Chapitre 4 - Le Rouge et L'Écarlate
Le rouge et l'écarlate n'ont que quelques nuances d'écart, ce qui fait toute la différence: le Rouge de la vie et l'Écarlate du sang.
"Donc... Tu as été décapité par, euh, Frisk..."
"OUI."
Papyrus enfouit sa main dans son écharpe et se frotte le cou. "MAIS JE SAIS QUE CE N'ÉTAIT PAS DE SA FAUTE."
Sans tourne sa tête violemment. "papyrus, je veux bien que tu sois optimiste, mais je ne pense pas que décimer toute la population des monstres peut être fait par accident."
"CE N'ÉTAIT PAS UN ACCIDENT, JE LE SAIS."
Sans fronce un sourcil. "alors... comment est-ce que c'est pas de sa faute?"
"JE LE VOYAIS DANS SES YEUX, IL NE VOULAIT PAS. SES YEUX, ILS ÉTAIENT HUMIDES, ET EFFRAYÉS..."
"moi aussi je les ai vus, ses yeux, et je peux t'assurer que je n'ai vu aucun effroi en eux. Tout ce que j'ai vu, c'était un 'quelle horreur' face au fait que je n'étais toujours pas mort."
"MAIS ÇA, C'ÉTAIT PARCE QUE TU NE L'AS VU DE PRÈS EN COMBAT QUE BIEN APRÈS MOI."
Je suis distancée de la conversation, mais j'écoute de près.
"IL A DÛ S'HABITUER À TUER."
"papyrus, je t'en supplie, ne fait pas une plaidoirie pour un tueur en série."
"JE VEUX QU'ON COMPRENNE TOUS, QU'ON ESSAYE AU MOINS. IL MÉRITERAIT UNE DEUXIÈME CHANCE!"
"tu la lui as donnée, sa deuxième chance."
"PEUT-ÊTRE QU'IL EST TOUJOURS LÀ, QUELQUE PART, ET-"
Sans serre les poings et son corps entier se crispe de colère, tandis que son œil brille d'une couleur fluo. "JE NE VEUX PAS SAVOIR SI IL EST ENCORE LÀ, À GAMBADER, CHERCHANT UNE NOUVELLE PROIE!" Il se détend légèrement et ferme les yeux, pour ensuite les rouvrir, les deux pupilles blanches de retour, comme d'habitude. "je veux l'oublier."
"T'as déjà eu assez de bouteilles pour oublier, Sans, tu ne crois pas?"
Sans me jette des éclairs spirituels avec son œil fluo. "je vais faire tout de mon possible, pour oublier, ou me venger."
Je regarde Papyrus, et il me regarde en retour. Le visage du grand squelette est crispé, modelé d'inquiétude. Le mien l'est sans doute aussi. Papyrus tourne de nouveau le regard vers Sans, tirant toujours la même tête. "C'EST PAS UNE VRAIE SOLUTION. C'EST PAS COMME ÇA QUE LE SENTIMENT DISPARAÎTRA."
"qu'il disparaisse avec moi, ce sentiment, et que j'aille brûler en enfer avec toute ma poisse et ma merde. je m'en fous. mais j'aurai ce que je mérite." L'espace d'une seconde, j'aurai cru que Sans allait cracher sur son frère.
Il presse le pas et monte dans une chambre, sans doute la sienne, à l'étage.
"Vous vous êtes déjà disputés comme ça?"
Papyrus reste silencieux, donc je lui lance un regard. Des larmes ruissellent le long de ses pommettes blanches, et il se tient droit comme un piquet, au milieu du salon, les épaules haussées et les mains pliant ses gants en poings.
"Merde." Je vais jusqu'à lui. Il me regarde en retour, et ses larmes deviennent les rivières et son visage se déforme en pleurs et en sanglots. Il cache ses pleurs avec ses grandes mains habillées de gants encore plus grands. Je lui frotte le bras en guise de réconfort, et en un instant je me retrouve entrelacée dans un gros câlin, tandis qu'il tremble, qu'il sanglote, qu'il tousse et renifle, sans un mot. "Désolée, Papyrus..." je lui répète, en lui tapotant le dos.
On dit que le silence est d'or, mais il pèse plus lourd que le plomb dans l'air de la maison. Les seuls bruits qu'il y a sont les plaintes dépourvues de mots de Papyrus et un bruit de fond venant de la télé.
Je me décroche de Papyrus, qui s'essuie les yeux avec ses gants. "MERCI, HUMAINE."
"Je vais aller voir Sans"
"ET MOI, JE FAIS QUOI?"
"Je sais pas, ce que tu veux."
Sur ces mots, je monte à la chambre. J'essaye d'ouvrir, mais la poignée se bloque brusquement mi-rotation, sans me laisser ouvrir la porte.
Oh non.
