~ ° Chapitre 22 : Remember her ° ~


Du côté de la table des supérieurs, Moblit s'était levé pour aller s'informer sur la confrontation entre Maëlys et Shizu. Lorsqu'il revint, son rapport fut bref, presque évasif : « Dispute entre amis. »

Le major fronça les sourcils. Il savait que les disputes entre cadets pouvaient être vives, mais cette situation semblait différente. Pourquoi une simple querelle amicale mènerait à évoquer des décès ? Les cadets d'aujourd'hui cachaient bien des mystères, et il en était de plus en plus conscient.

Hanji, installée non loin, semblait elle aussi perdue dans ses pensées. Mais soudain, elle se redressa, sa voix coupant le silence qui pesait sur leur table.

« _D'ailleurs, désolé de poser la question de façon aussi brutale, mais... son anniversaire arrive bientôt... »

Sa remarque fit l'effet d'une bombe. Les regards se tournèrent vers elle, lourds de reproches, froids, presque méprisants. Hanji sentit immédiatement qu'elle avait touché un point sensible, mais elle ne comptait pas reculer.

« _Vous voulez l'oublier, c'est ça ? Très bien. Alors si c'est ce que vous voulez, n'y allez pas ! »

Sa voix, d'habitude empreinte de légèreté, avait éclaté comme un coup de tonnerre. Se levant brusquement, elle quitta la table sans un regard en arrière, laissant ses camarades figés dans un silence gêné.

Hanji, chaque année, se recueillait sur la tombe de son ancienne amie. C'était devenu une sorte de rituel, un moment qu'elle attendait autant qu'elle redoutait. Mais ce qu'elle ne supportait pas, c'était le silence des autres à ce sujet. Livaï, Erwin et les autres avaient enterré plus qu'un corps ce jour-là : ils avaient enterré leurs souvenirs, leur douleur et leur envie d'en parler.

Elle, au contraire, voulait se souvenir. Elle avait besoin de se rappeler les bons moments, les éclats de rire, les bêtises partagées. Ces souvenirs étaient sa source d'énergie, la seule chose qui, parfois, parvenait encore à lui arracher un sourire sincère. Avant, elle avait Petra pour partager ces confidences, mais Petra n'était plus là non plus. Maintenant, Hanji se retrouvait seule avec ces souvenirs, seule avec ce poids qu'elle refusait de porter silencieusement.

Livaï, lui, s'enfermait dans un mur de froideur et d'indifférence. Mais derrière cette façade, Hanji savait qu'il souffrait. Il essayait de l'oublier, pensant que c'était la seule façon d'avancer. Pourtant, chaque tentative échouait, et l'ombre de celle qu'il avait aimée continuait de hanter son esprit.

Quant à Erwin, le souvenir de son ancienne subordonnée lui arrachait parfois un sourire, mais il était vite remplacé par une profonde tristesse. Il repensait souvent aux erreurs du passé, à ce choix qu'il aurait peut-être pu faire différemment. Alors il enfouissait tout ça sous une pile de papiers, espérant qu'en s'occupant l'esprit, il pourrait étouffer la douleur.

Dans un couloir du QG, Hanji croisa Shizu, visiblement agacée. La jeune brune donnait de violents coups de pied contre un mur, les dents serrées, comme si cela pouvait soulager son mal-être. Hanji s'approcha, un sourire léger sur les lèvres, cherchant à détendre l'atmosphère. 

« _Eh, doucement, il t'a rien fait ce mur. »

Shizu s'arrêta un instant mais ne tourna pas la tête, ses poings toujours crispés. 

« _Je sais, mais c'est le seul qui me laisse me défouler. »

Intriguée, Hanji se pencha légèrement vers elle. 

