Prologue : "Tu es tellement stupide"
« Tu n'as donc rien compris? », répliqua mon amoureux. « Dans ce monde, c'est blesser ou être blessé! Je suis de la première catégorie. C'est si drôle de blesser de pauvres petites créatures comme toi! Regarder ton visage se figer, tes yeux s'embuer de larmes et tes lèvres se tordre sous la tristesse, quel spectacle ! J'ai accepté de sortir avec toi seulement pour cette douleur sur ton visage. Frisk, tu es vraiment une idiote. Adieu maintenant.
- Alors tous les moments que nous avons partagé, nos souvenirs, nos conversations au téléphone tard le soir, nos baisers, nos câlins, tout n'était que du vent?
- Exactement.
- Nat', tu ne peux pas...
- Je m'appelle Nathanaël. C'est fini les "Nat'" par-ci, "Nat'" par-là. Désormais, nous ne serons plus que des inconnus. Quoi que tu fasses, ça n'y changera rien.
- Mais...
- Je ne t'ai jamais aimé. En fait non, je te déteste. Tu es tellement naïve et stupide. Tu devrais disparaître.
- Tu es...»
Le bruit sourd de quelque chose qui se déchire, qui se répand dans tout mon être.
« Nathanaël, je t'en prie, ne t'en vas pas. », suppliai-je.
L'écho de ma voix qui à jamais se perd.
« Nathanaël... »
Les larmes roulant sur mes joues rougies par ce début d'hiver, seule sensation me prouvant que j'étais encore en vie. Elles brouillaient ma vue et l'image de mon petit ami, disparaissant dans la neige. Bientôt même l'épaisse fourrure de sa capuche me fut indiscernable. Alors je me laissai tomber, le poids sur mes épaules maintenant trop lourd à supporter. Toutes ces pensées qui se fracassaient contre mon crâne, mon esprit qui hurlait, mes rêves qui se brisaient. Le murmure de la solitude mêlé à celui du vent me frappant plus fort que de raison. La solitude...
« Alors c'est comme ça que ça se termine, hein? Ahah. C'est vrai. Comment aurais-je pu croire que Nathanaël, le garçon que j'aimais en secret depuis des années, aurait bien voulu de moi? Je suis tellement... Tellement stupide, il a raison. Ces trois longs mois n'étaient finalement que des illusions. C'est presque drôle cette manière que j'ai eu de m'accrocher à lui... Comme si je savais depuis le début qu'il finirait par partir. Si je ne m'étais jamais déclarée à lui, alors peut-être que je pourrais encore respirer, j'aurais un cœur encore entier et des joues encore sèches. Je me sentirais peut-être encore un peu vivante. Mais j'imagine que c'est le destin. », déclarai-je, retenant un sanglot. « Alors ça fait cet effet-là, de se faire larguer par quelqu'un? Je n'aurais jamais cru...», soupirai-je, prise d'une étrange envie de rire.
M'allongeant dans la neige, je laissai le froid mordre les parties découvertes de mon corps, ma nuque, mes poignets, mes chevilles. Pareil à des baisers laissés par un mort. Ou le souvenir de son souffle sur ma peau.
Au dessus de moi, des branches de sapins croulant sous le poids de tous ces flocons blancs, des oiseaux virevoltant et le ciel d'un bleu éclatant à perte de vue. C'était une journée magnifique. Une bien belle journée pour partir à l'aventure, pour courir à en perdre haleine, jouer dehors, flâner avec des amis...
Des amis? Je n'en avais même plus. Parce que j'étais naïve et stupide. Parce que je ne racontais que des bêtises. Parce que je n'étais qu'une enfant. Parce que je n'étais pas comme toutes les autres filles de mon âge. Parce que j'aimais les contes pour enfants et les blagues douteuses. Parce que plutôt que de porter des robes et de jolies chaussures, je préfèrais la chaleur des pulls trop grands que ma défunte mère arborait il y a des années. Parce que je vivais dans un monde de rêves et de rires aux odeurs de vieux livres et qu'une adolescente de dix-sept ans, en dernière année de lycée, n'avait pas le droit à ce genre de vie. Parce que j'étais différente, trop différente.
C'était peut-être aussi pour cette raison que je laissais la neige fondre contre mon corps, engourdissant tous mes muscles, me paralysant peu à peu. Les flocons de neige sur mes joues se mêlaient à mes larmes. Comme j'étais pitoyable.
Je restai là, une heure, voire deux, histoire de calmer mon cœur en miettes. J'avais perdu toute notion du temps, ainsi que toutes sensations dans mes membres. J'entendais à peine ma respiration irrégulière entre les différentes rafales de vents. Mon corps était resté là, alors que mon esprit s'était envolé loin, très loin.
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