Je tape frénétiquement à la porte. "Sans? Sans ouvre c'est moi!" Mon pouls s'accélère. Mon pessimisme me prépare au pire, mais je ne veux pas y croire.
J'aurai du plus m'inquiéter quand il est monté tout à l'heure. Je suis stupide de ne pas avoir vu un comportement plus que suspect.
J'essaye de bouger la porte, de la défoncer avec mon épaule, de péter la poignée, tout ce que je peux pour entrer. Chaque seconde compte, si c'est ce que je crois.
"ATTENTION!"
J'ai à peine le temps de rétracter mes mains qu'un os apparaît au beau milieu de l'air et défonce la poignée avant de se volatiliser.
Je pousse la porte, en apnée. Un peu plus rapide, et la vitesse de mon pouls aurait provoqué une crise cardiaque.
Je regarde dans la chambre, et il n'y a personne.
"IL S'EST SANS DOUTE TÉLÉPORTÉ, ENCORE UNE FOIS."
J'ai failli croire qu'il était mort...
Je redescends les escaliers, encore engourdie par une terreur que je ne saurais pas expliquer. Avec les milliers de mots de notre magnifique langue, je ne saurais décrire ce sentiment.
Arrivée en bas, je tape deux fois du pied. "Flowey?" appelles-je avec une voix forte.
Une fleur jaune sort du carrelage et me regarde droit dans les yeux. "On dirait que t'as vu quelqu'un mourir."
"Tu sais où est Sans?"
"Oui, il est dans la forêt."
Je respire, il est vivant. Je ne sais pas pourquoi mon esprit s'est tout de suite dit la pire chose, et encore moins pourquoi j'y ai cru. Mais c'est vrai qu'en contexte, il est dur de vraiment savoir. Il gueule qu'il va mourir, et il verrouille sa porte après être entré dans sa chambre...
"Où exactement?"
"Tu crois que je localise exactement où je suis tout le temps? Dans la forêt, pas trop loin à l'intérieur."
"Bien. Tu peux nous y guider?"
Il dégaine ses lianes, et je l'interromps avec "Non, pas sous terre."
"Tu veux vraiment me rendre la vie plus compliquée hein?" gronde-t-il après un grand soupir.
Il va sous-terre et réapparaît à la porte. "Suivez-moi."
Je me déplace jusqu'à lui, Papyrus restant à une distance d'un mètre environ derrière moi, et ouvre la porte. Flowey repart sous-terre et ressort à quelque mètres d'ici. Je le suis comme ça pendant un moment, jusqu'à arriver un peu plus loin dans la forêt, ou je vois un monstre blanc à petite taille avec un grand sweat bleu.
"Sans."
Il se retourne vers moi.
"salut."
Je calcule sa réponse, et je ris.
Je lâche un petit rire distant, qui serait digne d'un psychopathe, mais en contexte...
"Tu... Tu me dis juste 'Salut'..?"
"ouais. je devais dire autre chose?" Il me regarde plus amèrement que comment il m'a parlé.
"Je croyais que t'étais mort, Sans. Je- Je veux bien croire que je suis pessimiste, mais... Tu t'en vas après avoir dit que tu voulais crever, dans ta chambre, et fermes la porte à clé..."
Il me regarde les yeux écarquillés."quoi?"
"Tu te rends pas compte."
"mais- je me téléporte souvent, et la porte de ma chambre est toujours verrouillée sauf quand j'y entre ou j'en sors!"
"Mais ça je ne le savais pas. Et même si je savais, j'aurai paniqué, parce que tu ne nous a pas dit où tu allais, ni que tu partais d'ailleurs."
"..."
Il regarde à sa droite, les sourcils penchés vers l'extérieur, la mâchoire serrée.
"SANS, MOI AUSSI J'AI EU PEUR..."
Il regarde son frère dans les yeux, inspirant juste de la peine.
"désolé, j'ai été un gros connard."
"Et là c'est un terme un peu léger-"
"Ta gueule Flowey. Tu n'aides personne."
Un silence pesant envahit l'air.
"je sais pas ce qui m'a pris ces dernier temps... j'ai été un enculé... à tout le monde. je..."
Il lâche un petit rire. "je dirais que je ferais mieux de crever mais... c'est pas la solution, pas vrai?"
Je lui donne un petit sourire amère. "C'est vrai. Et- tu ne mérites pas de mourir. T'es une bonne personne qui a vécu les mauvais évènements et a eu les mauvaises réactions."
"ET... QU'EST-CE QUE JE FERAIS SI JE N'AVAIS PAS... TOI? QUAND J'ÉTAIS PERDU, JE NE L'ÉTAIS PAS QUE PHYSIQUEMENT, MAIS AUSSI À L'INTÉRIEUR. JE NE SUIS MOI-MÊME QUE GRÂCE AUX AUTRES."
"hé bien, t'es bien ligamenté à moi."