« _Qu'est-ce qui se passe, Satori ? Pourquoi t'es dans cet état ? »

À l'entente de son nom, Shizu se figea. Elle releva lentement la tête, réalisant soudain que la personne qui s'adressait à elle n'était autre qu'Hanji, la chef d'escouade. Elle prit une profonde inspiration avant de répondre, d'un ton neutre :

« _Qu'est-ce que vous feriez si vous appreniez qu'une personne que vous pensiez morte est en réalité vivante... mais du mauvais côté ? »

Hanji fronça les sourcils, perplexe et resta silencieuse un instant. 

« _Pardon ? Satori, tout va bien ? »

La question de Shizu semblait lourde de sens, mais Hanji n'arrivait pas à en saisir l'ampleur. Elle voulait en demander plus, mais la jeune femme éclata d'un rire nerveux, secouant la tête comme si elle se rendait compte d'une erreur.

« _Non, rien. Excusez-moi, je suis fatiguée. Je vais aller me reposer. »

Sans attendre de réponse, Shizu tourna les talons et s'éloigna rapidement. Hanji resta immobile un moment, regardant la silhouette de la jeune brune disparaître au bout du couloir. Ses mots résonnaient encore dans son esprit. Vivante, mais du mauvais côté... Qu'avait-elle voulu dire par là ? Était-ce une métaphore, une confession, ou quelque chose de plus sérieux ?

Hanji soupira et reprit sa marche, mais ces questions ne cessaient de tourner dans sa tête. En arrivant à son bureau, elle s'affala dans son fauteuil, massant ses tempes. Elle avait l'habitude de décortiquer des mystères complexes, mais celui-ci semblait aussi déroutant qu'inhabituel.

Elle murmura pour elle-même, pensant à cette étrange question.

« _Qu'est-ce que je ferais...? Je crois que je ferais tout pour la ramener du bon côté. Mais... si elle ne voulait pas revenir ? »

Un frisson lui parcourut l'échine. Cette journée n'était pas terminée, mais elle laissait déjà un goût amer.

Dans le réfectoire, après le départ fracassant d'Hanji, un silence pesant s'était installé autour de la table des supérieurs. Personne n'osait parler, chacun digérant à sa manière les paroles de la scientifique.

Finalement, ce fut Livaï qui brisa le silence, d'une voix chargée de colère.

« _Putain, qu'est-ce qui a pris à cette folle ?!  cracha-t-il, visiblement au bord de l'explosion. »

Moblit, malgré la tension palpable, osa prendre la parole, sa voix plus mesurée, mais néanmoins ferme.

« _Caporal... essayez de la comprendre. Vous refusez toujours de parler d'elle, mais peut-être que ça nous ferait du bien. Même si cela signifie verser quelques larmes... »

Il s'attendait à une réaction hostile, et ne fut pas déçu. Livaï le fusilla du regard, ses yeux d'acier emplis d'une menace implicite.

« _Tu dis un mot de plus, je t'éventre. grogna-t-il entre ses dents serrées. »

Moblit soutint pourtant son regard, son courage surprenant même Erwin qui suivait l'échange en silence.

« _Il a raison, Livaï. Intervint soudain le major. »

Le caporal se tendit légèrement, mais ne répondit pas.

« _Tu évites toujours le sujet... comme si tu voulais l'oublier. Poursuivit Erwin, sans animosité mais avec une sincérité désarmante. »

Livaï ne répliqua pas cette fois. Son regard se perdit un instant dans le vide, mais il ne laissa rien transparaître. Il n'avait pas besoin de répondre ; tout le monde savait qu'Erwin avait vu juste. Ce dernier, cependant, n'insista pas davantage. Hanji l'inquiétait, et son comportement troublé méritait plus d'attention. Il se leva donc, jetant un dernier regard à la table silencieuse, avant de quitter la pièce pour se diriger vers le bureau de la brune à lunettes.

En arrivant devant la porte d'Hanji, il frappa fermement avant d'entrer, à la suite d'une réponse étouffée.

