Chapitre 8: Bienvenue à Alteran

Je marche aux côtés d'Alex, les dix membres du Conseil devant nous. Ils nous font visiter la cité souterraine. Je dois dire que c'est assez impressionnant. Aucune voiture, ni connexion Internet ou cellulaire, ils ont néanmoins la télévision et quelques ordinateurs préhistoriques. Je me demande un peu comme ils font pour vivre sans Internet.

La ville me semble complètement irréelle. Les parois de pierre violettes de la cité sont tapissée des portes rondes des maisons et d'escaliers pour s'y rendre. Les parois sont un peu comme des "banlieues", tandis que le reste de la ville, eh bien, c'est la ville. Plus on se rapproche au centre de la cité, plus les bâtisses sont hautes. "Bâtisse" n'est pas le bon mot: ce sont de grandes structures de pierre noire très lisses - tel du marbre - complètement arrondies, même sur le dessus. Mais elles n'en sont pas moins magnifiques et détaillées: de somptueux détails au niveau des portes et des fenêtres leur profèrent une allure gothique unique et luxueux. Comme toute la ville, d'ailleurs.

Mise à part l'architecture particulière et ce que j'ai énuméré précédemment, la seule différence dans le mode de vie des Alterans est leur système politique. Leur gouvernement, c'est le Conseil. Ce sont eux qui gouvernent et décident. Chaque membre de la société ne décide pas de ce qu'il veut devenir: c'est au cour de leurs études que les professeurs les testent pour choisir de leur avenir. Par contre, pour les gens qui ne sont pas nés à Alteran - comme moi - on les évalue sur une période de cinq jours. Alors, oui, ma vie entière va se jouer sur cinq jours. Rassurant, non?

De plus, je trouve que cette façon de fonctionner est plutôt étrange - voire injuste. Ne pas pouvoir choisir de son avenir et se faire entièrement diriger par un groupe de dix personnes? Ça ne m'inspire pas tellement confiance. Mais bon, bizarrement le reste des habitants semblent faire aveuglément confiance au Conseil.

- Ici, c'est la place centrale de la ville, explique Carnata, une des membres du Conseil. Cet endroit est le lieu de rencontre, de spectacles et d'annonces. Tu risques de t'y rendre souvent au cour de ta vie pour différentes raisons.

Cette fameuse place centrale est spacieuse et vraiment jolie. Son sol est de forme circulaire, et il est violet scintillant, comme les améthystes sur ma stillad. Quelques personnes y traînent entres amis, et en son centre performe un groupe d'acrobatres pour amuser les enfants.

Plus loin, dans un espace moins urbain, il y a une immense chute d'eau qui plonge dans un grand lac à l'eau cristalline, si bien qu'on en voit parfaitement le fond tapissé de je-ne-sais-quel sorte de coraux colorés. Un grand sentier de pierre blanche longe ce lac, et il est truffée de marchants et d'artisans qui vendent leurs produits. 

La seule chose qui, je sens, va me manquer, ce sont les végétaux. Par-ci par-là, on trouve des arbustes floraux noirs et d'étranges arbres couleur d'encre, mais ça n'a rien à voir avec les grands chênes ou les splendides cerisiers qu'on retrouve dans les parcs du monde extérieur. Je vais devoir m'y adapter, je suppose.

On passe ensuite au centre-ville. Diverses commerces longent les rues spacieuses. Cette section de la cité est extrêmement lumineuse, contrairement à ce qu'on pourrait croire. Les bâtisses semblent être tapissées d'une sorte de champignons fluorescents, qui projettent une lumière blanchâtre. L'endroit fourmille d'activité: des musiciens se produisent dans le petit bistro, des enfants gambadent gaiement un peu partout, des gens se parlent et rigolent. Si ce ne serait de son décor irréel et de l'apparence surnaturelle de ses habitants, Alteran pourrait se comparer à n'importe quelle ville qu'on pourrait voir à l'époque où les voitures et les téléphones n'existaient pas.