Papyrus serre les poings et souffle par le nez. "JE VAIS TE FRACTURER TOUS LES 200 ET QUELQUES OS DU CORPS."
"je t'en prie." Il lance un petit sourire satisfait à son frère enragé.
"On devrait rentrer. J'ai froid."
Sur ma remarque, on marche jusqu'à la maison des frères squelettes.
***
La télé est allumée. Les murs se tiennent comme artifices autour des contenus d'une habitation nostalgiques. Les lampes émettent une lumière blanche, légèrement jaunâtre, le carrelage maintient une froideur qui est là pour nous rappeler qu'on est dans un village enneigé.
"Donc... Si je peux me permettre, Frisk était comment?"
Tout se fige, et l'air est un peu plus dur à respirer, d'un coup.
"Frisk, au début, était juste un peu bizarre, et familier. Après il est devenu... L'allégorie de la mort. L'ange de la mort. L'ange qui était destiné à vider l'Underground. Le voir te pétrifie, pas parce qu'il a une apparence terrifiante, mais parce qu'il a des idées que personne n'ose imaginer. Même moi." décrit Flowey. Papyrus hoche la tête.
"je l'ai vu tuer tous les monstres des centaines de milliers de fois. chaque fois, c'était plus facile pour lui. chaque fois, c'était plus drôle pour lui. il aimait voir chacun de nous souffrir, s'enrager, essayer de se venger, ne pas y arriver et mourir."
"JE CROYAIS QU'IL RESTAIT QUELQUE CHOSE À L'INTÉRIEUR DE LUI. JE VEUX TOUJOURS Y CROIRE. PEUT-ÊTRE QUE JE SUIS JUSTE UN PEU TROP OPTIMISTE..."
"L'optimisme et l'espoir sont les parents de la survie, Papyrus."
"MAIS JE SUIS QUAND MÊME MORT."
"C'est ta naïveté qui t'a tué." La voix de diablotin s'échappe de ma poche.
"Ta gueule Flowey."
"c'est pas bon signe quand elle te dit ça après une de tes phrases sur deux."
Flowey grommelle lamentablement à la remarque de Sans.
"Si ça excuse quoi que ce soit, j'ai plus d'âme."
"ça n'excuse rien, alors ta gueule flowey."
Flowey lâche un cri étouffé. Puis il se racle la gorge. "Frisk avait l'âme de la détermination, comme Chara. C'est dommage, parce que Chara était vraiment une bonne personne. Frisk a souillé ce trait d'âme et l'a teint en écarlate..."
"je dirais pas que chara était complètement innocent non plus. y'a pas que le noir et le blanc."
"Ta gueule, Sans!" Flowey se réjouit à prononcer cette phrase.
"Il ressemblait à quoi, Frisk?"
"c'était un gosse plutôt petit, sans doute deux ou trois centimètres moins haut que moi-"
"Et toi t'es quoi alors?"
"j'ai jamais dit que j'était grand, et parles pour toi-même. tu fais vingt centimètres et les 4 kilos que tu pèses sont entièrement répartis dans ta grosse tête. à ta place je ferais pas chier et je fermerais ma grande gueule."
Flowey écoute le conseil de Sans et ferme son clapet.
"IL AVAIT UN COL-ROULÉ ROSE EN DESSOUS D'UN T-SHIRT BLEU À RAYURES ROSE FLUO. IL AVAIT DES JEANS, DES CHAUSSURES MARRON ET LES CHEVEUX EN COUPE AU CARRÉ."
"Et il devait avoir genre... 15 ans?"
"Non, lui, quand il a tué tout le monde, il devait avoir 10 ans. Et si tu n'en savais pas mieux, tu te dirais qu'il ne ferait pas de mal à une mouche."
J'aurai imaginé qu'il était un ado avec des cernes sous les yeux et un corps mal entretenu. Mais c'est trop... Stéréotypé.
J'essaye d'imaginer un petit enfant tout mignon commettre des atrocités telles que le meurtre. Un petit enfant, avec un pull bleu et rose, des petites bottines marron, et un couteau ensanglanté, mais je n'y arrive pas.
"Il devait être vraiment fou pour que tout le monde ait peur de lui."
"non. je dirais plus qu'il était dérangé, qu'il lui manquait de la moralité. pas qu'il était barge."
"Faut être complètement taré pour tuer."
"pas forcément. faut se dire que moi aussi, je l'ai tué plusieurs fois, ce gosse. il faut juste avoir une raison de tuer et la motivation ou le courage de le faire."
"Mais quelle serait sa raison à lui?"
"je n'ai pas envie de savoir."
Peut-être que cette affaire a un fond plus sombre que juste de la folie.
Peut-être que Frisk est humain, après tout. Qu'est-ce qui est plus inhumain que l'humanité?
Tout le monde veut une vie, et une personne sans vie peut aller à des longueurs bien extrêmes pour en avoir une.
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