Hanji, assise derrière son bureau, parut légèrement surprise de voir Erwin franchir le seuil de son bureau. Il n'était pas du genre à faire des visites sans raison. Elle l'invita néanmoins à s'asseoir.

« _Erwin ? Tout va bien ? Ce n'est pas dans tes habitudes de venir me voir ici. »

Le major ne perdit pas de temps en détours.

« _C'est plutôt à moi de te poser cette question, Hanji. Quelque chose te tracasse. »

Hanji hésita un instant. Devait-elle vraiment parler de ce qui la tourmentait ? Mais elle connaissait Erwin. Malgré son sang-froid légendaire, son pragmatisme impitoyable et son talent stratégique redoutable, il restait un homme de confiance, quelqu'un qui comprenait les tourments des autres mieux que personne.

Elle soupira finalement, posant ses coudes sur le bureau avant de relever les yeux vers lui.

« _Je n'aime pas quand Livaï fait la sourde oreille. Il a beau jouer son rôle d'homme froid et impassible, Emi était sa petite amie, celle qu'il aimait. Faire comme si elle n'avait jamais existé doit être terriblement vexant pour elle, où qu'elle soit. »

Erwin l'écoutait attentivement, impassible.

« _Je suppose qu'il ne veut pas souffrir, bien sûr... Mais elle était notre amie, Erwin. On ne peut pas juste... tirer un trait sur elle comme ça. »

Le major hocha légèrement la tête, reconnaissant la justesse de ses paroles.

« _Tu as parfaitement raison, Hanji. Concéda-t-il. Mais Livaï a ses raisons. Même si sa façon de gérer les choses est... maladroite, je ne pense pas qu'il ait oublié Emi. Il ne le pourra jamais, même s'il s'efforce de le faire. C'est juste... encore trop compliqué pour lui d'en parler. »

Hanji serra les poings sur son bureau.

« _Cela fait quand même sept ans, Erwin... Il devrait se ressaisir. »

« _La douleur n'a pas d'échéance, Hanji. répondit Erwin d'un ton adouci. »

Un silence s'installa entre eux. Hanji semblait perdue dans ses pensées, l'air troublé.

« _Il y a autre chose. finit-elle par dire, hésitante. 

_Je t'écoute. Fit Erwin, intrigué. »

Hanji prit une inspiration avant de raconter sa rencontre avec Shizu un peu plus tôt dans les couloirs.

« _Elle m'a posé une question étrange... 'Quelle serait votre réaction si vous appreniez qu'une personne que vous pensiez morte est en réalité vivante... mais du mauvais côté ?' »

Erwin resta silencieux, répétant la phrase dans sa tête, cherchant à en extraire le sens caché. Il plissa légèrement les yeux, son esprit analytique tournant à plein régime.

« _Pourquoi t'a-t-elle posé cette question ? demanda-t-il finalement.

_Je n'en ai aucune idée. Quand je lui ai demandé des explications, elle s'est rétractée et m'a simplement dit qu'elle était fatiguée... »

Erwin resta pensif, puis un léger sourire en coin étira ses lèvres.

« _J'ai une hypothèse, mais je dois m'en assurer. Murmura-t-il. »

Hanji fronça les sourcils.

« _Pardon, Erwin, mais... pourquoi ? »

Le major se leva, ajustant sa veste, son regard devenant plus sérieux.

« _Cette 104e brigade d'entraînement... Elle est remplie de secrets. »

Sans un mot de plus, il se dirigea vers la sortie. Hanji, interloquée, mit quelques secondes avant de réagir, puis se redressa d'un bond pour le suivre. Elle voulait des explications. Elle le rattrapa rapidement, le dépassant pour se placer devant lui, l'obligeant à s'arrêter.