En voyant passer le Conseil ainsi qu'Alex et moi, les gens s'inclinent avec respect. Je dois avouer que c'est plutôt gênant... On me fait sentir un peu comme une personne importante, tant attendue, alors qu'au fond de moi, j'ai réellement l'impression d'être une olive noire au milieu d'un panier de raisins. Bref, la chose qui ne devrait pas se trouver là.

Après trois bonnes heures, le tour de ville est fini - ou, du moins, la visite de l'essentiel de la cité. Alteran est gigantesque, c'est incroyable! Je me demande comment le dôme au-dessus de nous tient sans s'effondrer... je préfère ne pas y penser. C'est quand même flippant de se rappeler qu'on vit dans un monde souterrain. J'en frissonne. Heureusement que je ne suis pas trop claustrophobe.

- Nous allons maintenant vous reconduire au Toit, me dit un des membres du Conseil.

- Qu'est-ce? demandé-je, perplexe.

« Bah, c'est vrai... les édifices n'ont pas vraiment de toit, ici.» Je me retiens de faire cette remarque.

- C'est une maison parmi tant d'autres creusée dans les parois de la cité, m'explique-t-on. Le Toit est comme le pensionnaire pour vous, les Nouveaux, qui n'avez évidemment pas de maison encore. Vous allez rencontrer vos camarades. Vous êtes la dernière Nouvelle à arriver cette année, tous attendaient votre venue.

- Donc, cela signifie que certains Nouveaux attendent depuis plusieurs mois de pouvoir se faire tester, seulement parce que je n'arrivais pas, conclus-je en fronçant les sourcils.

- Oui, mais ne vous inquiétez pas, ce n'est pas de votre faute. Ils seront ravis de pouvoir commencer les tests, maintenant que tous les Nouveaux sont arrivés.

Mais ce n'est pas ça qui me préoccupe. Cela veut dire que certaines personnes sont là depuis six mois et plus, et que eux sont déjà habitués à la vie souterraine, alors que moi, je n'ai aucune expérience! Est-ce que tout ça va me nuire aux tests? J'essaie de chasser cette pensée de ma tête.

On grimpe plusieurs escaliers en métal qui longent les parois d'Alteran avant d'arriver devant une porte en forme circulaire, très haute comparée au reste de la ville. D'ici, nous avons une superbe vue sur ce monde qui est maintenant le mien. J'ai de la difficulté à me mettre dans le crâne que je suis désormais une Alteranne, que cette cité est celle où je vais passer le reste de ma vie... 

Le Conseil me fait entrer dans le Toit: une grande pièce en cercle s'ouvre à moi. Contrairement à ce qu'on aurait pu s'imaginer, l'endroit était vivement coloré et éclairé. 

Je m'avance lentement dans le Toit. Une table à manger prône au milieu de la grande salle. Des comptoirs de cuisine, parés de micro-ondes, d'un réfrigérateur et d'une multitudes d'armoires et de réserves de nourritures, longent le mur peint en vert lime. Le plancher est blanc et luisant, et un luminaire moderne est suspendu au plafond. Le design de l'endroit contraste radicalement avec le reste d'Alteran. 

Au fond de la pièce, je découvre un espace salon: un énorme foyer devancé d'un dizaine de sofa et fauteuils rouge vif ainsi que de plusieurs tables basses sont placés à cet endroit. 

- Voici la salle commune des filles, commente un de mes "guides". Tu y passeras la majeure partie de ton temps avec tes camarades. Celle des garçons est, si tu retournes dehors, la porte juste à côté. Tu ne pourras pas y aller passé neuf heures du soir et pas avant sept heures du matin, mais la salle des filles t'est toujours ouverte.

Nous nous dirigeons ensuite vers le salon. À droite, je vois la salle de bain. Elle est munie de trois cabines de toilettes et d'une dizaine de lavabos surmontés de miroirs, sans oublier les cinq cabines de douche au fond. À gauche, un long couloir aux murs rose bonbon est paré d'exactement cinq portes de chaque côté, soit dix au total.

