tristesse et le silence.
Dans sa chambre, Petra était prête. Elle portait une robe noire simple, son regard fixé sur le sol, incapable de bouger. Ses mains tremblaient légèrement alors qu'elle se repassait encore et encore les événements de la mission. Elle redoutait cette soirée. L'idée de devoir dire adieu à Emi, d'accepter une réalité qu'elle ne voulait pas voir, la paralysait. La culpabilité la rongeait toujours autant, un poids insoutenable sur ses épaules.
On frappa doucement à la porte. Sans attendre de réponse, Erd entra, vêtu lui aussi d'une tenue noire, plus sobre qu'à son habitude. Il s'approcha silencieusement et posa délicatement une main sur celle de Petra, qui sursauta légèrement avant de lever les yeux vers lui.
Erd ne dit rien. Son regard triste suffisait à exprimer ce qu'il ressentait. Il savait que Petra était profondément touchée par la disparition d'Emi, peut-être plus que n'importe qui. Mais lui aussi souffrait. Cette mission lui avait pris une personne chère, et il s'en voulait terriblement. Pourtant, malgré son propre chagrin, il tentait de rester positif. Emi avait accompli de grandes choses. C'est ce qu'il se répétait pour ne pas sombrer.
Doucement, il aida Petra à se lever et la guida vers la porte. Aucun mot ne fut échangé. Ils savaient que parler risquerait de faire éclater la douleur qu'ils essayaient de contenir. La marche jusqu'au réfectoire se fit dans un silence pesant, entrecoupé seulement par les échos de leurs pas.
Erd poussa lentement les portes du réfectoire, et une atmosphère inhabituellement calme les accueillit. Tous les regards se tournèrent un instant vers eux, puis se détournèrent presque aussitôt. Petra rejoignit le reste de son escouade, où Hanji et Erwin se tenaient déjà, figés dans une attente silencieuse.
Un peu plus tard, alors que tous les soldats s'étaient finalement réunis, les grandes portes s'ouvrirent de nouveau dans un grincement qui résonna à travers la pièce.
Livaï venait d'apparaître.
Le silence devint presque oppressant.
Il était vêtu d'un costume noir impeccable, contrastant avec son éternel foulard gris noué autour de son cou. Pourtant, malgré sa tenue soignée, il semblait brisé. Ses épaules, d'habitude droites et solides, étaient légèrement voûtées. Son regard, autrefois perçant, était vide, éteint. Aucune trace de colère ne l'animait, seulement une immense tristesse qu'il n'essayait même plus de cacher. Il avançait lentement, la tête basse, chaque pas résonnant comme une détonation dans le silence.
Les soldats, hésitant à lui adresser la parole, se contentèrent de se redresser et de le saluer d'un geste respectueux lorsqu'il passa près d'eux. Livaï les ignora, ou plutôt, il n'en avait pas la force. Lorsqu'il atteignit son escouade, il murmura simplement :
« _Salut... »
Sa voix était presque inaudible, rauque, comme étranglée par un nœud invisible dans sa gorge. Puis, il s'assit lourdement sur une chaise, près des siens.
Personne ne bougea. Personne ne parla.
Hanji, Erd, Petra, Gunther et Auruo s'assirent à leur tour, imitant son geste, comme s'ils espéraient que ce silence leur permette d'honorer Emi à leur manière. Aucun mot n'était nécessaire. Le simple fait d'être ensemble, d'être là pour elle, suffisait.
Livaï, quant à lui, resta immobile, fixant un point invisible devant lui. Une étrange sérénité régnait sur la pièce, mais ce n'était pas du réconfort. C'était une absence. Celle qu'avait laissée Emi en disparaissant si brutalement.
Le major se leva lentement, inspirant profondément pour calmer le poids qui pesait sur sa poitrine. Ses pas résonnèrent dans le silence tandis qu'il s'approchait de l'estrade, attirant les regards de chaque soldat présent dans la salle. Une fois face à eux, il prit la parole d'une voix grave, légèrement tremblante :
«_Bonsoir à tous... Je sais que c'est une épreuve difficile pour chacun d'entre vous. Perdre un camarade, une personne chère, laisse un vide immense. Peut-être que beaucoup d'entre vous préféreraient rester seuls, enfermés dans leur chambre, à pleurer en silence... Mais il est de mon devoir de vous rassembler ici, aujourd'hui, pour honorer la mémoire d'Hanae Emi, ainsi que celle de tous nos camarades tombés au combat. Si certains d'entre vous souhaitent parler, partager leurs souvenirs ou leurs douleurs, vous êtes les bienvenus. Nous sommes là pour vous écouter. »
À peine le major avait-il terminé que Petra se leva, d'un geste déterminé.
«_Je te l'avais dit, Petra... murmura Livaï d'une voix rauque, le regard fixé sur elle.