« _Erwin ! Qu'est-ce qu'il te prend ?! Lança-t-elle, haussant la voix sous l'effet de la frustration. »

Le major la fixa un instant avant de répondre calmement :

« _Satori s'est disputée avec Maëlys en évoquant des décès d'amis. Ensuite, elle te pose une question aussi troublante que celle-ci. Tu ne trouves pas que quelque chose ne tourne pas rond ? »

Hanji ouvrit la bouche, mais ne trouva rien à répondre immédiatement.

« _Ces nouvelles recrues... Poursuivit Erwin. Nous devons garder un œil sur eux. Tous, sans exception. Préviens Livaï. S'il te demande pourquoi, dis-lui simplement que ce sont les ordres. »

Hanji resta interdite quelques secondes avant de hocher lentement la tête.

« _D'accord... Mais pourquoi ne pas lui expliquer la situation ? »

Erwin poussa un léger soupir, son regard se durcissant légèrement.

« _Tu vois bien dans quel état il est. Si tu prononces les mots 'mort' ou 'décès' devant lui, t'es cuite, Hanji. Alors, fais ce que je te dis. »

Hanji déglutit, puis acquiesça d'un mouvement bref.

« _Compris. »

Elle se détourna alors, s'élançant d'un pas décidé en direction du réfectoire, tandis qu'Erwin reprenait son chemin, perdu dans ses pensées.

En retournant au réfectoire, Hanji balaya la salle du regard. Son attention fut brièvement attirée par l'absence de Bertolt, Reiner et Maëlys, mais elle n'y prêta pas plus d'importance. Après tout, il arrivait que certains cadets quittent la salle avant la fin du repas.

Sans perdre de temps, elle se dirigea vers la table où se trouvait Livaï, toujours assis, l'air renfrogné, un coude posé sur la table et son regard acéré suivant les allées et venues dans la pièce. Lorsqu'elle arriva à sa hauteur, il lui adressa à peine un regard, attendant qu'elle s'exprime. Hanji ne tergiversa pas et lui expliqua brièvement ce que voulait Erwin : garder un œil attentif sur les nouvelles recrues. 

À sa grande surprise, Livaï ne posa aucune question, ne cherchant même pas à comprendre les raisons précises derrière cet ordre inhabituel. Il se contenta d'acquiescer d'un signe de tête, sans la moindre protestation. Cependant, son regard perçant se détourna vers la table des jeunes recrues, qu'il observa longuement, un sourcil légèrement froncé.

Quelque chose clochait. Ses yeux glissèrent d'un visage à l'autre, analysant chaque expression, chaque posture, chaque geste. Et soudain, il remarqua l'évidence : des absents. Son regard s'assombrit aussitôt. Il se redressa et se leva brusquement, attirant l'attention de quelques soldats aux alentours.

« _Tu as bien dit qu'il fallait les avoir à l'œil, quatre-yeux ? demanda-t-il d'un ton tranchant. »

Hanji haussa un sourcil, croisant les bras.

« _Oui, c'est exactement ce qu'a dit Erwin. Pourquoi ? »

Livaï détourna légèrement la tête, balayant du regard la pièce une nouvelle fois avant de fixer Hanji avec intensité.

« _Il y a déjà des absents en classe. Déclara-t-il d'une voix froide. »

Hanji cligna des yeux, surprise, avant de comprendre où il voulait en venir.

Bertolt, Reiner et Maëlys.

Livaï ne plaisantait pas avec ce genre de détails. Si quelque chose lui paraissait suspect, il y avait de grandes chances qu'il ait raison. Hanji inspira profondément, reprenant aussitôt son sérieux.

« _Tu penses qu'il faut aller voir où ils sont passés ? »

Livaï ne répondit pas immédiatement. Son regard s'était de nouveau posé sur la table des recrues restantes, les détaillant un à un avec attention







A suivre . . .

J'espère que ce chapitre vous a plus et n'hésitez pas à mettre un petit commentaire ou une petite étoile, ce serait très gentil de votre part <3 


Laemi

[CHAPITRE REECRIS]

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