- Ce sont les chambres des filles, explique quelqu'un. Il y a deux lits par chambres. Tu seras jumelée avec quelqu'un.

- Probablement avec Annahelle, précise Carnata, la membre du Conseil qui a animé la majeure partie de la visite. Elle est seule et voulait avoir une copine dans sa chambre.

Le membre du Conseil qui expliquait avant l'intervention de l'autre membre hoche la tête avant de poursuivre:

- Eh bien, soit, tu seras avec Annahelle. C'est la deuxième porte à gauche. Tu pourras t'installer dans quelques minutes. Alors, ou en étais-je...? Ah oui! Les chambres. Bref, vous êtes un total de quatorze filles, toi incluse, et quinze garçons.

- Où sont-elles passées, ces treize filles? demandé-je, soudain surprise de trouver le Toit vide.

- Elles sont toutes du côtés des garçons, répond Carnata. Les samedis soirs, ça se passe chez les garçons. C'est la soirée jeux de cartes, habituellement.

C'est alors que des cris de joie et de colères parviennent jusqu'à nous, provenant de l'autre côté du mur vert. La moitié des membres soupirent et lèvent les yeux au ciel. J'en entends un murmurer: "Les Nouveaux... ils ne sont pas aussi disciplinés que ceux qui sont nés ici!" Sa remarque me fait légèrement sourire.

Le Conseil nous salue avant de laisser Alex et moi seuls dans la salle commune des filles. Nous nous échangeons un sourire.

- Que penses-tu d'Alteran? me demande-t-il après quelques instants.

- C'est magnifique, admets-je. Seulement, cette histoire de test m'angoisse vraiment.

Alex balaie l'air du revers de la main.

- Ne t'en fais pas avec ça. Ou, du moins, pas maintenant. (Un moment de silence passe.) Allez, nous devrions aller t'installer dans ta chambre.

C'est ce que nous faisons: nous allons dans la pièce que je vais partager avec une certaine Annahelle pour y vider ma maigre quantité d'effets personnels. La chambre est longée de murs bleu électrique, et garnie de deux lits longeant des murs opposés, d'une étagère pour chaque personne et d'une petite télévision. Il y a aussi deux placards pour y ranger nos vêtements. Je constate que le mien est déjà à moitié rempli: Alex m'explique qu'on offre toujours quelques vêtements aux nouveaux. Ce qui est une très bonne chose, car je n'ai apporté que cinq t-shirts, deux pairs de jeans et deux pyjamas. (Et des sous-vêtements, bien évidemment!)

- Qui est-ce?

Je sursaute: j'étais perdue dans mes pensées. Alex tient une photo dans ses mains. J'étire le cou pour pouvoir la regarder: c'est la photographie de famille que j'ai glissé dans mon sac à la dernière minute. Alex pointe ma grande soeur, Alicia. Mon coeur se serre. Je dis avec une nonchalance feinte:

- Ma grande soeur.

- La vois-tu encore de temps en temps?

- Elle est allée à Alteran lorsqu'elle avait dix-sept ans et demi. Ça fait dix ans qu'elle est partie de la maison.

- Tu vas la revoir bientôt, alors!

Un petit sourire triste s'affiche dans mon visage. Mes parents, eux, ne pourront jamais me revoir, ni revoir Alicia. Je me sens si égoïste, même si tout ça est totalement hors de mon contrôle.

Après avoir étalées mes choses sur mes étagères et rangés mes vêtements, je remarque l'autre côté de la pièce. On aurait cru qu'une démarcation invisible traçait les murs de la chambre: son côté est entièrement personnalisé, avec des autocollants muraux, des photographies et autres objets personnels. Le mien est vraiment monotone, comparé au sien. Ça doit faire au moins trois mois qu'elle est ici. Alex se dirige vers les photographies sur le mur et se met à les fixer. Après quelques minutes, je m'avance vers lui:

- Que regardes-tu?