_Je sais, mais c'est ma façon de lui dire au revoir. De lui montrer que je ne l'oublierai jamais et que je sourirai pour elle, répondit-elle en jetant un regard presque suppliant à son supérieur. »
Avant de se détourner, elle ajouta doucement :
«_Vous devriez faire de même, caporal... »
Dans un silence solennel, Petra se dirigea vers l'estrade, sa démarche aussi sereine que possible malgré le tumulte qui faisait rage en elle. Les soldats la regardèrent, tous conscients qu'ils lui devaient leur respect et leur écoute.
Arrivée devant le pupitre, Petra inspira profondément et posa ses mains tremblantes sur le bois. Ses poings se serrèrent pour contenir ses larmes, mais son regard resta fixé sur le vide, cherchant ses mots dans le flot d'émotions qui menaçaient de la submerger.
« Vous... vous ne l'avez pas assez connue pour vraiment comprendre la perte que l'on vit aujourd'hui, commença-t-elle d'une voix vibrante d'émotion. Je me contiens pour ne pas exploser en sanglots devant vous, mais... vous n'avez connu d'elle que ce qu'elle voulait bien montrer. Pour vous, elle faisait simplement partie de l'escouade tactique. Vous saviez qu'elle était ma meilleure amie, qu'elle était aimée et qu'elle aimait quelqu'un profondément. Vous saviez qu'elle était souriante, douce... Mais ce n'est qu'une infime partie d'elle. »
Sa voix se brisa légèrement, et elle serra davantage les poings, cherchant à reprendre contenance.
«_Moi, je la connaissais par cœur. Je la connaissais mieux que quiconque ici. Et je devais... je devais la protéger. Sa voix tremblait désormais. Mais je n'ai pas réussi. Et depuis, je me sens incapable, faible et coupable. J'ai parfois envie de tout quitter. Mais je ne le ferai pas. Je veux continuer à vivre pour elle, pour ses rêves, pour tout ce qu'elle aurait voulu accomplir. Et je sais qu'un jour, lorsque je quitterai ce monde, je la retrouverai. Et là, je serai heureuse. »
Un silence ému s'installa dans la salle. Petra prit une profonde inspiration avant de continuer, un sourire triste et fugace passant sur ses lèvres :
«_La première fois qu'elle est entrée dans l'escouade, elle restait seule dans son coin. Elle ne s'entendait pas du tout avec le caporal, dit-elle en laissant échapper un petit rire étranglé. Elle semblait si distante, si perdue... Alors je suis allée la voir. On a commencé à parler, et c'est ainsi que nous sommes devenues amies. Peu à peu, elle a ouvert son cœur, et tout le monde ici a fini par l'aimer. Emi est devenue ce petit rayon de soleil qui illuminait nos journées, même dans les moments les plus sombres. Elle marqua une pause, ses yeux brillants de larmes retenues. Je ne sais pas ce que nous réserve l'avenir. Peut-être que les jours à venir seront encore plus durs. Mais je vous promets une chose : je garderai la tête haute. Pour elle. Pour vous. Pour l'humanité. »
Sa voix baissa légèrement alors qu'elle ajouta :
«_Je suis désolée si mes mots vous rendent encore plus tristes. Peut-être que certains d'entre vous s'en fichent complètement... Mais j'avais besoin de parler. De lui rendre hommage, à ma manière. »
Petra baissa les yeux et murmura un dernier : « Merci de m'avoir écoutée. »
Elle resta un instant immobile, les mains toujours posées sur le pupitre, avant de redescendre lentement de l'estrade. Les soldats, d'abord silencieux, détournèrent discrètement les yeux, certains essuyant une larme, d'autres serrant les poings.
Petra descendit de l'estrade d'un pas hésitant. À peine avait-elle franchi la dernière marche que ses jambes se dérobèrent sous son poids. Elle s'arrêta brusquement, fixant le sol sans réellement le voir. Ses bras, qui jusque-là tenaient fermement son cœur brisé, retombèrent mollement le long de son corps. Ses lèvres tremblèrent, et, incapable de contenir davantage le flot d'émotions qui la submergeait, elle s'effondra à genoux.
Une main plaquée contre sa bouche, elle tenta désespérément d'étouffer ses sanglots, mais ses épaules secouées trahissaient sa douleur. Ses larmes, épaisses et incontrôlables, dévalèrent ses joues, tombant sur le sol froid. Dans un dernier élan d'abandon, elle posa doucement son front contre le sol, les sanglots redoublant d'intensité. La salle silencieuse avait bien remarqué sa détresse, et certains soldats échangèrent des regards inquiets.
L'escouade, postée de l'autre côté de la salle, avait rapidement réagi. Erd, Auruo, Gunther et Hanji se levèrent d'un même mouvement pour aller la rejoindre. Hanji arriva la première et se baissa pour relever Petra. Elle la serra contre elle, caressant son dos dans un geste apaisant.