Il se retourne vivement vers moi. Ça m'amuse quand même un peu de voir que Alex est comme moi, avec son côté distrait. Est-ce que tous les gens qui vivent ici sont comme ça? Je l'ignore.

- Je suis nostalgique, soupire Alex. Ces photos prises partout à travers le monde sous différents décors, je... ces choses-là me manque.

- Pourtant, tu sors d'ici tous les jours pour aller à l'école, non? Et d'ailleurs, pourquoi ne vas-tu pas à l'école d'Alteran, comme tous ceux qui sont nés ici?

- Ça va de pair avec le fait que je ne sois pas comme les autres habitants, souffle Alex en baissant les yeux.

Je fronce les sourcils.

- Pourquoi es-tu... différent?

À ce moment-là, un homme d'âge moyen entre dans la pièce. Je ne crois pas que ce soit un membre du Conseil à son accoutrement, mais il est probablement un titulaire ou un truc du genre.

- Bonjour, nous salue-t-il rapidement. Alexandre, je dois te parler. 

Son ton s'est fait horriblement dur. Je m'apprête à les suivre hors de la chambre, lorsque l'homme m'intercepte:

- Juste à Alexandre. Reste ici en attendant.

Et il me ferme la porte au nez. À la fois ahurie et inquiète, je décide de m'agenouiller près de la porte. Je peux entendre leur conversation.

- Tu n'as pas le droit de te tenir avec les Nouveaux, gronde la voix grave de l'inconnu.

- Monsieur Desboisés, se défend Alex. Je connaissais cette fille avant qu'elle ne se transforme, je...

- Ne va pas polluer nos citoyens, espèce d'Étamien! aboie ce prénommé monsieur Desboisés.

Mes yeux s'agrandissent d'effroi et d'angoisse. Que se passe-t-il? Un Étamien? Est-ce qu'Alex est? J'ignore ce qu'est un Étamien... mais visiblement, les Alterans ne les aiment pas. L'adulte reprend:

- J'ai déjà essayé de te séparer d'elle, il y a deux jours, mais j'ai échoué.

- C'était donc vous, au vieux vestiaire, qui a essayé de défoncer la porte? s'étrangle Alex. Mais nous aurions pu y laisser notre vie, nous croyions que vous étiez un assassin ou un dérangé qui essayait de nous enlever!

- Je n'avais pas le choix. Le Conseil est dégoûté, Alexandre, qu'une chose comme toi s'approche autant d'un des nôtres.

Mon coeur bat à tout rompre. "Une chose comme lui"? Pourquoi le Conseil n'aimerait pas Alex? 

- Mais, monsieur Desboisés, je...

- Va lui dire au revoir et fout le camp d'ici! hurle le surveillant.

J'entends la porte principale du Toit s'ouvrir et se referme en un claquement sourd. Quelques secondes plus tard, Alex entre dans ma chambre, un air triste et las au visage. Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, il prend la parole:

- T'as entendu, hein?

Je hoche lentement la tête en me relevant. Alex soupire et s'affaisse sur mon nouveau lit. Je vais m'installer à ses côtés. Nous demeurons plusieurs minutes en silence. Je finis par enfin poser a question qui me brûle les lèvres.

- Alex... Qu'est-ce qu'un Étamien? demandé-je, pleine d'appréhension.

Il pose sur moi ses yeux bleus teintés d'inquiétude.

- Le contraire d'un Alteran, lâche-t-il simplement. Le principe est similaire chez les deux races. Mais, alors que les Alterans sont des créatures de la nuit et de la terre, eh bien...

- Les Étamiens sont des créatures du jour et du ciel, deviné-je en murmurant.

Il hoche tristement la tête. Tant de questions me lancinent l'esprit: pourquoi quelqu'un comme Alex pourrait bien être né ici, dans ce cas? Ne serait-il pas supposé être né dans une cité faite pour les gens de sa race? Et le monde des Étamiens serait-il dans les montagnes, près du ciel? Pourquoi le Conseil le déteste-il, dans ce cas? Je suis bombardée de questions sans réponse, et je suis incapable de formuler une question censée. 