«_Viens, Petra... On va sortir d'ici, ça va aller ma chérie. » murmura Hanji avec douceur.
Les trois garçons suivirent silencieusement alors qu'ils la conduisaient hors du réfectoire. Une fois à l'extérieur, loin des regards, Petra se dégagea légèrement de l'étreinte de Hanji pour reprendre son souffle. Son visage était baigné de larmes, et son regard était perdu, vide.
Gunther s'accroupit à sa hauteur et prit la parole, sa voix douce mais ferme :
«_Allons, Petra... Ressaisis-toi. Arrête de te blâmer pour ce qui s'est passé. Ce n'est pas ta faute, tu le sais très bien. »
Petra secoua la tête avec véhémence, ses poings serrés sur ses genoux.
«_Si, c'est de ma faute ! Sa voix se brisa. On s'était promis de se protéger quoi qu'il arrive... et j'ai tout gâché. Je l'ai laissée seule... Voilà où on en est maintenant. »
Erd s'approcha à son tour et posa une main réconfortante sur son épaule.
«_Écoute, Petra... Ce n'est la faute de personne. C'est le destin qui l'a choisie. Tu sais aussi bien que moi qu'elle n'aurait pas voulu te voir dans cet état. Il esquissa un léger sourire triste. Emi adorait te voir sourire. Pleure si tu en as besoin, mais ne change pas qui tu es. Elle ne l'aurait pas voulu. »
Hanji reprit à son tour, avec une pointe de douceur mêlée de fermeté :
«_Ma chérie... C'est normal de se sentir comme ça aujourd'hui. Tout le monde est brisé par cette perte, et on le sera encore pendant un moment. Mais un jour, il faudra tourner la page, pas pour l'oublier, mais pour continuer à avancer. Elle restera toujours avec toi, dans tes souvenirs, dans ton cœur. »
Petra les écouta en silence, les larmes continuant de rouler sur ses joues. Elle finit par relever doucement la tête et murmura d'une voix étouffée :
«_J'ai besoin d'être seule... Mais merci. »
Erd échangea un regard avec Gunther et Hanji, qui acquiescèrent en silence.
«_On comprend, souffla Hanji en lui caressant doucement les cheveux. Prends le temps qu'il te faudra. »
Les trois membres de l'escouade se relevèrent et s'éloignèrent lentement, laissant Petra seule dans le couloir. Elle resta assise contre le mur, ses bras enroulés autour de ses jambes, la tête enfouie dans ses genoux.
Mais à cet instant, des pas légers et réguliers résonnèrent dans le couloir. Elle n'eut pas besoin de lever les yeux pour savoir qui s'approchait. Une présence familière s'immobilisa devant elle.
«_Debout, ordonna doucement une voix grave. »
Petra releva lentement la tête et croisa le regard de Livaï. Il se tenait droit, les bras croisés, mais son expression était moins sévère qu'à l'ordinaire. Ses yeux gris, d'ordinaire si froids, brillaient d'une lueur indéfinissable.
«_Caporal... » murmura-t-elle, cherchant ses mots.
Livaï s'accroupit face à elle, ses yeux plantés dans les siens.
«_Pleurer ne fera pas revenir Emi, dit-il calmement. Mais tu as le droit de le faire. Parce qu'on est humain, Petra. Parce que ça prouve qu'elle comptait pour toi. »
Petra baissa les yeux, ses lèvres tremblant à nouveau.
«_Je voulais la protéger... »
Livaï fronça légèrement les sourcils et posa une main ferme sur son épaule.
«_Écoute-moi bien. Ce n'est pas de ta faute et on te le répètera autant de fois qu'il le faut. Tu crois qu'elle aurait voulu que tu t'effondres ? Emi n'était pas comme ça. Elle voulait que tu sois forte. Que tu continues à avancer pour elle. »
Petra releva les yeux, une lueur d'espoir mêlée de douleur brillant dans son regard.
«_Mais je n'y arrive pas... souffla-t-elle. »
Livaï se redressa et tendit une main vers elle.
«_Alors commence par te relever. Un pas après l'autre. Tu n'es pas seule. »
Après une hésitation, Petra glissa sa main dans la sienne. Il l'aida à se relever sans effort et, pour un court instant, ils restèrent immobiles face à face. Livaï la relâcha doucement et tourna les talons, lui lançant simplement :
«_Rentre te reposer. »
Petra le regarda s'éloigner dans le couloir, puis essuya ses larmes d'un revers de main. Peut-être avait-il raison. Un pas après l'autre, pour Emi.
Elle inspira profondément et se redressa, plus déterminée qu'auparavant.
A suivre...
[CHAPITRE REECRIS]
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