Alex finit par se lever et me dit:

- Monsieur Desboisé, le type qui nous a fait jeter en-bas de l'école, m'attend à la sortie et va me tuer si je ne vais pas le rejoindre. Je vais chez moi.

- Tu as une maison à Alteran, mais tu ne vas pas à l'école ici? Je ne te suis plus, Alex.

- Moi non plus, je ne me comprends pas vraiment moi-même. On en reparlera demain, ok? Bonne soirée, Jenn.

Et il sort. Après être demeurée immobile quelques secondes sur mon lit, je décide de me lever lentement à mon tour et d'aller voir du côté des garçons, question de rencontrer un peu les autres Nouveaux. Cette pensé me rend très anxieuse, mais il faut que je le fasse.

Je sors du côté féminin du Toit pour me rendre à celui des garçons. En entrant, je suis frappée par l'activité qui règne, ici: Une vingtaine de garçons et filles sont entassés autour d'une petite table basse dans le salon pour jouer aux cartes. D'autres Nouveaux rient, d'autres ne font que bavarder. Il règne un vraie cacophonie. Tout le monde hurle en jouant, les rires fusent et une dizaine de personnes grignotent des chips, écrasés sur le grand canapé en L face à la télévision pour écouter un film d'action.

Pendant quelques secondes, personne ne remarque mon arrivée. Je referme la porte dans mon dos et observe sans broncher la scène qui se déroule sous mes yeux. C'est alors qu'un garçon qui joue aux cartes lève la tête et hurle, par-dessus le brouhaha:

- Eh, les mecs! Fermez-la, il y a enfin la dernière Nouvelle qui vient d'arriver!

Un léger instant de silence passe, ensuite brisé par une vague d'applaudissement. Mes joues virent vivement au cramoisi. On me fait signe de se joindre aux autres dans le salon. C'est ce que je fais, vraiment embarrassée. Le garçon qui avait parlé viens à ma rencontre. Je dois lever la tête à m'en endolorir le cou pour le regarder dans les yeux; il fait deux bonnes têtes de plus que moi.

- Salut, moi c'est Fabien, me lance-t-il avec un large sourire aux lèvres. Bienvenue parmi nous! On est probablement les personnes les plus folles et les plus défoncées que tu as rencontré de ta vie entière, mais t'en fait pas, on ne mord pas souvent.

- Sauf si t'appelles Fabien "Fab", hurle quelqu'un dans le salon.

- Parce qu'il est juste super Fab-uleux! enrichit quelqu'un d'autre.

- Fermez-la, bande d'attardés mentaux! cri Fabien avant de se jeter sur les deux qui ont parlé.

Fabien se bat avec un de ses potes qui lui avait crié qu'il était "Fab-uleux". Tout le monde s'est levé - même les dix qui écoutaient un film - pour encourager la bagarre. Tout le monde tappe dans ses mains en hurlant des: "Fabien, Fabien, Fabien!" ou "Jacob, Jacob, Jacob!" et moi je suis juste là, tordue de dire devant la scène. Fabien finit par maîtriser son pote, un certain Jacob, et à le forcer à avouer qu'il était le meilleur - sous peine de lui piquer sa réserve de chips barbecue. La bagarre prend ainsi fin, sous les sifflements et applaudissements de la foule.

Puis, Fabien revient à ma rencontre. Il justifie la réaction de lui et Jacob; il m'explique que celui-ci est son pote et qu'il rigole souvent de son surnom.

Je me surprends à mentalement me dire que je devrais rester près de Fabien dans les jours à suivre. Pas dans un sens, disons, sentimental; mais pour un côté pratique. Je suis vraiment seule au milieu de tous ses Nouveaux, mais Fabien est venu à ma rencontre et semble décidé à m'intégrer.

Celui-ci a l'apparence d'un type sympathique. Il a de superbes yeux violets pétillants et des cheveux noir jais ébouriffés. Sur son visage plane toujours un air accueillant et rassurant. Il est plutôt costaud et a un sourire moqueur dessiné constamment sur ses lèvres.

Après quelques instants, Fabien m'explique, moqueur:

- Les bonnes chips sont rares, ici. Celles que fournissent le Toit sont juste répugnantes. Faut s'arranger pour s'en procurer des bonnes. Les chips au barbecue qu'on a déniché il n'y a pas longtemps sont les préférées de Jacob. Disons juste que j'en profite parfois pour faire un peu de chantage.

Une des filles qui regardaient le film lance alors, avec brusquerie:

- Merde, vous auriez pas pu nous dire que vous aviez des fichues chips au barbecue? Vous êtes juste des putains d'égoïstes!

J'ai un peu sursauté à entendre cette personne parler: moi qui n'est jamais vulgaire, ça me fige totalement lorsque des gens parlent ainsi! Mon réflexe est de reculer d'un pas. Pourtant, Fabien semble être heureux que la fille ait intervenue. En s'adressant à elle, il réplique narquoisement:

- C'est pas de ma faute, Amé, si t'es trop paresseuse pour t'en trouver toi-même...

- Va te faire...

Fabien saisit un oreiller et le lance sur Amé. Elle éclate de rire en continuant de l'insulter. Puis, elle me lance:

- Je suis pas si salope que Fab essaie de te faire à croire, viens mettre des fesses sur ce sofa et regarder le film avec nous!

- Arrête de m'appeler Fab! s'énerve Fabien en lui envoyant un autre oreiller.

Je vais rejoindre la fille, une certaine Amé, à la télévision. Elle a des cheveux noir frisés, les yeux violets en demi-lune. Elle se présente, couchée de tout son long sur le sofa rouge:

- Je m'appelle Amélindia, mais je t'en prie, ne m'appelle jamais comme ça. Juste Amé suffit.

Sur ce, elle m'envoie un grand sourire en coin. Je me détends immédiatement. Elle n'est peut-être pas aussi froide qu'elle a tenté de le faire paraître, au fond.

Je remarque les neufs autres personnes présentes pour le film: quatre garçons et cinq filles. Deux des filles s'approchent alors de moi. On aurait dit des soeurs. Elles ont toutes deux les cheveux bruns caramels - ce qui me laisse à croire qu'ils devaient être blonds avant leur transformation - et des yeux violets grands et éveillés. La seule chose qui les différencie vraiment, ce sont les taches de rousseur qu'une d'elle a sur ses joues et son nez. Celle-ci me lance alors rapidement:

- Moi, c'est Tess! Super contente de te rencontrer!

- Et moi, c'est Jess! enrichit l'autre sur le même ton. Tess et moi sommes comme des soeurs: on se connaissait même avant notre transformation...

- ... et on s'est suivie jusqu'à Alteran! finit Tess, toute sourire. Et toi, qui es-tu?

La rapidité de leurs explications me lance d'abord sans voix. Puis je réussis à balbutier timidement:

- Jennifer, mais appelez-moi Jenn.

Jess et Tess s'animent et me font de grands sourire.

- Alors bienvenue parmi nous! hurle Jess en levant les bras au ciel.

- Fermez-la! tranche Amé avec énervement.

Jess et Tess éclatent d'un rire hystérique. Je remarque qu'Amé a un sourire espiègle sur les lèvres. Je rigole timidement moi aussi.

Je n'ai pas encore rencontré ma camarade de chambre, mais je compte aller la retrouver bientôt. En tout cas, je dois dire que cette première journée à Alteran est couronnée de succès. C'est les prochains jours qui m'inquiètent un peu plus. Les épreuves commencent après-demain, et je ne sais pas comment me préparer. En écoutant le film d'action, je pense au fait que le monde extérieur n'est pas loin, qu'il est juste au-dessus de moi, comme des anges gardiens veillant sur moi et mon avenir.



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